Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 janvier 2021 et 30 juillet 2021 M. A..., représenté par Me Bodergat, demande à la cour :
1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 décembre 2020 ;
3°) d'annuler cet arrêté du 28 juillet 2020 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou "travailleur temporaire" dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de tire de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- en prenant cette décision, le préfet a procédé à une appréciation erronée de sa situation.
Par des mémoires enregistrés les 8 mars et 9 août 2021 le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 24 juillet 2001, déclare être entré irrégulièrement en France le 16 août 2017. Après avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Calvados en qualité de mineur isolé à compter du 30 août 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 5 septembre 2019. Par un arrêté du 28 juillet 2020, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou de "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Si le préfet en prenant son arrêté a estimé que peu d'éléments permettaient de corroborer le caractère réel et sérieux des études entreprises, il ressort cependant des pièces du dossier que M. A..., arrivé en France illettré, a été orienté dans une classe allophone lui permettant d'acquérir les bases de la lecture et de l'écriture. Il a ensuite suivi une formation par la voie de l'apprentissage dans le domaine de la mécanique automobile. Bien qu'éprouvant des difficultés scolaires, liées essentiellement à son apprentissage de la langue française, il est, comme cela ressort des appréciations de ses enseignants ou de son maître de stage, un apprenti sérieux, assidu et volontaire, ce qui lui a d'ailleurs permis d'obtenir, en juin 2020, le CAP qu'il préparait. L'intéressé s'est ensuite inscrit, en décembre 2020, dans une formation de CAP peinture. Si ces deux dernières circonstances sont postérieures à la date de la décision en litige, elles sont néanmoins significatives du comportement de l'intéressé et de son intégration sociale, mis en évidence par le rapport social du 28 août 2019.
5. Par ailleurs le préfet a retenu que M. A... n'était pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine. Il ressort cependant des pièces du dossier que, lors de l'entretien en préfecture ayant eu lieu le 5 septembre 2019 dans le cadre de l'examen de sa demande de titre de séjour, l'intéressé a porté à la connaissance de l'administration que sa mère était décédée en 2016, qu'il n'avait plus de contact avec son père et sa soeur résidant en Côte-d'Ivoire et qu'il ne disposait pas de leurs numéros de teléphone, et a également précisé savoir qu'il a de la famille dans son pays d'origine sans toutefois en connaître les membres. Ces déclarations ne sont pas utilement contredites par le défendeur.
6. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le préfet du Calvados, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation globale. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour prise à l'encontre de M. A... ainsi que par voie de conséquence les décisions l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer ce titre à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Bodergat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement n° 2001641 du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2020 et l'arrêté du préfet du Calvados du 28 juillet 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bodergat la somme de 1 200 euros en application des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 1er octobre 2021
La rapporteure
C. Brisson
La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT001233