Procédure devant la cour :
I - Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 novembre 2017, 13 mars 2018, 15 avril, 20 août et 28 octobre 2019 sous le n° 17NT03571, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique, représentée en dernier lieu par Me H..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 en tant que ce dernier n'a pas reconnu l'existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes et a fixé le taux de perte de chance à 50 % ;
2°) à titre principal, de condamner le CHU de Nantes à lui verser la somme de 13 565,73 euros au titre de ses débours et la somme en principal de 16 933,03 euros au titre des frais futurs, sous forme de capital, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012 et la capitalisation de ces intérêts sur les condamnations prononcées ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU de Nantes à lui verser la somme de 10 852,58 euros au titre de ses débours, la somme en principal de 13 546,42 euros au titre des frais futurs, sous forme de capital, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012 et la capitalisation de ces intérêts sur les condamnations prononcées ;
4°) de porter à 1 080 euros la somme mise à la charge du CHU de Nantes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
5°) de mettre à la charge du CHU de Nantes le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du CHU de Nantes est engagée, du fait d'une maladresse per-opératoire constitutive d'une faute médicale ainsi que d'un défaut d'information, de sorte qu'il y a lieu de rejeter l'appel incident de ce dernier ;
- les fautes commises ont entraîné une perte de chance de se soustraire aux préjudices en résultant qui doit être évaluée à 80% ;
- les prestations qu'elle a prises en charge se sont élevées à la somme de 25 197,99 euros dont 572,38 euros pour les soins antérieurs à la consolidation, 7 692,58 euros pour les frais de santé et d'hospitalisation postérieurs à la consolidation ; elle a droit à l'indemnisation intégrale des dépenses engagées soit la somme de 8 264,96 euros, ou à tout le moins la somme de 6 611,97 euros à supposer qu'un taux de perte de chance de 80% soit appliqué ;
- s'agissant des frais futurs viagers, qui devront faire l'objet d'un versement en capital, elle a droit à une réparation intégrale à hauteur de 16 933,03 euros, ou à tout le moins à la somme de 13 546,42 euros à supposer qu'un taux de perte de chance de 80% soit appliqué ;
- l'indemnité forfaitaire de gestion allouée en première instance à hauteur de 1 055 euros devra être portée à 1 080 euros pour tenir compte de la réévaluation opérée par l'arrêté du 27 décembre 2018.
Par un mémoire enregistré le 6 février 2018 l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me C..., conclut au maintien de sa mise hors de cause.
Il fait valoir que :
- la CPAM ne remet pas en cause le jugement du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a mis l'ONIAM hors de cause ;
- en application des dispositions de l'article L. 1142-3-1 du code de la santé publique, l'acte de chirurgie esthétique incriminé n'entre pas dans le champ d'intervention de la solidarité nationale.
Par des mémoires enregistrés les 22 février et 15 mai 2018 et les 26 juillet et 5 août 2019 la société SOGESSUR, représentée par Me D..., conclut :
1°) au rejet des conclusions présentées devant la cour par le CHU de Nantes et Mme A... ;
2°) par la voie de l'appel incident, en cas d'engagement de la responsabilité du CHU de Nantes sur le fondement d'une faute médicale, à la réformation du jugement attaqué, à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme complémentaire de 4 900 euros en paiement du solde du montant qu'elle a versé à Mme A... en réparation de ses préjudices ;
3°) à titre subsidiaire, par les voies respectivement de l'appel incident et de l'appel provoqué, en cas d'engagement de la responsabilité du CHU de Nantes en raison de la perte de chance résultant d'un défaut d'information, à la condamnation de ce dernier, de Mme A... ou de l'un à défaut de l'autre, à lui verser la somme de 13 600 euros ;
4°) à ce que soit mis à la charge du CHU de Nantes, de Mme A... ou de toute autre partie succombant le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est subrogée dans les droits de Mme A... en vertu de l'article L. 131-2 du code des assurances ;
- l'appel de la CPAM ne porte pas sur les condamnations prononcées à son profit ;
- elle intervient dans un cadre contractuel et non en qualité d'assureur responsabilité, de sorte que seules les stipulations du contrat " Garantie des accidents de la vie " (GAV) souscrit par Mme A... ont vocation à s'appliquer ;
- en application du contrat " GAV ", le préjudicie indemnisable s'élève à la somme globale de 13 600 euros comprenant 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent évalué à 8 %, 2 500 euros au titre d'un préjudice esthétique de 1,5/7 et 1 100 euros au titre des souffrances endurées de 2,5/7 ; elle est fondée à engager l'action subrogatoire à hauteur de la totalité de la somme de 13 600 euros versée à Mme A... ; le jugement du tribunal administratif de Nantes ayant condamné le CHU de Nantes à lui verser la somme de 8 700 euros, il convient de majorer cette somme de de 4 900 euros ;
- sa demande, bien que portant sur des montants différents de ceux demandés en première instance, est recevable ; les demandes peuvent évoluer en appel en cas d'apparition de faits nouveaux tels, en l'espèce, que le dernier versement qu'elle a effectué au bénéfice de Mme A... le 12 mars 2018 ; l'assureur ne peut exercer son recours subrogatoire qu'à partir du moment où les quittances subrogatives lui ont été délivrées par son client ;
- elle fait sienne l'argumentation de la CPAM de la Loire-Atlantique tendant à voir constater la faute médicale du CHU de Nantes ; le droit à réparation de la patiente ne peut en pareille hypothèse être qu'intégral ;
- à titre subsidiaire, si la cour vient à confirmer que le préjudice de Mme A... résulte non pas d'un accident médical mais d'un défaut d'information constitutif d'une perte de chance, qui ne constitue pas un préjudice indemnisable au titre de la GAV, il y aura lieu de condamner de condamner le CHU de Nantes et Mme A... ou l'un à défaut de l'autre à lui verser la somme de 13 600 euros, le cumul des condamnations du CHU de Nantes et des provisions versées par la SOGESSUR ne pouvant avoir pour conséquence une indemnisation supérieure au préjudice subi.
Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2018 la société " Harmonie mutuelle ", venant aux droits de la société " Mutuelle Atlantique ", représentée par Me E... puis Me B..., conclut :
1°) à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 en tant que ce dernier a écarté une partie des dépenses de santé exposées par elle pour son assurée antérieurement à la date de consolidation fixée au 14 mars 2006 ;
2°) à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme en principal de 1 396,40 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2014 ;
3°) à ce que soit mise à la charge du CHU de Nantes la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est subrogée dans les droits de Mme A..., son adhérente, en application des dispositions de l'article L. 224-9 du code de la mutualité ;
- elle a versé à Mme A... la somme définitive de 2 792,81 euros qui correspond à des frais d'hospitalisation et à des frais de santé (séances de kinésithérapie, séances d'orthophonie) dont elle a bénéficié entre le 7 octobre 2003 et le 14 mars 2006, date de sa consolidation ; compte tenu du taux de perte de chance de 50 % retenu, il y a lieu de condamner le CHU de Nantes à lui verser la somme de 1 396, 40 euros, assortie des intérêts au taux légal.
Par des mémoires enregistrés les 31 octobre 2018, 18 juillet et 1er août 2019 Mme G... A..., représentée par Me I..., conclut :
1°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes ;
2°) à titre principal, à la condamnation du CHU à réparer intégralement les préjudices qu'elle a subis en raison des fautes commises par cet établissement dans le cadre de l'intervention pratiquée le 29 septembre 2003 et à lui verser à ce titre la somme globale de 49 399,68 euros, outre la somme de 3 000 euros au titre du préjudice autonome d'impréparation ;
3°) à titre subsidiaire, à la condamnation du CHU à l'indemniser, au titre du défaut d'information, sur le fondement d'une perte de chance évaluée à 80 % d'échapper aux dommages qu'elle estime avoir subis et à lui verser à ce titre la somme globale de 39 519,74euros, outre la somme de 3 000 euros au titre du préjudice autonome d'impréparation ;
4°) à ce que soit mise à la charge du CHU de Nantes la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la garantie des accidents de la vie ne trouvant pas à s'appliquer en cas de défaut d'information et donc de perte de chance, c'est à tort que les premiers juges ont imputé les sommes versées par la société SOGESSUR sur l'indemnisation due par le CHU de Nantes ;
- le praticien qui l'a opérée a manqué à son devoir d'information pré et post-opératoire ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes ;
- elle s'associe à la demande de la CPAM tendant à ce que soit reconnue l'existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes ; il en découle un droit à indemnisation intégrale des préjudices qu'elle a subis ;
- au titre des postes de préjudices ne relevant pas de la " garantie des accidents de la vie ", le CHU de Nantes doit être condamné à lui verser la somme globale de 48 399,68 euros soit : 178,12 euros au titre des dépenses actuelles, 3 838,51 euros au titre de ses frais divers (transports), 3 310,05 euros au titre de ses autres frais (photocopies, honoraires du médecin conseil, honoraires de l'expert judiciaire), 17 538 euros au titre des dépenses de santé futures, 5 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 10 535 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire (898 jours de DFT partiel à raison de 23,33 euros par jour de DFT total), 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 3 000 euros au titre du préjudice sexuel, 2 000 au titre du préjudice d'établissement ;
- s'agissant des postes relevant de la " garantie des accidents de la vie " que sont le préjudice esthétique permanent, le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées, elle a été indemnisée par la société SOGESSUR de la somme globale de 13 600 euros ; dans la mesure où ces trois postes préjudices doivent être évalués respectivement à la somme de 1 100 euros, 10 000 euros et 3 500 euros, soit 14 600 euros au total, le CHU doit de surcroît être condamné à lui verser la somme complémentaire de 1 000 euros correspondant à la part non indemnisée par la société SOGESSUR du déficit fonctionnel permanent ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où seul le manquement au devoir d'information serait retenu, le taux de perte de chance qu'elle avait d'échapper à la réalisation du dommage ne saurait être inférieur à 80 % dès lors qu'elle n'avait pas demandé à subir l'intervention chirurgicale en cause, qui lui a été proposée par le praticien à l'occasion d'une visite de contrôle alors qu'elle avait déjà subi un lifting en 2000 et une pose de prothèses mammaires en 2002 ;
- par application d'un taux de perte de chance de 80 %, le CHU devrait être condamné à lui verser la somme globale de 39 719,74 euros au titre des postes de préjudices ne relevant pas de la " garantie des accidents de la vie " ; s'agissant des postes relevant de la " garantie des accidents de la vie ", dans la mesure où les clauses du contrat qu'elle a souscrit ne prévoient pas l'application d'un taux de perte de chance, elle a droit à leur indemnisation intégrale de la part de la société SOGESSUR ; en revanche la société SOGESSUR ne peut solliciter dans le cadre de son recours subrogatoire que la condamnation du CHU à lui verser la somme de 10 880 euros, par application du taux de perte de chance de 80 % à la somme de 13 600 euros qu'elle lui a versée ;
