Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, le préfet du Morbihan demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 mai 2021 en tant qu'il a annulé la décision du 17 mars 2021 fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois et a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter dans cette mesure la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué retient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les éléments mis en avant par M. B... quant aux risques allégués dans sa province d'origine de Nangarhar ou à Kaboul, ont été écartés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile ;
- par l'effet dévolutif de l'appel et en s'en remettant à ses écritures de première instance, les autres conclusions présentées par M. B... en première instance devront être rejetées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité afghane, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 3 avril 2019 pour y déposer une demande d'asile le 30 avril suivant. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 novembre 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 25 février 2021. Par un arrêté du 17 mars 2021, le préfet du Morbihan a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Afghanistan comme pays de destination d'une mesure d'éloignement forcé. Par un jugement du 6 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination et a enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a mis également à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de la demande.
Le préfet du Morbihan doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de
M. B... et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros.
2. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. M. B... a soutenu en première instance qu'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison d'une violence aveugle d'intensité exceptionnelle dans la province de Nangarhar dont il serait originaire et en raison de la situation sécuritaire prévalant à Kaboul, point d'entrée international en Afghanistan.
4. En premier lieu, il résulte des décisions précitées, tant de l'OFPRA que de la CNDA, que M. B..., s'il peut être regardé comme de nationalité afghane, n'établit pas qu'il serait originaire de la province de Nangarhar et plus particulièrement du village de Shabi alors même qu'il a été en mesure de fournir quelques éléments topographiques et toponymiques relatifs à la localisation de ce village. Invité par ces deux instances à apporter des précisions sur la vie quotidienne qui aurait été la sienne dans cette province, il n'a pu émettre que des déclarations sommaires et évasives au sujet de cette région et de la situation y prévalant. Dans ces conditions, les déclarations de l'intéressé faites lors de l'audience de première instance qui portent sur le seul environnement géographique qui aurait été le sien en Afghanistan ainsi que la présentation d'une taskera ne sauraient établir, ainsi que l'ont retenu l'OFPRA et la CNDA, sa provenance de cette province en l'absence de précisions suffisantes sur son vécu. Par ailleurs, en ce qui concerne les persécutions alléguées, et ainsi qu'il résulte de la décision de la CNDA, il a livré un récit général et peu empreint de vécu, qu'il s'agisse de ses persécuteurs, des menaces proférées à son encontre et des suites de l'agression dont il aurait été victime. De plus, ses propos quant aux raisons qui l'ont amené à quitter le territoire afghan se sont montrés peu personnalisés, voire contradictoires. Tant devant le préfet qu'en première instance et en appel, M. B... n'apporte pas davantage de précision.
5. En second lieu, en se fondant sur les sources documentaires les plus récentes à la date de sa décision, qui est contemporaine à celle du préfet, la CNDA a notamment constaté la forte croissance démographique et urbaine de la ville de Kaboul, l'absence de combats ouverts ou d'affrontements prolongés ou ininterrompus et la circonstance que les civils ne constituent pas les principales cibles des groupes insurgés à Kaboul, ainsi que la diminution relative du nombre de victimes et le flux de personnes venant s'y réfugier, la ville s'avérant être un refuge pour les civils qui fuient les violences dans les autres provinces et districts du pays. Dans ces conditions, si M. B... a soutenu, en première instance, qu'il encourrait un risque en retournant en République islamique d'Afghanistan en raison de l'état de violence à Kaboul, seule ville par laquelle l'entrée sur le territoire peut s'effectuer en provenance de l'étranger, les seuls documents présentés en première instance ne permettent pas d'établir qu'il serait exposé à un risque personnel au sens des textes précités.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, M. B... n'ayant pas soulevé en première instance d'autres moyens pour contester la légalité de la décision en litige, le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 17 mars 2021 en tant qu'il fixe le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... et a mis à la charge de l'État, en qualité de partie perdante, une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E:
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n°2101731 rendu le 6 mai 2021 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. B... dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ainsi que ses conclusions en injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 devant le tribunal administratif de Rennes sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Me Le Strat.
Copie en sera adressée, pour son information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
Le rapporteur
M. L'HIRONDELLe président
D. SALVI
La greffière
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01354