Procédure devant la cour :
Par un arrêt n°16NT02095 du 27 avril 2018, la cour, statuant sur la requête de l'ONIAM et sur les conclusions présentées à titre incident par M.B..., a confirmé l'obligation d'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale mais a ordonné une expertise complémentaire en vue de se prononcer de manière efficiente sur le point de savoir si l'état de santé de M. B...pouvait être regardé comme consolidé, et de mesurer l'étendue définitive des préjudices subis par lui et par son fils.
Par une ordonnance du 2 mai 2018, la présidente de la cour a désigné le docteur Yves Deugnier en qualité d'expert.
Le rapport d'expertise établi par le docteur Yves Deugnier a été déposé au greffe de la cour administrative d'appel le 22 octobre 2018.
Par une ordonnance du 6 novembre 2018, la présidente de la cour a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 1 120 euros toutes taxes comprises.
Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2018 M. C...B..., représenté par Me A..., réitère les conclusions précédemment présentées devant la cour.
Il invoque les mêmes moyens et fait valoir en outre que :
- les préjudices patrimoniaux subis, dont l'existence a été reconnue par l'expert, doivent être indemnisés par le versement d'une somme forfaitaire de 8 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination ;
- le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé par le versement d'une somme de 5 000 euros ;
- les souffrances endurées, qui sont à l'origine d'un très lourd préjudice moral dès lors qu'il a vécu 24 ans avec la crainte que le virus de l'hépatite C se développe et a dû vivre avec cette inquiétude, ainsi que l'inefficacité des premiers traitements et l'incertitude de recevoir un nouveau traitement du fait de sa co-infection VIH et VHC doivent être évaluées à la somme de 20 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent que l'expert a retenu justifie qu'une somme de 30 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM ;
- son préjudice sexuel doit être indemnisé par le versement d'une somme de 8 000 euros ;
- la souffrance morale de son fils liée à la crainte de l'évolution fatale de sa maladie justifie une réparation à hauteur de 30 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeD..., conclut :
1°) à la réformation du jugement attaqué ;
2°) à ce que les sommes allouées à M. B...soient réduites à de plus justes proportions ;
3°) à ce que la demande présentée par M. B...au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative soit rejetée sinon réduite.
Il fait valoir que les sommes allouées ne devraient pas excéder 5 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 4 162 euros au titres des souffrances endurées, 11 830 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 3 000 euros au titre du préjudice d'affection du fils de la victime.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., né le 23 août 1964, atteint d'une hémophilie A sévère ayant rendu nécessaire l'administration régulière de produits sanguins en grande quantité depuis son enfance, a été identifié comme porteur du virus de l'hépatite C le 24 septembre 1991 et une hépatite chronique C de génotype A a été mise en évidence en 2006. Estimant que sa contamination était imputable aux produits sanguins reçus par lui, M.B..., après avoir formé auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une demande d'indemnisation qui ne lui a pas donné satisfaction, a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à l'indemniser de manière définitive de ses préjudices, à hauteur de 71 000 euros en ce qui le concerne et de 30 000 euros en ce qui concerne son fils Paul. Par un jugement du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a alloué à M. B...pour lui- même et pour son fils les sommes respectives de 22 000 euros et de 4 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
2. Par un arrêt du 27 avril 2018 la cour, statuant sur la requête de l'ONIAM et sur les conclusions présentées à titre incident par M.B..., a confirmé l'obligation d'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale et a ordonné une expertise complémentaire en vue de se prononcer de manière efficiente sur le point de savoir si l'état de santé de M. B...pouvait être regardé comme consolidé, et de mesurer l'étendue définitive des préjudices personnels subis par lui et par son fils. L'expert désigné a remis son rapport au greffe de la cour le 22 octobre 2018.
Sur l'évaluation des préjudices :
3. Il résulte du rapport établi par l'expert judiciaire que M. B...a bénéficié à compter du 16 mai 2015 d'un nouveau traitement qui a permis de constater l'éradication du virus en 2016. La date de consolidation de son état de santé au regard de l'infection par le VHC peut donc être fixée au 28 janvier 2016.
