Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mai et 22 novembre 2016, M. A... D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en tant qu'elle a limité à 50 000 euros le montant de la provision que l'Etat a été condamné à lui verser ;
2°) de condamner l'Etat (ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt) à lui verser, à titre de provision, la somme de 109 522,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2013, date de réception de sa demande par l'administration ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ; le juge des référés s'est borné à relever " la complexité des modalités de détermination des différents préjudices indemnisables " et cette motivation ne permet pas de savoir en quoi ses calculs établis par lui ne seraient pas incontestables ;
- l'existence de l'obligation qui pèse sur le l'Etat n'est pas sérieusement contestable ;
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a limité à 50 000 euros le montant de la provision qu'il a condamné l'Etat à lui verser ; il a été conduit à procéder, lui-même, à un chiffrage de son préjudice, chiffrage établi selon les modalités de calcul des organismes de retraite CARSAT (Caisse de retraite et de la santé au travail) et IRCANTEC ; il a dûment justifié du caractère non sérieusement contestable de sa créance à hauteur de 109 522,50 euros ;
- plusieurs juges des référés ont intégralement fait droit aux demandes dont ils étaient saisis en raison du caractère non sérieusement contestable de la créance des intéressés, qui avaient chiffré leur préjudice au regard des mêmes modalités de calcul.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par M. D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime
- la loi n°89-412 du 22 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant qu'au cours de sa carrière de vétérinaire libéral, M. D...a été, pour la période courant de 1980 à 1989, titulaire d'un mandat sanitaire qui l'a conduit à remplir des missions de santé publique sous l'autorité des services de l'Etat, au sens de l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime ; qu'au titre de ces missions, il a perçu de l'Etat des rémunérations qui n'ont pas donné lieu à cotisations aux régimes de retraites gérés par la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et qui, par suite, n'ont pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à la retraite, qu'il a fait valoir à compter du 1er juillet 2013 ; que, par un courrier du 25 novembre 2013, M. D...a saisi l'administration d'une demande d'indemnisation des préjudices ainsi subis ; que, par une lettre du 22 avril 2014 l'administration, qui a reconnu le principe de l'indemnisation, lui a communiqué une proposition d'assiette des cotisations en litige ; que M. D...a donné son accord à cette proposition le 28 avril 2014, permettant ainsi à l'administration de saisir, en son nom, la CARSAT et l'IRCANTEC du calcul des sommes dues ; que, n'ayant cependant perçu aucune indemnité, il a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une provision de 109 522,50 euros à valoir sur le montant des arriérés de cotisations sociales et du différentiel de pensions lui étant dus ; que M. D...relève appel de l'ordonnance du 25 avril 2016 du juge des référés de cette juridiction en tant qu'elle a limité à 50 000 euros, tous intérêts compris, le montant de la provision qu'il a condamné l'Etat à lui verser ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que, dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que, dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision le cas échéant assortie d'une garantie que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant ;
3. Considérant que le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M.D..., qui constitue la créance dont il peut se prévaloir à l'encontre de l'Etat, correspond, d'une part, à son droit au remboursement du montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter au lieu et place de l'Etat, son employeur, pour la période litigieuse, tant auprès du régime général de retraite que de l'IRCANTEC et, d'autre part, au montant du différentiel de pensions échues pour le régime général et pour le régime complémentaire de retraite ;
4. Considérant que pour procéder au chiffrage de son préjudice devant le premier juge, M. D...s'est appuyé sur la proposition d'assiette des cotisations en litige faite par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt le 22 avril 2014, évoquée au point 1, et sur des tableaux récapitulatifs établis par ses soins qui tiennent compte des salaires réellement perçus, dans la limite des plafonds de sécurité sociale en vigueur, des taux de cotisations, des coefficients de revalorisation et d'actualisation ; qu'il a déterminé le préjudice qu'il invoque, né de l'absence de versement des pensions par la CARSAT au regard du montant de ses salaires de base, de la moyenne de ses meilleures années de cotisations, du nombre de trimestres de cotisations au régime général de la sécurité sociale, soit 36, et du taux de 50 % ; que les cotisations IRCANTEC ont quant à elles été déterminées au vu des montants des tranches de cotisations dues par l'intéressé et l'employeur ; que les pensions de retraite dont l'intéressé a été privé sont chiffrées compte tenu des montants des cotisations théoriques, du nombre de " points retraite " en résultant, de la majoration pour service militaire et de la valeur du point ; que ces modalités de calcul, qui ne reposent pas sur les données fournies par la CARSAT ou l'IRCANTEC, ne peuvent être regardées comme suffisantes pour déterminer avec certitude le montant total de l'indemnisation à laquelle pourrait prétendre M.D... ; que, par suite, en retenant, notamment, la complexité des modalités de détermination des différents préjudices indemnisables pour arrêter à 50 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat à titre provisionnel, le juge des référés de première instance n'a, en l'état de l'instruction, pas fait une insuffisante évaluation de la part suffisamment certaine de la créance de M.D... ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a limité à la somme de 50 000 euros intérêts compris la provision mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice subi par lui ; que, par suite, les conclusions présentées par lui au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à M. A...D....
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 décembre 2016.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01516