3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 27 juin 2019 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation ;
4°) d'enjoindre au préfet du Calvados à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois en lui délivrant, dans un délai de 15 jours, une autorisation provisoire de séjour pendant cette période, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille deux cents euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, ou subsidiairement à son profit s'il ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, tant pour la première instance que l'appel.
Il soutient que :
. en ce qui concerne le refus de séjour :
- les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; dans le cadre de l'application de ces dispositions, l'administration devait prendre en considération de façon globale et dans leur ensemble les critères prévus et non se borner à relever qu'il n'était pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine ; en fondant son refus uniquement sur des considérations familiales sans tenir compte de la réalité et du sérieux de ses études, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les dispositions des articles L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
. en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision mettra fin à sa formation professionnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 octobre 2020 et le 6 novembre 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 janvier 2021.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ; relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant indien né en février 2001, est entré en France en juillet 2017. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Calvados. Après sa majorité, en février 2019, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 27 juin 2019, le préfet du Calvados a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation. M. A... relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 juin 2019.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 juin 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. L'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., né en février 2001, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Calvados à compter du mois d'août 2017, soit à l'âge d'environ 16 ans et demi. Il a déposé une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en février 2019, dans sa dix-huitième année. A cette même date il justifiait être inscrit depuis le mois de septembre 2018 en première année auprès du centre de formation des apprentis en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en qualité de cuisinier.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que depuis son entrée sur le territoire français, M. A... a été inscrit à compter du mois de février 2018 au sein d'une classe de seconde d'un lycée d'Hérouville-Saint-Clair en classe allophone. Les professeurs de cette classe ont souligné son travail et son implication permettant des progrès dans toutes les matières. Au cours de cette même année, l'intéressé a témoigné de son désir de devenir cuisinier et a effectué un stage dans un restaurant en mai 2018. Au titre de l'année 2018-2019, ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. A... était inscrit en première année auprès du centre de formation des apprentis (CFA) en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en qualité de cuisinier. Par ailleurs, il a conclu, en vue de l'obtention de ce diplôme, un contrat d'apprentissage au sein d'un restaurant situé à Cabourg, le patron du restaurant ayant souligné qu'il était " un apprenti dynamique, volontaire et curieux ". Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a obtenu sur l'année une moyenne de 12.39 et sur le second semestre une moyenne de 12.49 supérieure à la moyenne de la classe, le conseil de classe soulignant ses bons résultats. Par ailleurs, la directrice du CFA et dix professeurs de ce centre ont souligné la bonne intégration de M. A... dans son groupe, sa progression satisfaisante et son assiduité exemplaire. Il ressort également des pièces produites que la structure d'accueil de M. A..., France terre d'asile, a souligné, dans son rapport social du 13 février 2019, les progrès du jeune homme dans l'apprentissage du français et le fait qu'il donne toute satisfaction dans son travail en contrat d'apprentissage et auprès de ses enseignants du CFA. La structure d'accueil précise également que M. A... s'est intégré dans le service et qu'au fil des mois il avait noué des liens amicaux avec des jeunes gens d'Hérouville-Saint-Clair. Cette intégration ressort aussi des attestations rédigées en sa faveur par des jeunes gens du CFA et par ses collègues au sein du restaurant de Cabourg. Enfin, et alors que les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigent pas que l'intéressé soit isolé dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait conservé des liens avec ses parents et son frère résidant en Inde, avec lequel il indique ne plus avoir de contacts depuis son entrée en France en juillet 2017 et en raison de l'attitude violente de son père.
8. Dans ces conditions, il résulte de tout ce qui précède que compte tenu du caractère réel et sérieux de la formation qualifiante suivie par M. A..., de la nature de ses liens avec sa famille demeurée en Inde et de l'avis de sa structure d'accueil sur son insertion dans la société française, il est fondé à soutenir que le préfet du Calvados a apprécié sa situation de manière manifestement erronée en refusant de lui délivrer une carte de séjour mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement contesté du tribunal administratif de Caen. L'annulation du refus de séjour du 27 juin 2019 entraine par voie de conséquence l'annulation des décisions, du même jour, portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " salarié " en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
10. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement 1902155 du tribunal administratif de Caen du 20 février 2020 et les décisions du 27 juin 2019 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
La rapporteure,
M. D...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01185