S'agissant du préjudice patrimonial :
4. Il résulte de l'instruction que la quadruple pathologie (hémophilie, infection VIH, infection VHC et cancer du côlon) dont M.B..., qui exerçait la profession de comptable, a été atteint a fait obstacle à l'évolution de sa carrière professionnelle, notamment en le contraignant à un travail à temps partiel et à la souscription de certaines garanties d'assurance. M. B...peut ainsi prétendre à obtenir, au titre de ce préjudice spécifique et pour la part se rattachant à la contamination par le VHC, la somme de 4 000 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
5. Selon le rapport d'expertise, les souffrances endurées depuis le 18 mai 1992 jusqu'à sa guérison par M. B...tant sur le plan psychique que physique (asthénie chronique, suivi hépatologique avec de nombreuses prises de sang et examens morphologiques réguliers) peuvent être évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7. M. B... a subi également un préjudice résultant de la conscience d'être atteint d'une maladie grave potentiellement mortelle et des inquiétudes légitimes qu'il a ainsi éprouvées du fait de sa contamination par le VHC pendant 24 ans, alors notamment que le premier traitement reçu en 2006 et 2007 s'était avéré inefficace et que sa co-infection par le VIH et par le VHC a rendu pendant longtemps incertaine la possibilité d'engager un nouveau traitement contre l'hépatite C. Il sera fait une juste appréciation de l'indemnité devant être mise à la charge de l'ONIAM au titre de ce chef de préjudice en la fixant à la somme de 25 000 euros.
S'agissant du préjudice sexuel :
6. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi tel que relevé par l'expert en l'évaluant à la somme de 2 000 euros mise à la charge de l'ONIAM.
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
7. Il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport d'expertise que M. B... a subi, avant sa guérison intervenue en 2016, un déficit fonctionnel temporaire (DFT) qui peut être évalué à 50% pendant le premier traitement antiviral, 25% pendant le second traitement et à 10% tout au long de l'évolution de la maladie virale C hors traitement (asthénie chronique). Il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi au cours des différentes périodes concernées en le fixant à la somme globale de 5 000 euros qui doit être mise à la charge de l'ONIAM.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
8. Si l'expert a souligné qu'en l'absence de facteurs exogènes (alcool, obésité, nouvelle infection virale...), l'état hépatique de M. B...ne devrait pas connaitre d'aggravation, il a toutefois ajouté qu'en raison des divergences entre les résultats du Fibromètre et ceux du Fibroscan, de l'impossibilité de réaliser une biopsie hépatique du fait de l'hémophilie, le risque de survenue ultérieure d'une greffe carcinomateuse en lien avec une hépatopathie résiduelle ne pouvait être exclu. Il a ainsi proposé de retenir un taux de 10% de déficit fonctionnel permanent au titre de ce risque et de ses conséquences psychologiques. Il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due à ce titre en l'évaluant à la somme de 12 000 euros mise à la charge de l'ONIAM.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que M. B...peut prétendre à obtenir la somme totale de 48 000 euros au titre de ses préjudices propres. Le jugement attaqué doit en conséquence être réformé dans cette mesure.
Sur les préjudices de l'enfant PaulB... :
10. Il résulte de l'instruction que PaulB..., né le 30 décembre 1999, a subi un préjudice moral lié à l'éventualité d'une évolution défavorable de la maladie de son père. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 4 000 euros.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à solliciter l'annulation ou la réformation du jugement attaqué. M. B...est, pour sa part, fondé, dans la mesure rappelée au point 9, à solliciter la réformation du jugement attaqué.
Sur les frais de l'instance :
12. Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 120 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 6 novembre 2018, sont mis à la charge de l'ONIAM.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM, qui succombe dans la présente instance, une somme totale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée sur le même fondement par l'Établissement français du sang à l'égard de tout succombant.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à M. B...par le tribunal administratif de Nantes est portée à 48 000 euros.
Article 2 : Le jugement n°1207539 du 27 avril 2016 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, le surplus des conclusions incidentes de M. B... ainsi que les conclusions présentées devant la cour par l'Établissement français du sang sont rejetés.
Article 4 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 120 euros sont mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6: Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. C...B..., à l'Établissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 février 2019.
Le rapporteur,
O. Coiffet
Le président,
I. Perrot Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02095