- le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur la demande de remboursement de l'intégralité des sommes versées au titre du contrat " GAV ", présentée par la société SOGESSUR en cas d'engagement de la responsabilité du CHU de Nantes en raison de la perte de chance résultant d'un défaut d'information, demande qui est de surcroît nouvelle et dès lors irrecevable ; la notion de perte de chance ne fait en tout état de cause aucunement obstacle à la mise en oeuvre du contrat " GAV ", dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle a subi un dommage corporel résultant d'un acte médical et ayant eu des conséquences dommageables, anormales et indépendantes de son état de santé antérieur ; le protocole par lequel la société SOGESSUR a versé le solde de l'indemnisation, intervenu postérieurement au jugement qui a retenu une perte de chance, est couvert par l'autorité de chose jugée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 juin et 22 août 2019 le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, représenté par Me J..., conclut :
1°) au rejet de la requête de la CPAM de la Loire-Atlantique ;
2°) au rejet des conclusions dirigées contre lui par Mme A..., la société SOGESSUR et la société Harmonie mutuelle ;
3°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 et au rejet des conclusions présentées par Mme A..., la société SOGESSUR et la CPAM de la Loire-Atlantique devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité pour manquement au devoir d'information, dès lors que Mme A... avait déjà bénéficié d'un lifting associé à une blépharoplastie inférieure bilatérale au cours de l'année 2000, de sorte que, même si aucun document n'a été signé par elle, l'intéressée ne pouvait ignorer les risques liés à une intervention qu'elle avait déjà subie trois ans avant l'intervention en cause ;
- en toute hypothèse, c'est à tort que les premiers juges ont fixé le taux de perte de chance à 50 % ; dès lors que le risque de lésion du nerf facial au cours d'un lifting cervico-facial, qui est évalué entre 1 et 2 %, peut être qualifié de faible et que Mme A..., qui avait déjà subi une intervention de même nature par le passé, était particulièrement désireuse de limiter les stigmates de son vieillissement ;
- c'est à tort que les premiers juges ont alloué à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, dès lors que cette dernière n'est pas inapte à l'emploi et que la complication litigeuse n'a pas été à l'origine d'une interruption d'activité ;
- aucune faute médicale n'a été commise, même si les experts indiquent ne pouvoir exclure totalement une défaillance technique, la cause probable du dommage résidant dans la réalisation d'un risque connu du type de chirurgie en cause ;
- la demande de la société SOGESSUR tendant à ce que sa demande de première instance, chiffrée à 8 700 euros, soit portée à la somme de 13 600 euros, est irrecevable, aucun élément nouveau n'étant venu l'informer de nouveaux préjudices qu'elle aurait été conduite à indemniser ; la nouvelle transaction conclue entre Mme A... et la société SOGESSUR est expressément fondée sur le rapport d'expertise rendu le 16 juin 2011, antérieurement au jugement dont il est relevé appel ;
- il y a lieu de rejeter la demande de la société Harmonie mutuelle tendant à ce que lui soit versée la somme de 1 396,40 euros au titre des débours exposés au profit de Mme A..., la liste des frais exposés par cette mutuelle étant dépourvue de précision et ne permettant pas, au-delà de la somme de 754,56 euros allouée par les premiers juges, de s'assurer que les frais ont été engagés en conséquence des dommages en cause ;
- Mme A... n'établit pas avoir exposé des dépenses de santé demeurées à sa charge à hauteur de 178,12 euros, ni la consistance et la réalité des frais de déplacement dont elle demande le remboursement, les frais d'expertise ayant quant à eux été mis à la charge du centre hospitalier ; les dépenses futures correspondant à des injections de toxine botulinique ne présentent pas un caractère certain ; la somme demandée par Mme A... au titre du déficit fonctionnel est nettement excessive dès lors que l'intéressée, qui n'a subi aucun déficit fonctionnel temporaire, s'est vu reconnaître un déficit fonctionnel permanent limité à 8 % ; la demande de Mme A... au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire est excessive et l'indemnité allouée par les premiers juges s'agissant des souffrances endurées est conforme à la jurisprudence ; la demande de Mme A... au titre du préjudice d'agrément est infondée, l'intéressée étant apte à poursuivre son activité de danse ; le préjudices sexuel ne saurait être retenu, pas plus que le préjudice d'établissement eu égard à l'âge de l'intéressée à la date de l'intervention litigieuse, aucun lien de causalité n'étant démontré avec la séparation ultérieure d'avec son conjoint ;
- Mme A... n'est pas recevable à demander le versement de la somme supplémentaire de 1 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, montant qui excède la demande initiale alors que le préjudice de l'intéressée ne s'est pas aggravé ;
- la CPAM de la Loire-Atlantique ne saurait demander la capitalisation des intérêts afférents à des frais futurs ; le CHU de Nantes n'a jamais donné son accord pour le versement d'un capital représentatif des frais futurs que la caisse pourra être amenée à exposer pour Mme A....
II - Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 décembre 2017, 12 février 2018, 31 octobre 2018, 18 juillet et 1er août 2019 sous le numéro 17NT03841 Mme G... A..., représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes et a alloué à la société SOGESSUR la somme de 8 700 euros ;
2°) à titre principal, de condamner le CHU de Nantes à réparer intégralement les préjudices qu'elle a subis en raison des fautes commises par cet établissement dans le cadre de l'intervention pratiquée le 29 septembre 2003 et à lui verser à ce titre la somme globale de 49 399,68 euros, outre la somme de 3 000 euros au titre du préjudice autonome d'impréparation ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU de Nantes à l'indemniser, au titre du défaut d'information, sur la base d'une perte de chance évaluée à 80 % d'échapper aux dommages qu'elle a subis et à lui verser à ce titre la somme globale de 39 519,74 euros, outre la somme de 3 000 euros au titre du préjudice autonome d'impréparation ;
4°) de mettre à la charge du CHU de Nantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°17NT03571 visée ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 13 mars 2018, 15 avril, 20 août et 28 octobre 2019 la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique, représentée en dernier lieu par Me H..., conclut :
1°) à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 en tant que ce dernier n'a pas reconnu l'existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes et a fixé le taux de perte de chance lié au défaut d'information à 50 % ;
2°) à titre principal, à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme de 13 565,73 euros au titre de ses débours et la somme de 16 933,03 euros au titre des frais futurs, sous forme de capital, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012 et la capitalisation de ces intérêts sur les condamnations prononcées ;
3°) à titre subsidiaire, à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme de 10 852,58 euros au titre de ses débours, la somme de 13 546,42 euros au titre des frais futurs, sous forme de capital, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012 et la capitalisation de ces intérêts sur les condamnations prononcées ;
4°) à ce que la somme mise à la charge du CHU de Nantes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion soit portée à 1 080 euros ;
5°) à ce que soit mis à la charge du CHU de Nantes le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°17NT03571 visée ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 15 mai 2018, 26 juillet et 5 août 2019 la société SOGESSUR, représentée par Me D..., conclut :
1°) au rejet des conclusions présentées devant la cour par le CHU de Nantes et Mme A... ;
2°) par la voie de l'appel incident, en cas d'engagement de la responsabilité du CHU de Nantes sur le fondement d'une faute médicale, à la réformation du jugement attaqué, à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme complémentaire de 4 900 euros en paiement du solde du montant qu'elle a versé à Mme A... en réparation de ses préjudices ;
3°) à titre subsidiaire, par les voies respectivement de l'appel incident et de l'appel provoqué, en cas d'engagement de la responsabilité du CHU de Nantes en raison de la perte de chance résultant d'un défaut d'information, à la condamnation de ce dernier, de Mme A... ou de l'un à défaut de l'autre, à lui verser la somme de 13 600 euros ;
4°) à ce que soit mis à la charge du CHU de Nantes, de Mme A... ou de toute autre partie succombant le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°17NT03571 visée ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 20 juin et 22 août 2019 le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par Me J..., conclut :
1°) au rejet de la requête de Mme A... ;
2°) au rejet des conclusions dirigées contre lui par la CPAM de la Loire-Atlantique, la société SOGESSUR et la société Harmonie mutuelle ;
3°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 et au rejet des conclusions présentées par Mme A..., la société SOGESSUR et la CPAM de la Loire-Atlantique devant le tribunal administratif de Nantes.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°17NT03571 visée ci-dessus.
Par un mémoire enregistré le 23 juin 2019 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me C..., conclut dans les mêmes conditions et par les mêmes moyens que dans l'instance n°17NT03571.
Appelée à la cause, la société Harmonie mutuelle n'a pas produit de mémoire.
Les parties ont été informées les 7 et 13 novembre 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique et tendant au remboursement des frais de santé exposés au cours de la période du 16 janvier 2012 au 20 septembre 2017 inclus, soit antérieurement au jugement du tribunal administratif de Nantes rendu le 18 octobre 2017, et dont elle a omis de demander le remboursement en temps utile alors qu'elle avait été mise à même de faire valoir ses droits.
Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2019, le CHU de Nantes a répondu au courrier l'informant qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office par la cour.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de la mutualité ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme K...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., avocat de la CPAM de la Loire-Atlantique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A... a subi le 29 septembre 2003 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes une intervention de chirurgie esthétique consistant en une reprise de lifting et une blépharoplastie supérieure bilatérale. Le lendemain de l'intervention, lors du retrait des bandages, elle a constaté que sa bouche était déviée et que sa paupière gauche tombait. Le 3 novembre 2003, un médecin neurologue a constaté un déficit moteur sur le territoire inférieur du nerf facial, dont l'évolution clinique favorable s'est cependant accompagnée d'une persistance, dans les mois suivants, de contractions musculaires et de spasmes de l'hémiface qui ont nécessité, à la fin de l'année 2004 et au cours de l'année 2005, des injections de toxine botulinique, des séances de rééducation orthophonique et faciale ainsi qu'un suivi psychiatrique. Enfin des douleurs chroniques de l'hémiface droite sont apparues à la fin de l'été 2006. Par une ordonnance du 22 mai 2008 le tribunal de grande instance de Nantes a mis à la charge de la société SOGESSUR, assureur de Mme A... au titre d'un contrat Garantie Accidents de la Vie (GAV), le versement d'une provision d'un montant de 2 800 euros et désigné un expert, dont les rapports ont été déposés les 29 avril et 16 juin 2011. Le 6 septembre 2012, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande indemnitaire dirigée contre le CHU de Nantes. Par un jugement du 18 octobre 2017, ce tribunal a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme A... la somme de 3 379,80 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique la somme de 2 246,60 euros ainsi que les dépenses futures sur justificatifs et à concurrence de 50 % de leur montant, à la société SOGESSUR la somme de 8 700 euros et à la société Harmonie mutuelle, venant aux droits de la société Mutuelle Atlantique, la somme de 377,28 euros. Le même jugement a enfin mis les frais d'expertise à la charge du CHU de Nantes, " sous réserve que la juridiction judiciaire n'ait pas déjà statué sur leur répartition ".
