Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2020 Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 19 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle, en particulier s'agissant de l'atteinte portée à son droit de mener une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée le 23 juillet 2020 au préfet d'Indre-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 19 juin 2000, est entrée en France en compagnie de sa soeur jumelle le 29 août 2016 sous couvert d'un visa de court séjour valable trente jours et s'est maintenue sur le territoire à l'expiration de ce visa. Les deux soeurs ont été recueillies par leur oncle M. B..., qui réside en France, par deux actes de kafala du tribunal d'Ain Tedeles (Algérie) des 30 octobre et 6 novembre 2017, dont l'exequatur a été prononcé par un jugement du tribunal de grande instance de Tours du
15 juin 2018. Mme A... a sollicité son admission au séjour le 23 avril 2018. Par un arrêté du 10 juillet 2018, la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination. Mme A... a contesté cet arrêté en vain devant le tribunal administratif d'Orléans, qui a rejeté son recours par un jugement n° 1802683 du 8 novembre 2018, confirmé par une ordonnance n° 18NT04335 de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 mai 2019. Elle a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 12 juillet 2019 et par un arrêté du 19 juillet 2019, la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision contestée portant refus de titre de séjour comporte la mention des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; par suite, et alors même que cette décision ne fait pas état de la procédure de " kafala " dont elle a fait l'objet, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée portant refus de titre de séjour, qui rappelle que l'intéressée est célibataire, qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire après avoir fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français et que ses parents ainsi qu'un frère et une soeur demeurent en Algérie, que la préfète d'Indre-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale au regard notamment des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui est célibataire et sans enfant et qui ne résidait en France que depuis à peine trois ans à la date de la décision contestée, s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration du visa de court séjour sous couvert duquel elle y est entrée et a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français du 10 juillet 2018, qu'elle n'a pas exécutée. Si la requérante soutient que son intégration sociale est " réelle ", elle ne l'établit pas en se bornant à produire les attestations de sa tante et de sa cousine, chez lesquelles elle réside. Enfin, Mme A..., qui n'a été recueillie par son oncle dans le cadre d'une kafala qu'à 17 ans révolus et est majeure depuis le 19 juin 2018, n'établit ni la stabilité de ses attaches familiales en France ni qu'elle serait dépourvue de liens familiaux en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans et où elle ne conteste pas que vivent ses parents et deux membres de sa fratrie. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressée justifie avoir été scolarisée en CAP " vente " au cours des années 2018-2019 et 2019-2020, être suivie par une conseillère en insertion professionnelle de l'association " RESOUDRE " dans le cadre de laquelle elle a validé le niveau A2 de français langue étrangère (FLE) et avoir réalisé en juin 2017, puis en janvier, mai et juin 2018, 4 stages d'une à deux semaines dans un salon de coiffure et des commerces, la préfète d'Indre-et-Loire n'a méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A.... Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
6. L'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, la requérante n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur,
M. E...
Le président,
Ch. Brisson
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT010902