Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 avril 2020 M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 octobre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 4 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;
- c'est à tort que le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé d'instruire sa demande au motif qu'il n'avait pas justifié de son état civil par la production de documents probants ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2007-1205 du 10 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né le
3 janvier 1996, déclare être entré en France en novembre 2012. Le 6 mars 2017, il a demandé un titre de séjour. Par une décision du 4 août 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande. M. C... relève appel du jugement du 22 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision contestée du préfet d'Ille-et-Vilaine :
2. En premier lieu, la décision par laquelle l'autorité préfectorale refuse la délivrance d'un titre de séjour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs..
3. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'au soutien de sa demande de titre de séjour M. C... avait produit un jugement supplétif du 24 mars 2015, un acte de naissance du 6 avril 2015 et un passeport délivré le 26 octobre 2015 le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est borné, dans la décision contestée, à indiquer qu'après analyse des services compétents " il apparait que : / L'acte de naissance, est reconnu comme étant un document irrecevable car non conforme à la réglementation congolaise. ", ajoutant, sans plus de précision et sans se référer aux pièces produites par M. C..., que " (...) tout document d'état civil congolais doit être obligatoirement légalisé s'il doit être produit devant une autorité française. (...) ". Une telle motivation, qui ne précise pas de quelle irrégularité serait entaché l'acte de naissance produit et ne se prononce pas sur les autres pièces fournies par M. C... pour établir son état civil, ne permettait pas à ce dernier de comprendre, à sa seule lecture, les motifs de la décision contestée. Par suite, le moyen, tiré par M. C... du défaut de motivation de la décision attaquée doit être accueilli.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code prévoit que la vérification de tout acte civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ce dernier article dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. Il ressort des pièces du dossier que ni le jugement supplétif du 24 mars 2015 ni l'acte de naissance du 6 avril 2015 n'avaient été légalisés par les autorités françaises compétentes, comme le prévoyaient, en l'absence de convention bilatérale dispensant les ressortissants de la République démocratique du Congo de cette formalité, les dispositions alors applicables du décret du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes. Toutefois, M. C... produit pour la première fois en appel un nouveau jugement supplétif du 3 mai 2019 légalisé par un notaire, par le ministère des affaires étrangères de République démocratique du Congo et par le consulat de France dans ce pays, auquel est joint un certificat de non appel, ainsi qu'une copie intégrale d'acte de naissance du 18 décembre 2019 légalisée par les mêmes autorités, dont les mentions d'état civil concordent avec celles figurant sur les documents qu'il a produits à l'appui de sa demande. Le préfet ne conteste pas l'authenticité de ces nouveaux documents, qui doivent donc être regardés comme établissant avec une force probante suffisante l'état civil de M. C... tel qu'il avait été exposé dans sa demande de titre de séjour. Par suite, c'est à tort que le préfet d'Ille-et-Vilaine, après avoir écarté comme non probants les documents d'état-civil produits par celui-ci, a refusé d'examiner sa demande de titre de séjour.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard aux motifs d'annulation retenus, et après avoir vérifié qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'était susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, le présent arrêt implique seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la demande de M. C.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée par le requérant.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1801331 du tribunal administratif de Rennes du 22 octobre 2019 et l'arrêté du 4 août 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de M. C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur
E. A...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01402