2. Par la voie de l'appel principal dans l'instance n° 17NT03571 et de l'appel incident dans l'instance n° 17NT03841, la CPAM de la Loire-Atlantique demande à la cour de réformer le jugement du 18 octobre 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes et de porter à 1 080 euros la somme mise à la charge du CHU de Nantes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par la voie de l'appel principal dans l'instance n° 17NT03841 et de l'appel incident dans l'instance n° 17NT03571, Mme A... demande à la cour de réformer le jugement du 18 octobre 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes. Il y a lieu de joindre les deux instances.
3. Dans les instances n° 17NT03571 et n° 17NT03841, la société SOGESSUR demande la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme complémentaire de 4 900 euros ou, à titre subsidiaire, la condamnation de ce dernier, de Mme A... ou l'un à défaut de l'autre, à lui verser la somme de 13 600 euros. Le centre hospitalier universitaire de Nantes conclut dans les deux instances, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 et au rejet des conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique, Mme A..., la société SOGESSUR et la société Harmonie mutuelle devant le tribunal administratif de Nantes. Enfin, dans l'instance n° 17NT03571, la société Harmonie mutuelle, venant aux droits de la société Mutuelle Atlantique, conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 en tant que ce dernier a écarté une partie des dépenses de santé exposées antérieurement à la date de consolidation fixée au 14 mars 2006 et à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme en principal de 1 396,40 euros.
I. La compétence de la juridiction administrative
4. Les conclusions présentées par un assureur à l'encontre de son assuré et qui sont relatives aux conditions d'exécution d'un contrat d'assurance privée ne relèvent pas de la compétence du juge administratif. Par suite, les conclusions dirigées par la SOGESSUR contre Mme A... et tendant au remboursement par cette dernière de l'indemnité qui lui a été versée, d'ailleurs sur le fondement d'un jugement du tribunal de grande instance de Nantes, ne peuvent qu'être rejetées comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
II. La recevabilité des conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique
5. Les conclusions présentées pour la première fois devant la cour par la CPAM de la Loire-Atlantique en vue du remboursement des frais de santé exposés au cours de la période du 16 janvier 2012 au 20 septembre 2017 inclus, soit antérieurement au jugement du tribunal administratif de Nantes rendu le 18 octobre 2017, et dont elle a omis de demander le remboursement en temps utile alors qu'elle avait été mise à même de faire valoir ses droits, sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
III. La responsabilité du CHU de Nantes
Sur l'existence d'une faute médicale :
6. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports établis par l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Nantes et son sapiteur que, compte tenu notamment des modalités de récupération de la paralysie faciale dont Mme A... a eu à souffrir, " l'hypothèse la plus probable est celle d'une lésion indirecte du nerf par la diffusion de l'onde de chaleur de la coagulation électrique d'un vaisseau, un mécanisme en général considéré comme un aléa thérapeutique ". Dans ces conditions, et comme l'ont estimé les premiers juges, aucune faute médicale commise au décours de l'intervention chirurgicale subie par Mme A... le 29 septembre 2003 ne peut être retenue à l'encontre du CHU de Nantes.
Sur le défaut d'information :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique (dans sa version applicable au litige) : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) ". En matière de chirurgie esthétique, le praticien, au-delà de l'obligation générale résultant de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, est tenu à une obligation d'information particulièrement étendue à l'égard de son patient, s'étendant aux risques même bénins ou rares. Il appartient à l'hôpital d'établir que le patient a été informé des risques de l'acte médical.
8. Le CHU de Nantes, qui ne conteste pas sérieusement que Mme A... n'a reçu aucune information sur les risques encourus du fait de l'intervention de chirurgie esthétique pratiquée le 29 septembre 2003, se borne à faire valoir, sans au demeurant l'établir, que cette dernière a bénéficié d'une information adéquate à l'occasion d'une opération de même nature pratiquée en 2000, consistant dans un lifting ainsi qu'une blépharoplastie inférieure bilatérale. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que les risques inhérents à l'intervention qu'elle a subie auraient été portés à la connaissance de Mme A....
9. Toutefois, l'obligation d'information qui incombe à l'établissement hospitalier ne saurait être étendue, sur le fondement des dispositions rappelées au point 7, aux informations qui sont données au patient dans et sur les suites de l'intervention chirurgicale réalisée. Les dispositions de l'article L. 6322-2 du code de la santé publique, relatives au devoir d'information que tout praticien doit à son patient à tout moment des soins qu'il lui apporte, relèvent de la responsabilité disciplinaire individuelle de chaque médecin et leur application ne ressortit pas de la compétence du juge administratif. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a retenu à l'encontre du CHU de Nantes une faute relative à un défaut d'information post opératoire et a condamné celui-ci à verser à Mme A... la somme de 3 000 euros à ce titre.
IV. La perte de chance
10. D'une part, la faute commise par les praticiens d'un centre hospitalier au regard de leur devoir d'information du patient n'entraîne pour ce dernier que la réparation de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. La réparation du dommage résultant de cette perte doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice qui tient compte du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'acte médical et, d'autre part, les risques encourus en cas de renoncement à cet acte.
