Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2015 M. B... C..., représenté par Me Le Strat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 29 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa demande et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ; en effet, le mémoire en défense du préfet d'Ille-et-Vilaine produit la veille de la clôture d'instruction ne lui a pas été communiqué et le jugement attaqué s'est fondé sur des éléments contenus dans ce mémoire qui n'ont pas été soumis au débat contradictoire ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen complet de sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté méconnaît les articles L. 313-14 et L. 313-10 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il disposait d'une offre d'embauche par la société Sreg en tant qu'ouvrier électricien en triage de câbles ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; son frère vit en France et lui-même vit en couple avec une compatriote depuis plus d'un an ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée le 10 décembre 2015 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- et les observations de Me Le Strat, avocat de M. C....
1. Considérant que M. C..., de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 11 mars 2008, pour y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ; que sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision de refus du directeur de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides le 22 décembre 2008, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 juin 2010 ; que, l'intéressé ayant déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille et Vilaine a, à la suite de l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé, qui a estimé que le requérant pouvait recevoir les soins nécessaires dans son pays d'origine, et du rejet de la demande de réexamen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, refusé d'accorder à M. C... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire à destination de la République démocratique du Congo ; que ce refus a été confirmé par jugement du 1er juin 2012 du tribunal administratif de Rennes et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes le 18 avril 2013 ; que M. C...a à nouveau sollicité sa régularisation, le 14 mars 2013, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le refus opposé à cette nouvelle demande par un arrêté du 15 octobre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine a été annulé par un jugement du 22 septembre 2014 en raison de son défaut de motivation ; que, sur injonction du tribunal administratif de Rennes de statuer à nouveau sur la situation de M.C..., le préfet d'Ille-et-Vilaine a à nouveau, le 29 décembre 2014, rejeté la demande de celui-ci et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que M. C... relève appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 29 décembre 2014 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant. qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-11 du même code, applicable au contentieux des décisions portant obligation de quitter le territoire français, en l'absence de placement en rétention ou d'assignation à résidence : " Le président de la formation de jugement ou le rapporteur qui a reçu délégation à cet effet peut, dès l'enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l'article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l'instruction sera close (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) " et qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-3 : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. " ; qu'enfin, il est prévu à l'article R. 613-4 de ce code que : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande présentée par M. C... à l'encontre de l'arrêté du 29 décembre 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 27 avril 2015 ; que, faisant usage des pouvoirs que lui conférait l'article R. 776-11 précité du code de justice administrative, le président de la 1ère chambre de ce tribunal a, par une ordonnance en date du 28 avril 2015, d'une part fixé la clôture de l'instruction au 12 juin 2015 à 12h00, d'autre part inscrit l'affaire au rôle de l'audience publique du 26 juin 2015 ; que le mémoire en défense du préfet d'Ille-et-Vilaine, produit le 11 juin 2015, n'a pas été communiqué au conseil des requérants alors qu'il comportait l'avis de la Directte remettant en cause le sérieux de la promesse d'embauche et l'existence de l'entreprise à l'origine de cette offre ; que M. C..., dont la demande a été rejetée, n'a pas été mis à même de répliquer à ce premier mémoire en défense du préfet d'Ille-et-Vilaine ; que cette méconnaissance de l'obligation posée par l'article R. 611-1 du code de justice administrative ne saurait, eu égard à la motivation retenue par le juge de première instance, être regardée comme n'ayant pu avoir d'influence sur l'issue du litige ; qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 29 décembre 2014 :
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à un examen précis de la situation personnelle de M. C..., en particulier au regard de sa situation professionnelle ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; qu'à cet égard, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
7. Considérant, d'une part, que M. C... se prévaut de son intégration professionnelle, du soutien de membres d'associations, de partis politiques et d'élus, de la durée de son séjour en France depuis le mois de mars 2008, de la présence en France de son frère et de sa relation avec une compatriote ; que, toutefois, il n'a résidé régulièrement sur le territoire que sous couvert d'autorisations provisoires de séjour durant le temps d'examen de ses demandes d'asile et de ses demandes de régularisation au regard de son état de santé, de sa vie privée familiale, et de sa qualité de salarié au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa relation de couple est récente ; que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans ; qu'en faisant état d'une participation bénévole à une association caritative le requérant n'établit ni la stabilité de ses conditions d'existence ni son insertion dans la société française ; que, par suite, M. C... ne fait valoir aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant son admission au séjour ;
8. Considérant, d'autre part, qu'à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, M. C... se prévaut d'une promesse d'embauche en tant qu'ouvrier électricien " trieur de câbles " ; que, toutefois, M. C..., qui n'a exercé que la profession de fileteur-étêteur en boucherie depuis son arrivée en France, ne démontre pas qu'il disposerait d'une qualification ou d'une expérience en matière d'installation électrique ; que s'il prétend que cette profession ne requiert aucun diplôme, il n'est ni établi ni même allégué que l'employeur potentiel de M. C... aurait recherché en vain une personne susceptible d'occuper cet emploi ; qu'à la suite d'un contrôle diligenté dans le but de vérifier que la société émettrice de l'offre d'embauche en cause respecte les conditions règlementaires, la Directte a par ailleurs émis des doutes sur la réalité de cette offre émanant d'une société qui n'emploie aucun salarié ; que, par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser la situation administrative de l'intéressé au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ;
9. Considérant, enfin, que si M. C..., dont la demande d'asile a été rejetée par les décisions des 22 décembre 2008 et 30 décembre 2010 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des 8 juin 2010 et 7 octobre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'il encourt des risques en cas de retour en République démocratique du Congo en sa qualité d'opposant au régime, il n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments probants de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination le préfet d'Ille-et-Vilaine, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait senti lié par les décisions prises par les instances habilitées à accorder l'asile, a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes ne peut qu'être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement no 15NT02002 du tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que les conclusions à fin d'injonction et de remboursement des frais exposés présentées par lui devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2016.
Le rapporteur,
F. Lemoine Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT03660