Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai et 19 juin 2017, le GAEC Boireau Frères, représenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 mars 2017 ;
2°) d'annuler les titres de perceptions litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les travaux de retournement de prairies qui lui sont reprochés ont été engagés avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 30 janvier 2014 du préfet de Maine-et-Loire soumettant ce type de travaux agricoles à une autorisation administrative préalable, de sorte que l'arrêté du 23 juin 2014 du même préfet lui enjoignant, sous astreinte, de rétablir les terres litigieuses dans leur état antérieur a fait une application rétroactive de celui du 30 janvier 2014 et qu'il est donc fondé à exciper de son illégalité ;
- l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 27 mai 2014, sur lequel est fondé l'arrêté du 23 juin 2014, lui refusant l'autorisation de retourner ses terres est lui-même illégal, dès lors que, dans sa demande d'autorisation, il a proposé des mesures de gestion suffisantes et adaptées au site ;
- l'arrêté du 5 septembre 2014 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a liquidé l'astreinte de 21 600 euros prévue par l'article 4 de l'arrêté du 23 juin 2014 est également illégal, puisqu'il a engagé les travaux de remise en état de la prairie initiale pendant l'été conformément aux prescriptions du préfet.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2018 le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le GAEC Boireau Frères ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le GAEC Boireau Frères exploite depuis l'année 2000 plusieurs prairies situées à Saumur (Maine-et-Loire) dans le périmètre d'un site Natura 2000. Souhaitant se reconvertir dans la culture de céréales il a engagé, à partir de la fin de l'année 2013, des travaux de retournement de ces prairies. Un arrêté du 30 janvier 2014 du préfet de Maine-et-Loire a soumis ce type de travaux à autorisation préalable. Le 19 février 2014, le GAEC Boireau Frères, désirant régulariser sa situation, a présenté une demande d'autorisation pour ses travaux. Par des arrêtés des 27 mai et 23 juin 2014, le préfet de Maine-et-Loire a, d'une part, refusé l'autorisation de retournement demandée et, d'autre part, enjoint au GAEC Boireau Frères de remettre les parcelles concernées dans leur état initial de prairies. Estimant qu'il ne s'était pas conformé à cette prescription dans les délais fixés le préfet a, par deux arrêtés du 5 septembre et du 17 octobre 2014, liquidé les astreintes prévues par l'arrêté du 23 juin 2014 et mis à la charge du GAEC Boireau Frères les sommes de 21 600 euros et de 37 200 euros pour le recouvrement desquelles des titres de perception ont été émis respectivement les 29 septembre et 14 novembre 2014. Le GAEC Boireau Frères a contesté la légalité de ces titres devant le tribunal administratif de Nantes qui, par le jugement attaqué du 9 mars 2017, a rejeté sa demande. Il relève appel de ce jugement.
Sur la légalité des titres de perceptions en litige :
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que l'arrêté du 23 juin 2014 du préfet de Maine-et-Loire sur lequel sont fondés les titres de perception est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté du 27 mai 2014 :
2. Par son arrêté du 30 janvier 2014, dont la légalité n'est pas contestée, le préfet de Maine-et-Loire a, sur le fondement des dispositions des articles L. 414-4 et R. 414-27 du code de l'environnement, soumis à autorisation préalable le retournement des prairies permanentes ou temporaires de plus de cinq ans situées dans le périmètre du site Natura 2000 " Vallée de la Loire des Ponts de Cé à Montsoreau ". Par l'arrêté litigieux du 27 mai 2014, cette même autorité a refusé de délivrer au GAEC Boireau Frères l'autorisation de retournement que celui-ci sollicitait, au motif que les travaux envisagés " portent atteinte de manière significative à l'habitat d'intérêt communautaire (...) du site d'importance communautaire (FR5200629) et que les mesures de gestion proposées n'évitent ou ne réduisent pas ces atteintes... ".
3. Le GAEC Boireau Frères fait valoir qu'il a joint à son dossier de demande d'autorisation un diagnostic écologique réalisé par le Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine qui comportait plusieurs propositions de nature à limiter les incidences des travaux concernés sur le site Natura 2000. Cependant, à supposer même que ces propositions fussent suffisantes au regard des prescriptions de l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2004, il ne produit aucun document ni ne fait valoir aucun élément de fait établissant qu'il aurait repris ces propositions à son compte et les auraient mises en oeuvre. Par suite, le préfet a pu légalement rejeter sa demande d'autorisation pour le motif énoncé au point 2.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 23 juin 2014 :
4. Le GAEC Boireau Frères soutient que le préfet a, par l'arrêté du 23 juin 2014 lui enjoignant de remettre en état les prairies retournées, fait une application rétroactive et donc illégale de son arrêté du 30 janvier 2014 prescrivant une autorisation administrative préalable pour les travaux de retournement de prairies dans les sites Natura 2000 du département, dès lors que ces travaux avaient été réalisés avant le 30 janvier. Toutefois, par la seule production de témoignages succincts et stéréotypés, qui se bornent pour la plupart à mentionner la présence d'une ou deux pelleteuses entre le 20 et le 23 janvier 2014 sur les parcelles concernées, pour des travaux de nivellement du sol, le GAEC n'établit pas qu'il aurait engagé les travaux litigieux avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 30 janvier 2014. Il résulte, en tout état de cause, de l'instruction que ces travaux n'étaient pas achevés lorsqu'ils ont été constatés par deux agents de l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage les 21 février et 28 avril 2014. Par suite, le préfet de Maine-et-Loire n'a, en prenant l'arrêté du 23 juin 2014 critiqué, pas fait une application rétroactive illégale de l'arrêté du 30 janvier 2014.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 5 septembre 2014 liquidant l'astreinte prévue à l'article 4 de l'arrêté du 23 juin 2014 :
5. Le GAEC Boireau Frères soutient qu'il a réalisé les travaux prescrits par l'arrêté du 23 juin 2014, à savoir la destruction des cultures et la remise en état du sol avant semis, entre le 21 juillet et le 25 août 2014, de sorte que le préfet de Maine-et-Loire ne pouvait légalement, en application de l'article 4 de l'arrêté du 23 juin 2014, liquider une astreinte pour cette même période. Toutefois, aucun élément tangible de nature à étayer les affirmations du GAEC ne ressort du rapport d'huissier établi le 28 octobre 2014 à sa demande, dont la plupart des photos font apparaître des terres encore occupées par des pieds de céréales. En tout état de cause, ce constat ne permet pas d'établir que les travaux préparatoires aux semis auraient été effectués, ainsi que cela avait été prescrit par le préfet, entre le 21 juillet et le 25 août 2014. Par suite, et en l'absence de tout autre élément de preuve, le GAEC n'établit pas l'erreur de fait dont serait entaché l'arrêté du 5 septembre 2014 sur le fondement duquel a été émis le titre de perception contesté du 29 septembre 2014.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les deux titres de perception contestés ne sont pas dépourvus de base légale et que, par voie de conséquence, le GAEC Boireau Frères n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à leur annulation.
Sur les frais de l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au GAEC Boireau Frères la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GAEC Boireau Frères est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Boireau Frères et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2019.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01431