11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert et de son sapiteur, que le risque d'atteinte partielle du nerf facial au décours des interventions chirurgicales telles que celle subie le 29 septembre 2003 par Mme A... " n'est pas rare " et que la littérature scientifique l'évalue entre 1 et 2 %. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la physionomie de Mme A... rendait particulièrement nécessaire l'opération litigieuse. Le sapiteur précise toutefois que la motivation de l'intéressée était établie et que les corrections esthétiques envisagées étaient justifiées. Par suite, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, le caractère fréquent des risques inhérents à l'opération de chirurgie esthétique en cause et, d'autre part, les considérations d'ordre uniquement esthétique qui ont conduit Mme A... à subir cette intervention, le manquement du praticien à son obligation d'information doit être regardé comme ayant privé Mme A... d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé dont les premiers juges ont fait une juste évaluation en fixant le taux à 50 %.
V. Les préjudices de Mme A...
Sur les préjudices patrimoniaux :
En ce qui concerne les dépenses de santé et frais divers :
12. D'une part, si Mme A... soutient avoir engagé des dépenses de santé demeurées à sa charge et avoir exposé des frais d'honoraires au bénéfice du médecin qui l'a assistée ainsi que des frais de déplacement et de photocopies, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'elle n'en établissait la réalité que s'agissant du trajet en train effectué le 16 septembre 2010 pour se rendre à un rendez-vous fixé par l'expert et des frais de copie de son dossier médical, à hauteur respectivement de 49,20 euros et 10,05 euros.
13. D'autre part, Mme A... ne justifie pas que les dépenses futures correspondant à cinq injections annuelles d'acide hyaluronique seraient rendues nécessaires par le traitement des séquelles dont elle a eu à souffrir du fait de l'opération chirurgicale réalisée le 29 septembre 2003.
14. Enfin, il est constant que le CHU de Nantes a remboursé à Mme A... l'intégralité des frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Nantes le 22 mai 2008 qu'elle avait initialement acquittés pour un montant total de 3 200 euros. Toutefois, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces frais, exposés dans une autre instance devant le juge judiciaire, ne constituaient pas devant le tribunal administratif des dépens susceptibles d'être mis à la charge intégrale du centre hospitalier, mais un préjudice indemnisable auquel il convenait d'appliquer le taux de perte de chance de 50% confirmé au point 11 du présent arrêt. Dans ces conditions, le CHU de Nantes n'était redevable à Mme A... que de la somme de 1 600 euros à ce titre. Le jugement attaqué doit donc être réformé en ce qu'il a à tort mis à la charge du CHU de Nantes la somme de 3 200 au titre des dépens alors que celui-ci n'était redevable à Mme A... que de la somme de 1 600 euros.
En ce qui concerne l'incidence professionnelle :
15. Le préjudice résultant de l'incidence professionnelle du dommage a vocation à indemniser ses incidences périphériques touchant à la sphère professionnelle, en raison notamment de la dévalorisation de la victime sur le marché du travail et de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée d'abandonner sa profession. Mme A..., qui avait cessé son activité professionnelle à la date de l'intervention litigieuse et se borne à faire valoir qu'elle a subi une dévalorisation dans la branche professionnelle qui était la sienne et un handicap à l'embauche, n'établit toutefois pas l'existence d'un lien de causalité entre ces difficultés d'ordre professionnel et les séquelles dont elle a souffert des suites de l'incident survenu au décours de l'opération du 29 septembre 2003. Elle n'est par suite pas fondée à réclamer une indemnisation à ce titre.
Sur les préjudices extra-patrimoniaux :
En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :
16. A la suite de l'intervention, Mme A... a eu à souffrir d'une paralysie faciale dans le territoire inférieur du nerf facial, puis d'un hémi-spasme facial suivi d'un blépharoclonus, qui ont nécessité une prise en charge médicale par injections régulières de toxine botulinique à compter du 8 novembre 2004 et au-delà du 30 novembre 2005. Mme A... s'est par ailleurs notamment vu prescrire le 9 décembre 2004 dix séances de rééducation orthophonique en lien avec des difficultés d'élocution provoquées par des contractures musculaires faciales. La date de consolidation a été fixée par l'expert au 14 mars 2006. Par suite, c'est par une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par la requérante pendant cette période que les premiers juges lui ont alloué à ce titre une somme de 2 000 euros.
En ce qui concerne les souffrances endurées :
17. Il ressort des termes du rapport d'expertise que les souffrances physiques et psychiques endurées par Mme A... peuvent être évaluées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7. Dans ces conditions il sera fait une plus juste appréciation de ce chef de préjudice en le portant à 3 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices esthétiques temporaire et permanent :
18. Du fait des complications liées à l'intervention chirurgicale du 29 septembre 2003, Mme A..., qui fait valoir qu'elle a eu la bouche déviée vers la droite et la paupière gauche tombante durant de nombreux mois, a subi un préjudice esthétique temporaire et reste atteinte d'un préjudice définitif du fait de l'hémispasme affectant le territoire facial inférieur droit. L'expert a évalué le préjudice esthétique ainsi enduré à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 pendant les six mois qui ont suivi l'intervention, puis à 2 pendant les six mois suivants puis à 1,5 entre le 29 septembre 2004 et la date de la consolidation ainsi que postérieurement. Par suite, c'est par une juste appréciation de ces préjudices que les premiers juges ont accordé à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et la somme de 1 100 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :
19. Du fait de la persistance d'un déficit moteur et d'un hémispasme affectant le territoire facial inférieur droit, auxquels s'ajoutent les désagréments liés à la nécessité de subir des injections régulières de toxine botulinique et, pour partie, un syndrome anxio-dépressif dont la genèse est cependant multifactorielle, Mme A... est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué globalement à 8 % par l'expert. Compte tenu de l'âge de la victime, née en 1948, il sera fait une plus exacte appréciation du préjudice subi à ce titre en ramenant la somme allouée par le tribunal administratif à 8 000 euros.
