Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 septembre 2018 et le 23 février 2019, M. M...H...C...et Mme K... F...E..., agissant en leur nom et au nom des jeunes Kossi FulbertC..., EstherC..., Abla MurielleC..., Afi Blessing C...et Ablavi VictoireC..., représentés par Me D..., demandent à la cour en l'état de leurs dernières écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2018 en tant, qu'en son article 3, il rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions du consulat de Kotonou et de la commission de recours contre les décision de refus de visa et d'entrée en ce qu'elles concernent MmeE..., Esther C...et Koffi FulbertC... ;
2°) d'enjoindre à l'administration de leur délivrer un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de leur demande dans ce même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. M...H...C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
le jugement attaqué est irrégulier pour être entaché d'une erreur de fait et pour être insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas justifié que la commission se soit prononcée dans une composition régulière ;
la décision refusant de délivrer un visa de long séjour à Mme E...en qualité de conjointe d'un réfugié est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
les actes d'état civil transmis pour établir le lien de filiation avec les enfants Kossi Fulbert et Esther n'ont pas été déclarés frauduleux alors que M. C...établit la réalité des liens familiaux par les très nombreux voyages qu'il effectue au Bénin ;
la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, en dehors des moyens d'ordre public, du moyen de légalité externe présenté pour la première fois en appel et se rattachant à une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens invoqués dans la demande introductive d'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel.
Considérant ce qui suit :
1. M. M...H...C..., né 8 décembre 1974 à Lomé (Togo) et de nationalité togolaise, a déclaré être entré en 2009 en France où la qualité de réfugié lui a été reconnue par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 juin 2010. Il a déposé, le 12 juillet 2010, une demande de regroupement familial en faveur de Mme F...K...E..., qu'il présente comme son épouse, et de quatre enfants mineurs. Mme F...K...E..., les jeunes Abla Murielle et Afi Blessing, leurs enfants allégués et les jeunes Kossi Fulbert et Esther, qui seraient nés de la relation de M. C...et de Mme B...I..., aujourd'hui décédée ont déposé une demande de visa de long séjour, le 25 juin 2012, auprès des autorités consulaires françaises à Cotonou (Bénin) où ils résidaient. Cette demande a été implicitement rejetée par les autorités consulaires. Le recours formé à l'encontre de cette décision a été expressément rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 27 juillet 2016. M. C... et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision des autorités consulaires françaises à Cotonou et celle de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par un jugement du 17 juillet 2018, le tribunal administratif a annulé la décision de la commission en tant qu'elle concerne les jeunes Abla Murielle C...et Afi BlessingC..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à ces derniers un visa d'entrée et de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. C...et Mme E...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de ces décisions en ce qu'elles concernent MmeE..., Esther C...et Koffi FulbertC....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont retenu que l'identité de la personne présentée comme étant Mme F...K...E...n'était pas établie ainsi que le lien de filiation allégué entre M. C...et les jeunes Kossi Fulbert et Esther. Par suite, et alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les requérants dans leurs écritures, il ont répondu de manière suffisamment motivée à ce moyen. Par ailleurs, la motivation, et par suite la régularité du jugement, ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. Il suit de là que le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision des autorités consulaires françaises à Cotonou :
4. Le refus opposé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substitué au refus implicite opposé par les autorités consulaires françaises à Cotonou. Par suite, et comme l'avait déjà indiqué à juste titre le tribunal administratif, les conclusions dirigées contre cette décision implicite sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :
S'agissant de la légalité externe :
5. Pour contester la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, les requérants n'ont, devant les premiers juges, présenté que des moyens relatifs à la légalité interne. Dans leur requête d'appel, ils font valoir que cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France était régulièrement composée. Ce moyen de légalité externe qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en appel et se rattache à une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens invoqués dans la demande introductive de première instance. Il est, par suite, irrecevable et doit être écarté pour ce motif.
S'agissant de la demande présentée par Mme F...K...E... :
6. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...) ". Aux termes du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015: " (...) / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".
