Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 septembre 2018 et le 23 novembre 2018, Mme C...D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2017 du préfet du Loiret ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et du 7° de l'article L313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son entrée régulière en France le 1er septembre 2013 avec ses deux enfants, de son insertion sociale et culturelle dans la société française, des soins qu'elle poursuit alors qu'elle n'a plus de lien avec son pays d'origine où elle risque d'être condamnée du fait d'une grossesse hors mariage et son fils d'être exclu de la société marocaine ;
cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant compte tenu des risques encourus au Maroc pour avoir eu un enfant hors mariage ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'empêchant de mener une vie privée et familiale en France ;
elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la même convention et celles de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 pour les mêmes motifs que précédemment évoqués.
Par un mémoire enregistré le 21 janvier 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant
l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante marocaine née le 25 mars 1977, a déclaré être entrée en France, accompagnée de ses deux enfants mineurs, le 1er septembre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 20 janvier 2014. Le 1er août 2017, elle a déposé une demande de régularisation de sa situation administrative. Par un arrêté du 16 octobre 2017, le préfet du Loiret a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire à destination du Maroc. Mme D...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 mai 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ".. Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme D...fait valoir l'ancienneté de son séjour en France depuis septembre 2013 où elle est bien insérée pour avoir participé à des activités associatives et suivi des cours d'alphabétisation, la scolarisation de ses deux premiers enfants, la naissance de son dernier enfant, B...le 6 octobre 2015, issu de ses relations avec un ressortissant français, la présence de sa soeur sur le territoire français et son isolement au Maroc où elle est séparée de son mari.
4. La requérante ne produit toutefois aucun élément de nature à établir son isolement dans son pays d'origine ou vivent encore ses parents, ni l'intensité des liens personnels qu'elle allègue avoir en France. Il ressort, en revanche, des pièces versées au dossier, alors que la légalité d'un acte administratif, contestée par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, que Mme D...était, à la date de la décision contestée, séparée de son mari resté au Maroc et vivait avec ses trois enfants en France où elle n'avait aucun d'emploi, ni aucun revenu régulier. Si le jeune B...est né en France le 6 octobre 2015, il n'a été reconnu par son père qu'en novembre 2017, soit deux ans après sa naissance et postérieurement à la décision contestée sans qu'il ne soit établi, ni même allégué qu'il participait, à la date de cette décision, à l'entretien et à l'éduction de son fils, sa demande de régularisation adressée au préfet indiquant que " le père de l'enfant ne s'est pas senti concerné par cette naissance et n'a jamais reconnu l'enfant ". Pour l'application des dispositions précitées, MmeD..., qui n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étranger malade, ne saurait utilement se prévaloir de son état de santé alors qu'en tout état de cause, elle n'établit pas, ni même n'allègue ne pas pouvoir poursuivre le traitement médical dont elle aurait besoin dans son pays d'origine. Elle ne saurait également utilement alléguer, sur le fondement de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les risques qu'elle et son dernier enfant encourraient en cas de retour au Maroc pour contester la légalité de la décision dont il s'agit qui, par elle-même, ne porte pas obligation de quitter le territoire français et n'implique pas le retour de l'intéressée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions d'existence en France de MmeD..., laquelle a gardé des liens dans son pays d'origine et alors même que l'intéressée a participé à des activités associatives en France, le préfet du Loiret n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris sa décision. Dès lors, il n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Mme D...fait valoir qu'au regard des lois de son pays, elle risque, pour avoir eu un enfant né hors mariage, d'être pénalement condamnée, d'être déchue de la garde de ses enfants ainsi que d'être, elle et son dernier fils, exclus de la société marocaine. La requérante, qui n'a au demeurant pas déposé de demande d'admission au statut de réfugié, n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément de nature à établir la réalité des risques auxquels son fils B...et elle-même seraient personnellement exposés en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'elle présente une attestation de son mari du 5 septembre 2016, selon laquelle ils se sont séparés à l'amiable depuis l'année 2012 et qu'il lui confie la garde des deux enfants nés de leur union. Les craintes alléguées ne ressortent au demeurant pas du jugement de divorce prononcé le 15 février 2018 par le tribunal de première instance de Fès. Il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que les deux premiers enfants de la requérante ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Maroc. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
7. En second lieu, pour les motifs développés aux points 4 et 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme D...de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour son information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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