En ce qui concerne le préjudice d'agrément :
20. Si Mme A... fait valoir qu'elle a dû cesser de pratiquer la danse qui constituait son activité de loisir principale, il ressort toutefois du rapport de l'expert que l'intéressée était physiquement apte à poursuivre cette activité. Dans ces conditions, la réalité du préjudice allégué n'est pas établie.
En ce qui concerne le préjudice sexuel :
21. Si Mme A... soutient qu'elle a subi un préjudice sexuel du fait des complications intervenues à l'occasion de l'opération de chirurgie esthétique du 29 septembre 2003, elle n'en établit pas la réalité.
En ce qui concerne le préjudice d'établissement :
22. Mme A..., âgée de 55 ans à la date de l'intervention litigieuse et mère de quatre enfants, n'établit pas la réalité du préjudice d'établissement qu'elle aurait subi, qui résulte de la perte de chance de réaliser normalement un projet de vie de famille.
En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :
23. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
24. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 23 du présent arrêt, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Nantes, qu'il y a lieu d'évaluer les préjudices subis par Mme A... à la somme totale de 16 659,25 euros, soit, d'une part après application du taux de perte de chance défini au point 11 du présent arrêt hormis s'agissant du préjudice d'impréparation et d'autre part après réfaction de 1 600 euros pour le motif exposé au point 14 du présent arrêt, un montant de 7 229,63 euros.
VI. Les droits de la CPAM de la Loire-Atlantique
25. En premier lieu, la CPAM de la Loire-Atlantique justifie avoir exposé, pour le compte de Mme A..., des débours pour un montant de 434,28 euros, et non 572,38 euros comme retenu par les premiers juges, s'agissant de la période antérieure à la date de consolidation, fixée par l'expert au 14 mars 2006, et pour un montant de 3 906 22 euros s'agissant de la période allant de cette date au 18 octobre 2011 inclus, soit un montant total de 4 340,50 euros. Cette somme correspond aux frais médicaux et d'hospitalisation dont il résulte des termes des attestations d'imputabilité établies par le médecin conseil les 16 janvier 2012 et 24 octobre 2019 qu'ils sont directement imputables aux conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par Mme A... le 29 septembre 2003. Par suite, la réparation de ces frais incombe au CHU de Nantes pour la fraction de 50 % fixée au point 11 ci-dessus, soit 2 170,25 euros.
26. Il résulte de ce qui précède que la somme de 2 246,60 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à la CPAM de la Loire-Atlantique doit être ramenée à 2 170,25 euros.
27. La CPAM de la Loire-Atlantique a droit en outre aux intérêts sur la somme de 2 170,25 euros à compter du 5 novembre 2012, date d'enregistrement de son premier mémoire au greffe du tribunal administratif de Nantes dans l'instance n° 1208597. Les intérêts échus à compter du 5 novembre 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
28. En deuxième lieu, s'agissant de la période du 12 décembre 2017 au 26 juin 2019, la CPAM de la Loire-Atlantique justifie avoir exposé pour le compte de Mme A..., postérieurement au prononcé du jugement attaqué, des débours pour un montant total de 2 210,45 euros correspondant, à hauteur respective de 1 014,23 euros et 1 196,72 euros, aux frais médicaux et aux frais d'hospitalisation dont il résulte des termes de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil le 24 octobre 2019 qu'ils sont directement imputables aux conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par Mme A... le 29 septembre 2003. Par suite, la réparation de ces frais incombe au CHU de Nantes pour la fraction de 50 % fixée au point 11 ci-dessus, soit 1 105,23 euros.
29. La CPAM de la Loire-Atlantique a droit en outre aux intérêts sur la somme de 1 105,23 euros à compter du 20 août 2019, date d'enregistrement au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes des mémoires par lesquels ils ont été demandés.
30. En troisième lieu, la CPAM de la Loire-Atlantique demande le versement de la somme de 16 933,03 euros au titre des dépenses de santé futures. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge de l'auteur responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. En l'absence d'accord du CHU de Nantes, la CPAM de la Loire-Atlantique peut seulement prétendre au remboursement des débours qu'elle exposera à l'avenir, correspondant pour une année à quatre hospitalisations en ambulatoire et quatre injections de toxine botulinique, dont le montant sera calculé, au fur et à mesure de leur échéance, sur production de justificatifs, en tenant compte du taux de perte de chance de 50 % défini précédemment et sous déduction le cas échéant des sommes déjà versées par le CHU de Nantes.
31. Il y a enfin lieu de porter à 1 080 euros l'indemnité mise à la charge du CHU de Nantes par le tribunal administratif de Nantes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
VII. Les droits de la société Harmonie mutuelle
32. Aux termes de l'article L. 224-9 du code de la mutualité : " Pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, mentionnées à l'article L. 224-8, la mutuelle ou l'union est subrogée jusqu'à concurrence desdites prestations, dans les droits et actions des membres participants, des bénéficiaires ou de leurs ayants droit contre les tiers responsables. (...) ". Si la société " Harmonie mutuelle ", qui dispose en vertu des dispositions précitées d'une action subrogatoire dans les droits et actions de Mme A..., son adhérente, allègue avoir exposé des dépenses pour un montant de 2 792,81 euros, somme dont elle ne sollicite le remboursement qu'à hauteur de 1 396,40 euros par application du taux de perte de chance de 50 % retenu par les premiers juges, seules les dépenses qui correspondent directement à des frais imputables aux conséquences dommageables de l'opération chirurgicale litigieuse peuvent toutefois lui être remboursées. La société " Harmonie mutuelle " peut dès lors prétendre au remboursement de la somme totale de 753,40 euros correspondant aux prestations versées à Mme A... durant la période du 12 janvier 2005 au 14 mars 2006 en complément de celles servies par la CPAM de la Loire-Atlantique, à l'exclusion des frais de massage dont l'utilité médicale n'est pas établie, soit une somme de 376,70 euros application faite du taux de perte de chance défini au point 11 du présent arrêt.