7. Les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, lendemain de leur publication au Journal officiel, à toute situation non juridiquement constituée au nombre desquelles figurent les instances en cours concernant les refus de visas sollicités sur le fondement du respect du principe de l'unité familiale du réfugié ou du protégé subsidiaire tel qu'issu des stipulations de la convention du 28 juillet 1951. Il en résulte que, à compter de cette date, les documents établis par le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, font foi, quelle qu'ait été la date de leur délivrance, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue aux articles 303 à 316 du code de procédure civile et en cours d'instance à l'article R. 633-1 du code de justice administrative.
8. Pour refuser de délivrer à Mme E...le visa qu'elle sollicitait en qualité de conjointe d'un réfugié statutaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est notamment fondée sur le motif que l'intéressée se serait mariée sans acte de naissance, de sorte que le lien matrimonial allégué ne serait pas établi. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a délivré le 7 septembre 2010 à M. M... H...C..., qui a obtenu le statut de réfugié, le certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état civil visé par les dispositions précitées de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce certificat atteste du mariage de M. C...avec Mme E...le 15 juin 2002 à Aneho (Togo). En l'absence de mise en oeuvre par le ministre de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence du lien matrimonial unissant les intéressés. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de délivrer un visa de long séjour à Mme F... K...E...au motif que le lien matrimonial allégué n'était pas établi.
S'agissant des demandes présentées pour les jeunes Kossi Fulbert et Esther :
9. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
10. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux demandes de regroupement familial : " Outre les pièces mentionnées à l'article R. 421-4, le ressortissant étranger produit, le cas échéant : 2° Lorsque le regroupement familial est demandé pour des enfants dont l'un des parents est décédé (...), l'acte de décès (...) ".
11. Pour justifier du lien de filiation avec les jeunes Kossi Fulbert et Esther nées respectivement le 16 janvier 1995 et le 18 décembre 1996, ont été présentées les copies intégrales du volet n° 1 de la déclaration de naissance concernant chacun de ces enfants. Il n'est pas contesté que ces actes comportent une discordance concernant l'âge des personnes présentées comme étant les parents de ces enfants. En outre, la déclaration de naissance concernant le jeune L...aurait été effectuée le dimanche 29 janvier 1995, alors qu'il n'est également pas contesté qu'il s'agit d'un jour non ouvré. Ces insuffisances suffisent à ôter à ces actes leur valeur probante quant aux liens de filiation allégués.
12. En outre, alors qu'il a été mentionné que la mère des jeunes Kossi Fulbert et Esther était décédée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu régulièrement retenir, pour refuser de délivrer les visas, que l'acte de décès, qui est exigé par les dispositions de l'article R. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas été produit à l'appui des demandes formées pour les intéressés. Les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent l'impossibilité de pouvoir se procurer cet acte ou ne présentent aucun justificatif présentant une force probante suffisante de nature à établir ce décès. La circonstance que M. C...ait effectué des voyages au Bénin n'est pas de nature à démontrer le décès de la mère de ces deux enfants.
13. Par suite, c'est sans erreur de droit, ni d'erreur appréciation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer, pour ces motifs, le visa de long séjour aux jeunes Kossi Fulbert et Esther.
14. Enfin, à défaut d'établir le lien de filiation entre M. C...et les jeunes Kossi Fulbert et Esther et le décès de leur mère, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'autre part, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...et Mme E...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation du refus de visa opposé à MmeE....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt implique seulement pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme F...K...E..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Le présent arrêt, qui rejette le surplus des conclusions à fin d'annulation n'appelle pas d'autre mesure en vue de son exécution.
Sur les frais liés au litige :
17. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du 15 mars 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle concerne Mme F...K...E....
Article 2 : La décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle rejette la demande de visa de long séjour de Mme F...K...E....
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...M...C..., à Mme F...K...E..., à M. L...C..., à Mme G...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
M. J...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03642