Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, M. C..., représentée par Me Pronost, demande à la cour : 
       1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2020 ;
       2°) d'annuler la décision contestée ;
       3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer les demandes dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 
       4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. 
       Il soutient que :
       -	la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;
       -	le tribunal a omis de répondre au moyen soulevé devant lui et tiré de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas examiné les liens familiaux revendiqués au regard des éléments de possession d'état produits à l'appui du recours préalable ;
       -	l'identité des demandeurs de visa et ses liens familiaux avec ces derniers sont établis ; 
       -	les refus de visa méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
       Par une ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2020. 
       Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 22 décembre 2020.
       M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 12 octobre 2020.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 
       - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
       - le code civil ; 
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
       Considérant ce qui suit : 
       1. M. C..., ressortissant guinéen, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 septembre 2017. Les demandes de visa de long séjour présentées le 11 juillet 2018 par Mme Fatoumata B... C... et les jeunes D... G... C... et B... C... que le requérant présente comme sa compagne et leurs enfants ont été rejetées par une décision des autorités consulaires françaises en poste à Dakar du 6 février 2018. Saisie d'un recours préalable obligatoire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement maintenu les refus de visa. M. C... relève appel du jugement du 19 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite. 
       Sur les conclusions à fin d'annulation : 
      2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - (...). / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. / La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. / (...). ". 
       3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / Le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents mentionné aux articles L. 411-1 et L. 411-2 (...), peut, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil, demander que l'identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
       4. En réponse à une demande de communication des motifs de la décision implicite en litige, le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a indiqué au requérant que la commission a estimé que les intéressés avaient produit des actes d'état civil inauthentiques relevant d'une intention frauduleuse et ne permettant pas d'établir l'identité des demandeurs et leurs liens familiaux avec M. C.... Cette appréciation est fondée sur les circonstances que " les jugements supplétifs d'acte de naissance de Mme Fatoumata Binta C... et des enfants D... G... C... et B... C..., rendus respectivement 29, 10 et 8 ans après l'événement, postérieurement à l'obtention du statut de réfugié par M. D... I... C..., ont été transcrits sans respect du délai d'appel prévu par l'article 601 du code de procédure civile guinéen ; les actes de naissance ne précisent pas les dates et lieu[x] de naissance des parents, en violation des articles 175 et 196 du code civil guinéen ; le jugement supplétif de naissance de l'enfant B... C... a été rendu deux mois avant celui de sa mère alléguée ". 
       5. Les jugements supplétifs tenant lieu d'acte de naissance rendus le 17 novembre 2017, s'agissant de la jeune B..., et le 25 janvier 2018, s'agissant de Mme C... et du jeune D... G... font état, premièrement, de la naissance, le 18 mai 1988 à M..., de N... O... C..., fille de L... C... et de Diaray C...,  deuxièmement, de la naissance, le 3 octobre 2007 à M..., de D... G... C... fils J... D... I... C... et de N... O... C... et, troisièmement, de la naissance, le 20 juillet 2009 à M..., de B... C..., fille de D... I... C... et de N... O... C.... 
       6. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. 
       7. D'abord, la circonstance que la saisine des juridictions guinéennes aux fins d'établissement de ces jugements ait été effectuée de nombreuses années après les naissances et exclusivement motivée par l'intention de les produire à l'appui des demandes de visa ne démontre pas l'existence d'une manoeuvre frauduleuse, les demandeurs de visa étant tenus de justifier de leur identité et de leur lien familial avec le réfugié qu'ils souhaitent rejoindre en France. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que les jugements supplétifs concernant les enfants ne pouvaient, en application du droit et des usages locaux, être rendus sans que la mère présente son propre jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance. Si le ministre de l'intérieur a, en outre, fait valoir devant les premiers juges que les jugements supplétifs considérés ont été rendus sur le seul fondement de déclarations et sans aucune vérification, cette circonstance n'établit pas davantage, en l'absence d'éléments démontrant que les règles de droit et usages juridictionnels guinéens organisent de manière différente l'instruction des demandes de jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, que ces décisions juridictionnelles, dont l'administration ne peut utilement contester le bien-fondé, procèdent d'une démarche frauduleuse.
       8. Ensuite, les irrégularités, à les supposer avérées, qui entacheraient les modalités et le contenu de la transcription dans les registres des jugements supplétifs mentionnés au point 5 ne sont, par elles-mêmes, pas de nature à démontrer le caractère frauduleux de ces jugements. 
       9. Enfin, le ministre de l'intérieur ne peut sérieusement faire valoir que les enfants n'ont pas été reconnus par leurs parents, en se prévalant au demeurant de textes guinéens non applicables à la date à laquelle les jugements supplétifs ont été rendus, dès lors que ces jugements ont précisément pour objet d'établir la filiation. 
       10. Il suit de là qu'en estimant que l'identité des demandeurs de visas et les liens de filiation revendiqués n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées aux points 2 et 3.   
       11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. 
       Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 
       12. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour à Mme H... K... C... et aux jeunes D... G... C... et B... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. 
       Sur les frais liés au litige : 
       13. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 100 euros à Me E... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
       D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer Mme H... K... C... et aux jeunes D... G... C... et B... C... un visa de long séjour, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me E... la somme de 1 100 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... I... C..., à Mme H... K... C... et au ministre de l'intérieur.
       Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre, 
- Mme A..., présidente-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.  
       Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2021.
       Le rapporteur,
       K. F...
       Le président,
       A. PEREZLe greffier,
       K. BOURON 
        La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01730