Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020, Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, dans le délai de quinze jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de statuer à nouveau, dans les mêmes conditions, sur sa demande d'admission au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier : le magistrat désigné n'a pas été régulièrement désigné ;
- l'arrêté de transfert est entaché d'une motivation erronée et insuffisante ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et de droit dès lors que son visa était périmé depuis plus de six mois à la date de dépôt de sa demande d'asile ;
- les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues au regard des défaillances systémiques affectant le droit d'asile en Italie ;
- l'arrêté est intervenu en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa qualité de femme seule et à ses problèmes médicaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme A... a été déclarée en fuite ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante érythréenne née en 1987, déclare être entrée à nouveau irrégulièrement en France le 11 février 2020, en provenance d'Italie, pays dans lequel elle avait été transférée le 6 février 2020 en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le 14 avril 2020, elle s'est présentée à la préfecture de Maine-et-Loire pour solliciter le statut de réfugié. Les recherches conduites par la préfecture sur le fichier Eurodac ont fait apparaître que l'intéressée était titulaire d'un visa périmé depuis moins de six mois au moment du dépôt de sa première demande d'asile en France. Les autorités italiennes ont été sollicitées le 15 avril 2020 pour une prise en charge de l'intéressée et ont accepté cette prise en charge par une décision explicite du 27 avril 2020 sur le fondement de l'article 12 4° du règlement mentionné. A la suite de cet accord, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de l'intéressée aux autorités italiennes par un arrêté du 9 juin 2020 notifié par voie postale le 14 août 2020. Par un jugement du 7 septembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté son recours formé contre cette décision. Mme A... a été déclarée en fuite et le délai pour effectuer son transfert a été fixé à dix-huit mois, expirant le 27 octobre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme A... soutient que le magistrat qui a statué sur sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était incompétent pour ce faire dès lors que le jugement attaqué mentionne une désignation de ce magistrat par le président du tribunal administratif de Nantes pour statuer sur les requêtes intervenues sur le seul fondement de l'article L. 511-2 du code de justice administrative. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce magistrat avait bien été désigné par une décision du président de ce tribunal du 1er septembre 2020, affichée au greffe de ce tribunal, pour exercer les attributions confiées notamment par l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au président de cette juridiction. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et de la violation des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013, que Mme A... reprend en appel sans autre précision, par adoption des motifs retenus aux points 2 à 7 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) 2. La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre (...) " et aux termes de l'article 12 du même règlement : " (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des Etats membres. / Lorsque le demandeur est titulaire d'un ou plusieurs titres de séjour périmés depuis plus de deux ans ou d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre et s'il n'a pas quitté le territoire des Etats membres, l'Etat membre dans lequel la demande de protection internationale est introduite est responsable ".
5. Il résulte de ces dispositions que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Or il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité l'asile pour la première fois aux Pays-Bas en avril 2019, à une date où elle était titulaire d'un visa, délivré par les autorités italiennes, périmé depuis moins de six mois. Requises, les autorités italiennes avaient alors donné implicitement leur accord au transfert de Mme A... en Italie. Mme A... est ensuite venue irrégulièrement en France en septembre 2019 où elle a sollicité l'asile. Après avoir obtenu l'accord implicite des autorités italiennes, par un arrêté devenu définitif du 27 décembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de Mme A... en Italie, qui a été effectivement exécuté le 6 février 2020. Revenue en France, Mme A... a sollicité à nouveau l'asile en France auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 14 avril 2020. Par l'arrêté contesté du 9 juin 2020, après avoir obtenu l'accord explicite des autorités italiennes, le préfet a décidé son second transfert vers l'Italie. Il résulte de ce qui précède que c'est sans être entachée d'erreur de droit au regard du 4° de l'article 12 du règlement précité que cette décision de transfert est intervenue.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ".
7. La requérante invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, ses allégations ne permettent pas de considérer que les autorités italiennes, qui ont donné leur accord explicite à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises, n'étaient pas, à la date de l'arrêté de transfert contesté, en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Elles ne permettent pas davantage de reconnaitre que, en admettant l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, la requérante courait, à cette même date, dans cet Etat membre de l'Union européenne, un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La décision de transfert contestée ne méconnaît donc pas les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de Mme A... et des conséquences de son transfert en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. Du reste, Mme A... n'a jamais fait état d'un problème de santé avant l'intervention de l'arrêté contesté et elle n'en justifie pas depuis lors. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.
10. En dernier lieu, si Mme A... se prévaut des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'expose pas avoir de famille en France et elle n'y a séjourné que quelques mois. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02969