Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 mai et 9 juin 2017 l'établissement public de santé mentale (EPSM) du Morbihan, représenté par le cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mars 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté car la procédure ne lui a été communiqué que le 15 décembre 2016, ce qui ne lui a pas laissé suffisamment de temps avant l'audience qui s'est tenue le 26 janvier 2017 pour présenter ses observations ;
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- les premiers juges se sont contredits en indiquant que Mme A...présentait des signes de souffrances psychiques mais ne souffrait pas de maladie mentale et en assimilant l'exercice de la psychiatrie à l'exercice de fonctions de praticien hospitalier ;
- il ressort des différentes expertises que MmeA..., si elle était apte à exercer la psychiatrie d'une façon générale, n'était pas apte, compte tenu de ses difficultés relationnelles et de son comportement erratique, à exercer en tant que praticien hospitalier au sein de l'EPSM du Morbihan, ce qui justifiait son placement en congé de longue durée ;
- en ce qui concerne les moyens présentés devant le tribunal par MmeA..., il s'en remet aux écritures du préfet du Morbihan.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2017 et 7 juin 2018 Mme C...A..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'EPSM du Morbihan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée le 9 juin 2017 au ministre des solidarités et de la santé, et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant l'EPSM du Morbihan.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., médecin psychiatre, a commencé à exercer au sein de l'EPSM du Morbihan comme interne en 1981 et elle a été recrutée par cet établissement en tant que praticien hospitalier titulaire à compter du 10 juillet 1989. Elle était affectée au service de pédopsychiatrie jusqu'en 1995 où, à la suite d'un conflit avec le chef de service, elle a été mutée au service de psychiatrie pour adulte. Elle a rencontré à partir de 2009 des difficultés dans l'exercice de ses fonctions et elle a été placée en congé de longue durée par des décisions successives du préfet du Morbihan à compter du 27 janvier 2012. Par un jugement du 3 mars 2016, qui fait l'objet d'une tierce opposition de la part de l'EPSM du Morbihan, le tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 12 mars et du 2 juillet 2013 par lesquels le préfet du Morbihan a prolongé le congé de longue durée de Mme A...pour les périodes du 27 janvier au 26 juillet 2013 et du 27 juillet 2013 au 26 janvier 2014.
2. MmeA..., après avoir été convoquée à une réunion du comité médical prévue le 26 janvier 2015, ne s'y est pas présentée, mettant ce comité dans l'impossibilité d'émettre un avis sur son aptitude à exercer ses fonctions. Le préfet du Morbihan a néanmoins pris un nouvel arrêté en date du 3 février 2015 prolongeant son placement en congé de longue durée pour la période du 27 janvier au 26 juillet 2015. L'EPSM du Morbihan relève appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 3 février 2015 à la demande de MmeA....
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-10 du même code : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. (...) ".
4. Le tribunal administratif de Rennes a communiqué la demande présentée par Mme A... au préfet du Morbihan, auteur de la décision contestée, dès le 15 avril 2015 mais n'a mis en cause dans cette instance l'EPSM du Morbihan, tiers intéressé au maintien de cette décision, que le 15 décembre 2016, soit trois semaines avant la clôture de l'instruction intervenue le 6 janvier 2017 et 6 semaines avant l'audience, fixée au 26 janvier suivant. Cependant, le requérant, qui n'a pas demandé de délai supplémentaire pour produire ni le renvoi de l'audience, n'établit pas qu'il lui aurait été impossible de faire valoir ses observations dans le délai ainsi imparti et n'est par suite pas fondé à soutenir que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire.
5. En second lieu, il ressort de la lecture du point 2 du jugement attaqué que la décision prise par le tribunal administratif est motivée de façon claire et détaillée. La circonstance que cette motivation, qui est propre au litige jugé, soit en cohérence avec celle de la décision rendue par le même tribunal le 3 mars 2016 concernant les arrêtés du préfet du Morbihan des 12 mars et 2 juillet 2013 évoqués au point 1 ne saurait, contrairement à ce que soutient le requérant, révéler un défaut de motivation et, de ce fait, une irrégularité du jugement.