33. Il résulte de ce qui précède que la somme de 377,28 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à la société " Harmonie mutuelle " doit être ramenée à 376,70 euros.
34. La société " Harmonie mutuelle " a droit aux intérêts sur la somme de 376,70 euros à compter du 20 octobre 2014, date d'enregistrement de son premier mémoire au greffe du tribunal administratif de Nantes dans l'instance n° 1208597. Les intérêts échus à compter du 20 octobre 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
VIII. Les droits de la société " SOGESSUR "
35. Aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : " Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre. Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elles sont indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, les prestations d'assurances des personnes revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire.
36. Il résulte de l'instruction, notamment des conditions générales du contrat d'assurance que la société SOGESSUR a conclu avec la requérante, que l'indemnité qu'elle s'est contractuellement engagée à lui verser n'est pas forfaitairement déterminée mais calculée après évaluation des préjudices subis selon les règles du droit commun en tenant compte, notamment, du taux de déficit fonctionnel permanent, du sexe et de l'âge de la victime, de son lieu de résidence et de sa profession. Il est par ailleurs constant que la société SOGESSUR a versé à Mme A..., sous la forme de cinq indemnités provisionnelles pour laquelle elle produit des quittances subrogatives signées par la requérante, la somme totale de 13 600 euros correspondant à la réparation du préjudice esthétique permanent, du déficit fonctionnel permanent et des souffrances dont Mme A... a eu à souffrir du fait des complications résultant de l'intervention du 29 septembre 2003. Dans ces conditions, la société SOGESSUR est en droit de prétendre à être remboursée par l'auteur responsable des indemnités qu'elle a versées à son assurée, dans la limite des sommes attribuées à cette dernière au titre des mêmes chefs de préjudices et après application du taux de perte de chance retenu, soit à hauteur de 6 050 euros ainsi que cela résulte des points 11 et 17 à 19 du présent arrêt. Dans la mesure où l'obligation de la société SOGESSUR envers son assurée a été affirmée par le tribunal de grande instance de Nantes dans les conditions rappelées au point 4, et n'est pas remise en cause à la date du présent arrêt, cette somme de 6 050 euros doit être imputée sur le montant de l'indemnité à laquelle peut prétendre Mme A....
37. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9, 24 et 36 du présent arrêt que le solde de l'indemnité que le CHU de Nantes doit être condamné à verser à Mme A... s'élève à la somme de 1 179,63 euros.
38. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à la CPAM de la Loire-Atlantique doit être ramenée à 3 275,48 euros (2 170,25 euros au titre de la période antérieure au jugement du tribunal administratif de Nantes et 1 105,23 euros au titre de la période postérieure), la caisse étant également en droit de prétendre au remboursement des débours exposés pour l'avenir au fur et à mesure de leur échéance, que la somme de 3 379,80 euros que ce tribunal a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme A... doit être ramenée à 1 179,63 euros, que la somme que ce même tribunal a condamné l'établissement hospitalier à verser à la société Harmonie mutuelle est ramenée à 376,70 euros, enfin que la somme de 8 700 euros que le tribunal a condamné le CHU de Nantes à verser à la société SOGESSUR doit être ramenée à 6 050 euros.
IX. Les frais des instances
39. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les sommes correspondant aux frais qu'elle a exposés au titre de la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique au titre des débours relatifs à la période antérieure à la consolidation ainsi que pour la période postérieure à la consolidation et jusqu'au 18 octobre 2011 inclus est ramenée à 2 170,25 euros, somme qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 5 novembre 2013 et à chaque échéance annuelle.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Nantes est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, au titre des débours relatifs à la période allant du 12 décembre 2017 au 26 juin 2019 inclus, la somme de 1 105,23 euros, somme qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 30 novembre 2018 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Nantes est condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, au fur et à mesure, sur justificatifs, les dépenses de santé imputables aux conséquences dommageables de l'intervention subie par Mme A... le 29 septembre 2003, dans la limite de 50 % de ces sommes.
Article 4 : La somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser à la société Harmonie mutuelle est ramenée à 376,70 euros, somme qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 20 octobre 2015 et à chaque échéance annuelle.
Article 5 : La somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser à la société SOGESSUR est ramenée à 6 050 euros.
Article 6 : La somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser à Mme A... est ramenée à 1 179,63 euros.
Article 7 : L'indemnité forfaitaire de gestion que le tribunal administratif de Nantes a mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 1 080 euros.
Article 8 : Le jugement n° 1208597 du 18 octobre 2017 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 9 : Le surplus des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, par Mme G... A..., par la société Harmonie mutuelle, par la société SOGESSUR et par le centre hospitalier universitaire de Nantes est rejeté.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, à Mme G... A..., à la société Harmonie mutuelle, à la société SOGESSUR, à l'ONIAM et au centre hospitalier universitaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme K..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.
Le rapporteur
M. K...Le président
I. PerrotLe greffier
M. F...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT03571,17NT038412
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