Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2015, Mme B...A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 octobre 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire française sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la présence en France de son mari qui a présenté une demande de titre de séjour pour motif de santé et de la scolarisation en France de sa fille aînée, née en 2008 ;
- à titre subsidiaire, la décision portant obligation de quitter le territoire française emporte, pour les mêmes motifs, des conséquences d'une exceptionnelle gravité en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car sa situation familiale et la nationalité différente de son époux fait obstacle à son éloignement ; la décision méconnaît également, pour les mêmes motifs, l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la Convention des droits de l'enfant car cette décision aurait pour effet de séparer, même provisoirement, la cellule familiale alors qu'il n'est pas établi que la famille pourrait légalement entrer et résider ailleurs qu'en France ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît pour les mêmes motifs l'article 3-1 de la Convention des droits de l'enfant ;
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et Me E... a été désignée pour la représenter par une décision du 28 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Specht, rapporteur.
1. Considérant que Mme A..., ressortissante chinoise née en 1972 est entrée irrégulièrement en France en février 2012 accompagné de son époux, déclarant se nommer M. F..., né le 3 février 1966 et être de même nationalité, et de leur fille née en 2008 ; qu'un second enfant est né en France en 2013 ; qu'après le refus opposé par deux décisions du 13 avril 2012 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à leur demande d'asile, confirmées par un arrêt du 19 décembre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris le 30 janvier 2014 à l'encontre de Mme A... et de son mari, deux arrêtés portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel chacun est susceptible d'être renvoyé d'office ; que postérieurement à ces arrêtés, M. F...a produit des éléments établissant sa véritable identité comme se nommant NasanbatC..., né le 2 mars 1969, de nationalité mongole ; que par le jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme A...et a fait partiellement droit à celle de son mari en annulant la décision portant fixation du pays de renvoi contenue dans l'arrêté pris à son encontre par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; que Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant en premier lieu, que la circonstance que M. C...a déposé une demande de titre de séjour postérieurement à l'arrêté contesté du 30 janvier 2014, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté et ne fait pas obstacle à ce que l'administration décide d'obliger l'intéressé à quitter le territoire français sous réserve qu'il ne relève pas d'une des catégories d'étrangers mentionnés à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, si Mme A...soutient que le couple a deux enfants dont l'aînée est scolarisée en classe maternelle, toutefois, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A..., l'arrêté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, la circonstance que Mme A... est d'une nationalité différente de celle de son marie est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'enfin, en refusant la délivrance du titre de séjour et en obligeant l'intéressée à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle de la requérante ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
4. Considérant que si Mme A...soutient que sa fille aînée est scolarisée en France et y commence le cursus primaire, il ressort des pièces du dossier que l'enfant, née en juin 2008 était, à la date de l'arrêté contesté, inscrite en classe maternelle et qu'il n'est pas établi que l'enfant ne pourrait suivre une scolarité normale dans l'un des pays d'origine de ses parents ; que par ailleurs, Mme A... et son mari ont tous deux fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que les décisions en cause, qui n'ont pas en elles-mêmes pour effet de dissoudre la cellule familiale et ne font pas obstacle à ce que la famille quitte le territoire, ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur de leurs enfants ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C..., époux de la requérante, est de nationalité mongole alors que Mme A... est de nationalité chinoise ; que la décision fixant le pays à destination duquel Mme A... est susceptible d'être renvoyée, contenue dans l'arrêté du 30 janvier 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine, qui ne limite pas son éloignement vers les pays où son conjoint ainsi que ses enfants sont légalement admissibles, permet de renvoyer les époux dans un pays différent, ce qui aurait nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les enfants de l'un de leurs parents ; que cette décision, méconnaît dès lors l'intérêt supérieur des enfants du couple ; que Mme A...est, par suite, fondée à demander son annulation ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la décision fixant le pays à destination duquel elle serait éloignée ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
8. Considérant que l'annulation de la décision du 30 janvier 2014 fixant le pays à destination duquel Mme A... peut être éloignée d'office, implique nécessairement que le préfet d'Ille-et-Vilaine procède au réexamen de la situation de l'intéressée dans la mesure de l'annulation prononcée au point 5 et au regard de la situation de son époux ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403120,1403173 du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de Rennes, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 30 janvier 2014 fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée d'office et cette décision du préfet d'Ille-et-Vilaine, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder au réexamen de la situation de Mme A...en ce qui concerne la fixation du pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me E... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
F. SPECHTLe président,
O. COIFFET
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
3
N° 15NT00848