Par une requête enregistrée le 24 avril 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 16 janvier 2018 ;
- d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er juin 2017 ;
- d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 30 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en ce qui concerne le titre de séjour :
. le préfet a omis d'examiner sa demande au regard de l'article L 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'accord franco-marocain
. le titre de séjour sollicité devait être accordé sur le fondement de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en qualité de salarié ;
. l'article L 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers a été méconnu ;
. l'appréciation de sa situation est manifestement erronée ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
. cette décision est insuffisamment motivée ;
. l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme a été violé ;
. une erreur manifeste d'appréciation a été commise ;
- en ce qui concerne le pays de renvoi : cette décision est entachée d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridique modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter des conclusions.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Brisson.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant marocain, né le 7 décembre 1976 est entré en France muni d'un permis de résidence de longue durée délivré par les autorités espagnoles. Le 29 mars 2017, il a saisi le préfet du Loiret d'une demande de délivrance de titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier. Aux termes de l'arrêté en litige du 1er juin 2017, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. M. B...relève appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté en litige et du défaut d'examen de la situation particulière de la situation de M. B...que ce dernier renouvelle en appel sans apporter de précisions supplémentaires, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, en sa rédaction alors applicable : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) / 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. (....) ".
4. S'il est constant que le requérant a saisi le préfet du Loiret, le 29 mars 2017, d'une demande de titre de séjour, l'intéressé n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'il serait entré sur le territoire national moins de trois mois avant sa demande comme il l'allègue. Il s'ensuit que, faute de justifier que sa demande de titre a été présentée dans les trois mois suivant son entrée en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier aurait dû lui être délivré de plein droit, ce alors même qu'un employeur accepte de l'embaucher, qu'il a justifié de son activité professionnelle antérieure et de ses ressources.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorti de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
6. Ainsi, l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoyant la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise par le préfet en ne mettant pas en oeuvre les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obtention d'un titre salarié est inopérant.
7. Toutefois, ces dispositions n'interdisent pas au préfet, à titre subsidiaire, et dans l'exercice du pouvoir général d'appréciation dont il dispose sur ce point, d'examiner, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié.
8. Si M. B...fait valoir qu'un groupement d'employeurs est disposé à l'embaucher et produit, outre les contrats de travail à durée déterminée conclus depuis 2012, les bulletins de paie correspondant à ces périodes de travail, ces éléments, portés à la connaissance du préfet, ne peuvent, en l'espèce, être regardés comme étant constitutifs de circonstances exceptionnelles au sens de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ouvrant au requérant droit au séjour. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'en n'usant pas de la faculté de régularisation dont il dispose, le préfet du Loiret aurait méconnu l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
9. Ces mêmes éléments ne caractérisent pas davantage une erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise dans l'appréciation de sa situation.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 " et aux termes de l'article L. 313-23 du même code : " Une carte de séjour d'une durée maximale de trois ans, renouvelable, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée, dès sa première admission au séjour, à l'étranger pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier, défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du même code, lorsque l'étranger s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. La carte porte la mention " travailleur saisonnier ". / Elle donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. ".
11. Si M. B...soutient " qu'il aurait pu remplir les conditions de l'article L 323-23 " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort cependant des stipulations précitées de l'article 9 de l'accord franco-marocain que l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, dont la situation est régie par l'article 3 de cet accord. Par suite, l'arrêté contesté ne pouvait être légalement pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Au surplus, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est soumise à l'obtention préalable d'un visa de long séjour en application de l'article L 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, l'article 9 de l'accord susmentionné renvoyant à la législation nationale sur ce point.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
13. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas prévu au 3° où elle fait suite à un refus de titre de séjour. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
14. En deuxième lieu, ne remplissant pas, comme il a été dit aux points 3 à 12, les conditions lui permettant de se voir délivrer un titre de séjour, le moyen tiré de ce que le requérant ne pouvait être destinataire d'une obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.
15. En troisième lieu, en se bornant à alléguer l'existence de liens personnels et familiaux en France et de son intégration dans ce pays, le requérant, dont l'épouse et les trois enfants résident en Espagne, n'établit ni la réalité, ni l'intensité d'une vie privé et familiale en France. Par suite, le préfet n'a ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Si le requérant fait valoir qu'il a quitté depuis de nombreuses années son pays d'origine et n'y a plus de domicile, ces circonstances ne sauraient suffire à démontrer que le préfet, en décidant que le requérant pourra être reconduit à destination du Maroc ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible, aurait méconnu les dispositions de l'article L 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
18. Eu égard à ce qui précède, doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 décembre 2018.
Le rapporteur,
C. BRISSONLe président,
A. PEREZ Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT01711 2