Sur le bien fondé du jugement :
6. Aux termes de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique : " (...) Le praticien dont le cas est soumis à un comité médical est tenu de se présenter devant lui et, si la demande lui en est faite, de lui communiquer les pièces médicales le concernant. Il peut demander que soient entendus un ou plusieurs médecins de son choix (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 6152-39 du même code : " Un praticien reconnu atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis par le comité médical et empêché d'exercer ses fonctions est de droit mis en congé de longue durée par décision du préfet du département. Le congé de longue durée ne peut être accordé pour une durée inférieure à trois mois ou supérieure à six mois. Il peut être renouvelé à concurrence d'un total de cinq années. Au-delà de ce total de congés, le praticien qui ne peut reprendre son service est mis en disponibilité dans les conditions fixées aux articles R. 6152-62, R. 6152-63 et R. 6152-65. Le praticien placé en congé de longue durée a droit au maintien de la totalité de ses émoluments pendant trois ans, et de la moitié pendant deux ans. ".
7. Si le préfet peut légalement prolonger le congé de longue duré d'un praticien hospitalier en l'absence de nouvel avis du comité médical lorsque celui-ci a été dans l'impossibilité de se prononcer du fait du refus du praticien de se présenter devant lui sans motif légitime, ce n'est qu'à la condition que les éléments dont il dispose lorsqu'il prend sa décision lui permettent de constater l'inaptitude de l'intéressé à remplir ses fonctions.
8. Il ressort des pièces du dossier que dans un avis rendu le 26 octobre 2012 à la demande du conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne, un collège de trois experts psychiatres a conclu de façon argumentée que les éléments qui lui avaient été fournis ainsi que l'examen de Mme A...ne permettaient pas de poser le diagnostic d'une pathologie psychiatrique avérée ou d'un trouble de la personnalité chez l'intéressée. En outre, dans son avis émis le 26 juin 2014, le comité médical n'a pas conclu à l'inaptitude de Mme A...mais a émis un avis d'aptitude conditionné à une reprise d'activité à mi-temps thérapeutique dans un autre établissement que l'EPSM du Morbihan. Conformément à cet avis, le préfet du Morbihan a d'ailleurs, par une décision du 7 juillet 2014 qui n'a pas été contestée, prolongé le congé de longue durée de l'intéressée pour 6 mois, du 27 juillet 2014 au 26 janvier 2015, dans l'attente que les conditions de reprise soient réunies, en précisant qu'il appartenait à Mme A...de faire les démarches nécessaires à sa mutation dans un autre établissement. Cet avis du comité médical du 26 juin 2014 a du reste été confirmé par le rapport en date du 8 octobre 2015 d'un expert missionné par le tribunal administratif de Rennes avant de rendre son jugement du 3 mars 2016 évoqué au point 1, qui a considéré que pendant la période du 27 janvier 2013 au 26 janvier 2014 Mme A...était apte à exercer ses fonctions en dehors de l'EPSM du Morbihan. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le préfet du Morbihan avait commis une erreur d'appréciation en estimant, en l'absence de nouvel avis rendu par le comité médical ou de tout autre élément nouveau concernant l'état de santé de MmeA..., que celle-ci était totalement inapte à remplir ses fonctions de praticiens hospitalier.
9. Il résulte de ce qui précède que l'EPSM du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 3 février 2015 par laquelle le préfet du Morbihan a placé Mme A...en congé de longue durée pour la période du 27 janvier au 26 juillet 2015.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EPSM du Morbihan demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement à Mme A...d'une somme de 1 500 euros au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EPSM du Morbihan est rejetée.
Article 2 : L'EPSM du Morbihan versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à l'établissement public de santé mentale du Morbihan, au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2019.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01362