Par une requête, enregistrée le 22 juin 2020, M. A..., agissant en son nom propre et pour le compte de l'enfant G... A... H..., et Mme B... J... I... A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 avril 2020 ;
2°) d'annuler la décision contestée en tant qu'elle maintient les refus de visa opposés à Loïc Landry A... H... et Marie Geneviève Flora I... A... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Loïc Landry A... H... et Marie Geneviève Flora I... A... les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer leurs demandes de visa, dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation alors qu'ils disposent d'un droit au séjour sur le territoire français en application des dispositions des articles L. 411-2 et L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par une ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2020.
Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 30 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les observations de Me F..., substituant Me D... et représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais résidant régulièrement en France, a obtenu, par une décision du préfet de Seine-et-Marne du 2 juillet 2015, une autorisation de regroupement familial au profit notamment des jeunes Marie Geneviève Flora I... A... et Loïc Landry A... H... qu'il présente comme ses enfants nés, respectivement, le 12 avril 1997 et le 18 janvier 2003. Les demandes de visa de long séjour présentées le 19 décembre 2018 par ces derniers ont été rejetées par les autorités consulaires françaises en poste à Yaoundé. Par une décision du 25 janvier 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre ces refus de visa au motif que " Après vérification auprès des autorités locales, ces dernières ont indiqué que les actes de naissance produits lors des (...) demandes de visa n'existaient pas dans les registres primata d'état civil d'Etoa à Yaoundé 3ème ". M. A..., agissant en son nom personnel et pour le compte de l'enfant et Loïc Landry A... H... et Mme B... J... I... A... doivent être regardés comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 avril 2010 en tant qu'il rejette les conclusions de leur demande tendant à l'annulation des refus de visa maintenus par la commission à l'encontre de Marie Geneviève Flora I... A... et Loïc Landry A... H....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore l'absence de lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Le 2 août 2016, un agent mandaté par la section consulaire de l'Ambassade de France au Cameroun s'est adressé au centre d'état civil d'Etoa dans le troisième arrondissement de Yaoundé en vue de vérifier l'existence dans les registres de naissances des actes de naissance produits au soutien des demandes de visa de Marie Geneviève Flora I... A... et Loïc Landry A... H.... L'officier du centre d'état civil saisi a alors inscrit sur les documents qui lui étaient soumis la mention " acte inexistant à la souche ". Les requérants soutiennent que cette vérification a, à tort, été effectuée auprès du centre secondaire d'état civil d'Etoa et non auprès du centre spécial d'état civil d'Etoa où auraient été enregistrées les naissances. Toutefois, alors que la loi camerounaise n° 2011/011 du 6 mai 2011 prévoit l'organisation de l'état civil en centres dits principaux et centres dits secondaires tandis que selon la documentation produite par les appelants, existaient antérieurement, s'agissant de la communauté urbaine de Yaoundé, des centres dits principaux notamment dans les communes d'arrondissement et des centres dits spéciaux, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas des mentions portées sur les actes de naissance litigieux que ceux-ci, dressés les 15 avril 1997 et 20 janvier 2003, émaneraient d'un centre dit spécial. En outre, en admettant que les naissances aient été enregistrées au centre dit spécial d'état civil d'Etoa, les éléments produits ne permettent pas de considérer que l'actuel centre secondaire d'état civil d'Etoa, auprès duquel la levée d'acte a été effectuée, ne correspondrait pas à l'ancien centre dit spécial alors qu'il résulte de l'article 2 de la loi camerounaise n° 2011/011 du 6 mai 2011 que les centres d'état civil ouverts antérieurement à la publication de cette loi doivent désormais prendre la dénomination de " centre d'état civil principal " ou de " centre d'état civil secondaire ". Dans ces conditions, si l'officier d'état civil ayant opéré les vérifications demandées en août 2016 a apposé un tampon le désignant comme l'officier du centre secondaire d'état civil d'Etoa, tout en marquant le sceau du centre spécial d'état civil d'Etoa, cette seule discordance entre les deux cachets ne suffit pas à établir que la levée d'acte aurait été diligentée auprès du mauvais centre d'état civil ni, par suite, d'infirmer le défaut d'authenticité des actes auquel elle a conclu. Enfin, les requérants se prévalent de l'authentification des actes litigieux par le Bureau national de l'état civil (BUNEC). Néanmoins, alors qu'il n'est au demeurant pas établi qu'une telle authentification entre dans les attributions de cet établissement public, l'apposition le 22 avril 2019 de la mention " CONFORME " par le secrétaire du centre spécial d'état civil d'Etoa ne démontre aucunement l'intervention du BUNEC. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que les actes de naissance produits ne permettaient pas d'établir les liens de filiation entre les demandeurs de visa et M. A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait fait une inexacte application des dispositions précitées.
5. En second lieu, aux termes de l'article 311-4 du code civil : " La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant. ". Il s'ensuit que la preuve de la filiation au moyen de la possession d'état ne peut être accueillie que si, en vertu de la loi étrangère applicable lors de naissance de l'enfant, un mode de preuve comparable y était admis.
6. A la date de leur naissance, les mères respectives de Marie Geneviève Flora I... A... et Loïc Landry A... H... étaient camerounaises. Alors que le ministre de l'intérieur a fait valoir devant les premiers juges que l'ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'Etat Civil au Cameroun et diverses dispositions relatives à l'état des personnes ne permet pas l'établissement d'un lien de filiation par possession d'état, il ne ressort ni des termes de cette ordonnance ni d'aucune autre pièce du dossier que la loi camerounaise applicable lors de la naissance des intéressés admettait un mode de preuve comparable. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les liens de filiation revendiqués par les requérants sont établis au moyen de la possession d'état doit être écarté.
7. Pour le surplus, les requérants réitèrent en appel les moyens soulevés en première instance et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation des refus de visa maintenus par la commission à l'encontre de Marie Geneviève Flora I... A... et Loïc Landry A... H....
Sur le surplus des conclusions :
9. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et de Mme I... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., Mme B... J... I... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2021.
Le rapporteur,
K. E...
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01690