Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mars 2020 M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 octobre 2019 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le jugement est insuffisamment motivé sur ce point ;
- il peut utilement se prévaloir de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, de caractère interprétatif, comme le lui permettent les articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée le 15 septembre 2020 au préfet des Côtes-d'Armor, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
- et les observations de Me A... substituant Me D..., pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant russe déclarant être entré irrégulièrement en France le 9 février 2013, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Il n'a pu être réadmis en Allemagne ou en Pologne, et sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 22 juillet 2015 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 16 novembre 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. Après avoir fait l'objet d'une première mesure d'éloignement, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours par un arrêté du 28 décembre 2017. La demande de réexamen de la demande d'asile de M. E... a été rejetée par une décision du 6 août 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 24 septembre 2019, le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit. M. E... relève appel du jugement du 28 octobre 2019 du président du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le premier juge n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par M. E... et tiré de la méconnaissance par la décision contestée fixant le pays de renvoi des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le jugement doit, en raison de cette omission, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cette décision.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée M. E... devant le tribunal administratif de Rennes contre la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté du 24 septembre 2019 du préfet des Côtes-d'Armor et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions présentées par l'intéressé.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
4. Les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent uniquement des orientations générales adressées par le ministre de l'intérieur aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et non des lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge. Dès lors cette circulaire ne comporte aucune interprétation d'une règle de droit positif ou description des procédures administratives au sens des dispositions précitées, et l'insertion par la loi du 10 août 2018 d'un nouvel article L. 312-3 dans le code des relations entre le public et l'administration ne saurait avoir eu pour effet de rendre ces orientations générales opposables aux administrés. Par suite, M. E... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire devant le juge.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour fixer le pays à destination duquel M. E... était susceptible d'être reconduit, le préfet des Côtes-d'Armor se serait estimé lié par les décisions des instances en charge de l'asile et aurait ainsi omis de procéder à un examen particulier de la situation du requérant.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. M. E..., ressortissant russe d'origine tchétchène, soutient qu'il craint des persécutions en cas de retour en Tchétchénie, où ses activités passées lui confèrent un statut de soutien aux rebelles indépendantistes auprès du régime du président Kadyrov, que la possession d'un passeport délivré en mars 2019 par la " République tchétchène d'Itchkérie " l'expose à être recherché par les autorités tchétchènes et se prévaut de liens avec un opposant notoire, ancien ministre de Tchétchénie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande d'asile et la demande de réexamen présentées par le requérant ont été rejetées par les instances en charge de l'asile, la décision du 6 août 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur sa demande de réexamen ayant d'ailleurs été confirmée, selon l'intéressé, par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 octobre 2019. En outre, les justificatifs insuffisamment probants produits par M. E..., parmi lesquels une attestation non circonstanciée établie le 12 avril 2019 par le " Président du Cabinet des Ministres de la République tchétchène d'Itchkérie ", ne permettent pas de tenir pour établie la réalité des risques qu'il encourrait personnellement et actuellement en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision le concernant, du risque auquel son épouse serait exposée d'être soumise à un programme de rééducation en raison de la manière dont elle porte le voile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est fondé ni à demander l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2019 du préfet des Côtes-d'Armor en tant qu'il fixe le pays de destination ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours contenues dans le même arrêté. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 1905019 du 28 octobre 2019, du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance dirigées contre la décision fixant le pays de destination et le surplus des conclusions de la requête de M. E... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme C..., présidente-assesseure,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur
C. C...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT008402