Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 novembre 2015, MmeB..., représentée par la Selarl AVHA, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 11 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard une autorisation provisoire de séjour et un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B...de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente, faute pour l'administration d'établir que le signataire de l'acte était titulaire d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie de sa demande ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en niant les attaches familiales qu'elle a en France alors qu'elle serait totalement isolée, incapable de subvenir à ses besoins et ne pourrait plus poursuivre son traitement médical en cas de retour dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision portant obligation de quitter le territoire devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle a été prise par une autorité incompétente, faute pour l'administration d'établir que le signataire de l'acte était légalement habilité par le préfet ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'un retour en Turquie l'empêcherait de poursuivre son traitement et pourrait entraîner des risques affectant sa survie ;
- pour les mêmes motifs que précédemment, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle au regard de sa santé physique et morale ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel.
1. Considérant que Mme B...relève appel du jugement du 11 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2015 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée à défaut de se conformer à cette obligation dans le délai requis ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2015029-0001 du 29 janvier 2015, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 5 février 2015, soit antérieurement à la décision contestée, le préfet du Loiret a donné à M. Hervé Jonathan, secrétaire général de la préfecture de ce département et signataire de cette décision, délégation à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département du Loiret (...) ", à l'exception de certaines matières dont ne relèvent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
4. Considérant que Mme B...soutient que l'arrêté contesté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que toutefois, il ressort des termes mêmes de cet arrêté qu'il vise les textes qui en constituent son fondement et qu'il procède à l'analyse de la situation personnelle de l'intéressée ; qu'en particulier, le préfet, pour rejeter la demande de titre de séjour que Mme B...sollicitait a retenu, après avoir rappelé la présence en France de ses trois enfants majeurs, qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation personnelle et de celle de sa famille ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article R.313-21 de ce même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que Mme B...soutient que la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ; qu'elle fait valoir qu'elle est veuve et qu'elle réside en France depuis 2010 où résident trois de ses enfants chez qui elle vit et onze petits-enfants , que ses enfants lui assurant l'intégralité de ses moyens de subsistance, elle ne constitue pas une charge pour l'Etat français, ni une menace pour l'ordre public, qu'elle se retrouverait isolée en cas de retour en Turquie, sa fille qui y réside ne pouvant la prendre en charge compte tenu du modèle de structure familiale turque et des difficultés financières rencontrées par sa famille et qu'elle sera donc incapable de subvenir à ses besoins, ni poursuivre son traitement médical en cas de retour dans son pays d'origine ;
7. Considérant, toutefois, que MmeB..., qui est entrée irrégulièrement en France en 2010 n'a pu s'y maintenir qu'après avoir déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade qui a donné lieu à un arrêté de refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français le 12 octobre 2012, confirmé, suite à un recours gracieux, par une décision du 14 décembre 2012 ; que l'intéressée n'a pas déféré à cette obligation et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français ; que, par ailleurs, MmeB..., qui est née le 2 février 1952, a vécu en Turquie jusqu'à l'âge de 58 ans ; qu'il est constant, alors même que trois de ses enfants et onze de ses petits-enfants vivent en France, qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale en Turquie où vit sa fille ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que Mme B...a vécu au moins cinq ans en Turquie après le décès de son mari, qu'elle ne pourrait pas recevoir l'aide de sa famille ; que dans ces conditions, la requérante ne justifie pas de relations stables et anciennes sur le territoire français au sens des dispositions précitées de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, par ailleurs, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il est constant que Mme B... a saisi le préfet du Loiret d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et n'a présenté aucune demande formelle de délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11 ° du même article ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu d'examiner sa demande en qualité d'étranger malade ; qu'en tout état de cause, l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir la gravité de sa pathologie et l'impossibilité de poursuivre son traitement dans son pays d'origine ;
9. Considérant qu'il suit de là que la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Loiret n'était pas tenu de soumettre le cas de Mme B...à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que MmeB... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante ;
13. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
14. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle est de santé fragile, nécessite une consultation médicale mensuelle avec prise d'un traitement médicamenteux lourd et qu'un retour dans son pays d'origine l'empêcherait de poursuivre son traitement et pourrait entraîner des risques affectant sa survie ; que toutefois, la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir la nature et la gravité de la pathologie dont elle souffrirait, ni aucune indication sur le traitement qu'elle suivrait en France ; qu'elle ne démontre pas, non plus, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10 °de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être qu'écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou de réexaminer sa situation personnelle doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que MmeB..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03417