Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2016, Mme D...E..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés précités des 1er juillet 2014 et du 5 mai 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer, le tribunal ne s'étant pas prononcé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il est illégal du fait de l'illégalité de la décision portant refus d'admission provisoire au séjour du 1er juillet 2014 ; en effet cette décision est entachée d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation et est motivée de façon stéréotypée ; elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été informée de ses droits et obligations ni des conséquences de son placement sous le régime de la procédure prioritaire ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 741-4 du même code ;
- le préfet a entaché son arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle résidait en effet sur le territoire français depuis quatre ans à la date de l'arrêté contesté ; son fils est né le 6 avril 2015 à Rennes ; elle a entrepris plusieurs démarches pour apprendre le français ; sur le plan professionnel, elle s'est investie dans le bénévolat ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant la Géorgie comme pays de renvoi est entachée d'un défaut d'examen d'ensemble de sa situation ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant Mme E....
1. Considérant que MmeE..., ressortissante géorgienne née le 21 février 1978, a sollicité le bénéfice de l'asile le 29 février 2012 ; que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 31 décembre 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 décembre 2013, a rejeté sa demande ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine, saisi par elle d'une nouvelle demande d'asile, a, par une décision du 1er juillet 2014, refusé de l'admettre au séjour et l'a placée en procédure prioritaire, puis, par un arrêté du 5 mai 2015, a rejeté la nouvelle demande de titre de séjour qu'elle avait présentée au titre de la vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité et de se présenter une fois par semaine aux services de la direction de la police de l'air et des frontières ; que Mme E...relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er juillet 2014 et de l'arrêté du 5 mai 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, Mme E... soutenait notamment que le préfet d'Ille-et-Vilaine avait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il faisait obligation de quitter le territoire français ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché sur ce point son jugement d'une omission à statuer ; qu'il y a lieu, par suite d'annuler ce jugement dans cette mesure et de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par Mme E... dirigées contre la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français et, par la voie de l'effet dévolutif, sur ses autres conclusions ;
Sur la légalité des décisions contestées :
3. Considérant, en premier lieu, que Mme E..., entrée irrégulièrement en France le 29 mai 2011, soutient qu'elle est, sur le plan personnel et professionnel, parfaitement intégrée en France en soulignant qu'elle s'exprime en langue française et s'est beaucoup investie dans des activités de bénévolat ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que sa fille, âgée de 16 ans et de nationalité géorgienne, vit en Géorgie, que son plus jeune fils, né le 6 avril 2015 à Rennes qui vit avec elle, n'a pas été reconnu par son père qui demeure en France et qu'elle n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de MmeE..., le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a, en prenant l'arrêté contesté du 5 mai 2015 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, en prenant cette décision, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas, pour les mêmes motifs, entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, en conséquence, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine, pour les mêmes motifs, n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeE... ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui après avoir rappelé la teneur des décisions prises par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, a estimé que Mme E...n'apportait pas d'élément d'information nouveau quant à sa situation personnelle, n'aurait pas procédé à un examen précis et circonstancié de cette situation avant de fixer la Géorgie comme pays de destination ; que la requérante n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'élément de nature à démontrer qu'en cas de retour en Géorgie elle encourrait un risque personnel la concernant en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, pour le surplus, que Mme D...E...se borne à invoquer devant le juge d'appel, à l'encontre du seul arrêté du 5 mai 2015 et sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges, et tirés de ce que la décision portant refus d'admission au séjour du 1er juillet 2014 est suffisamment motivée, n'est entachée d'aucun défaut d'examen de la situation personnelle et familiale de Mme E...et ne méconnait pas les dispositions des articles L. 741-4 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que l'arrêté contesté du 5 mai 2015 est suffisamment motivé, ne révèle aucun défaut d'examen de la situation individuelle et familiale de l'intéressée, n'est contraire ni aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni à celles de l'article L.313-14 du même code, enfin de ce que le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté contesté en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour du 1er juillet 2014 ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que les conclusions présentées par Mme E...devant le tribunal administratif dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées et, d'autre part, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 1er juillet 2014 refusant son admission provisoire au séjour et contre l'arrêté du 5 mai 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il porte refus de titre de séjour et fixe son pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les requête et demande de Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1500079, 1504156 du 3 décembre 2015 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par Mme E...dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif de Rennes dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. Coiffet, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 décembre 2016
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT01095