Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 novembre 2014 et 5 février 2016, M. D...C..., représenté par Me Collet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Vannes à lui verser la somme de 14 165 euros, assortie des intérêts à compter du 16 novembre 2011, et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vannes les dépens ainsi que la somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une faute technique a été commise dans la réalisation de l'anesthésie locale pratiquée en vue de l'ablation d'une écharde sous l'ongle de son index droit ;
- une seconde faute a été commise par le centre hospitalier qui a manqué à son obligation d'information quant aux risques que comportait l'utilisation de la technique d'anesthésie par injection des gaines des fléchisseurs ;
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier Bretagne Atlantique étant engagée, l'ensemble de ses préjudices doivent être indemnisés ; le préjudice subi tenant au manquement au devoir d'information doit être évalué à la somme de 2000 euros ; s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation, il y a lieu de lui accorder les sommes de 165 euros et 2500 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées ; s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux permanents, les sommes de 6000, 1000 et 2500 euros doivent lui être allouées au titre respectivement de son déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars 2015 et 2 février 2016, le centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes Auray, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré les 2 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, représentée par Me Marchand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 septembre 2014 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Bretagne Atlantique à lui verser la somme de 34 982,09 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré social M. C... ainsi qu'une somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Brest la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu l'existence d'une faute à l'encontre du centre hospitalier Bretagne Atlantique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, premier conseiller,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
- les observations de MeE..., substituant Me Collet, avocat de M.C...,
- et les observations de MeA..., substituant Me Marchand, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.
1. Considérant que M. C...a été admis aux urgences du centre hospitalier de Bretagne Atlantique le 19 juin 2011 en vue de l'extraction d'une écharde placée sous l'ongle de l'index droit ; que cette intervention, réalisée avec succès, a été précédée d'une anesthésie locale par injection au niveau de la gaine des fléchisseurs ; que, devant la persistance de douleurs, M. C... a à nouveau consulté le centre hospitalier, où une inflammation de la gaine des fléchisseurs et une lésion partielle du tendon fléchisseur ont été diagnostiquées, nécessitant une intervention chirurgicale et la pose d'une attelle ; que l'intéressé, qui s'est, par la suite, vu diagnostiquer un syndrome neuroalgodystrophique, estime que les complications qu'il a subies sont la conséquence d'une faute commise lors de sa prise en charge le 19 juin 2011 ; que la demande indemnitaire adressée le 16 novembre 2011 au centre hospitalier a été rejetée le 21 mai 2012 ; que M. C...a alors sollicité en référé une expertise qui a été réalisée par le docteur Loubersac, expert désigné par une ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2012 et qui a remis son rapport le 30 janvier 2013 ; que M. C...a alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Vannes à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement ; qu'il relève appel du jugement du 2 octobre 2014 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan pour sa part réitère ses conclusions à fin de condamnation du centre hospitalier à lui rembourser les frais exposés pour le compte de son assuré ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier Bretagne Atlantique:
En ce qui concerne la faute commise lors de l'anesthésie locale :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si la lésion du tendon fléchisseur de l'index droit et les conséquences à caractère inflammatoire de l'injection sous pression dans la gaine des fléchisseurs survenues lors de l'anesthésie locale subie par M. C...le 19 juin 2011 sont en lien direct avec le recours à la technique d'anesthésie retenue, aucune faute technique dans la réalisation du geste anesthésique n'a cependant été précisément identifiée par l'expert, ce dernier indiquant seulement sur ce point que le recours à une telle technique nécessite une technicité éprouvée ; que le même expert a précisé que la technique de l'anesthésie par injection des gaines faisait partie de celles qui sont recommandées par les collèges de spécialistes ; que, s'il a relevé que le geste d'anesthésie n'avait pas été pratiqué par un médecin spécialiste mais par un médecin urgentiste, il résulte de l'instruction que la technique utilisée était le référentiel du service des urgences, que l'ensemble des praticiens intervenant dans ce service étaient formés à cette pratique et que la réglementation ne prévoyait pas l'intervention des anesthésistes en salle d'urgence pour les anesthésies locales ; que, dans ces conditions, seul un défaut technique aléatoire non fautif peut être regardé comme étant à l'origine des complications et des préjudices dont se prévaut M. C... ; qu'il s'ensuit que ce dernier ne saurait, pour rechercher la responsabilité du centre hospitalier, invoquer l'existence d'une faute médicale ;
En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des termes mêmes du rapport de l'expert, que s'agissant de la technique d'anesthésie par injection des gaines des fléchisseurs qui fait partie des techniques pouvant être utilisées dans le cadre des recommandations des collèges de spécialistes, " les auteurs ne rapportent quasiment aucune complication ", l'expert précisant que si l'on se réfère à ces quelques séries permettant d'envisager une fréquence de survenue des complications dont M. C...a souffert, " celle-ci serait de 0% " ; que, dans ces conditions, la lésion du tendon fléchisseur et l'apparition d'un syndrome algodystrophique dont a été victime le patient ne peuvent être regardées comme constituant des risques fréquents ou graves normalement prévisibles de la technique anesthésique employée par le centre hospitalier, dont le patient aurait dû, en vertu des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, être informé préalablement à la réalisation de l'anesthésie ; que, par suite, M. C...n'est pas davantage fondé à rechercher sur ce fondement la responsabilité du centre hospitalier ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan :
7. Considérant, et ainsi qu'il a été précédemment dit aux points 3. et 4., qu'en l'absence de toute faute commise par le centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes Auray dans la prise en charge de l'état de santé de M.C..., de nature à engager sa responsabilité, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan n'est pas fondée à demander la condamnation de cet établissement à rembourser les débours qu'elle a exposés du fait des complications subies par le requérant ; que ses conclusions tendant au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion ne peuvent qu'être également rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 700 euros par une ordonnance du 15 février 2013 à la charge de M.C... ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes Auray, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement au centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes Auray de la somme demandée au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes Auray tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes Auray et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur ;
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 mars 2016.
Le rapporteur,
O. Coiffet
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°14NT03025