Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 septembre 2016, M. A...E...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 septembre 2016 ;
2°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables en termes de santé ;
- il soulève plusieurs moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ainsi que des décisions contestées ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; en effet l'avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) de Bretagne ne comporte pas l'ensemble des mentions prévues à l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, le préfet n'a pas procédé à un examen complet et approfondi de sa situation personnelle, il a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 et les 4° et 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il souffre d'une maladie génétique grave pour laquelle il a obtenu plusieurs titres de séjour délivrés après avis favorable du médecin de l'ARS de Guadeloupe ; son état nécessite, en cas de crise et en urgence, une prise en charge médicale adaptée que ne peut offrir son pays d'origine ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte l'éloignement et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. B...par une décision du 4 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de MeC..., représentant M.B....
1. Considérant que M. A...E...B..., ressortissant haïtien né le 7 septembre 1988, est entré en 2003 en France (département de la Guadeloupe) accompagné de sa mère et s'est vu délivrer depuis 2008 plusieurs titres de séjour pour raison de santé ; qu'il s'est rendu en octobre 2015 en France métropolitaine avec son frère Willy né le 13 janvier 1991 à Abymes (Guadeloupe), de nationalité française, pour y rejoindre leur frère ainé ; qu'il a le 10 mars 2015 sollicité du préfet du Morbihan le renouvellement de son titre de séjour pour raison de santé ainsi que la délivrance d'une carte de résident ; qu'ayant déménagé à Chartres de Bretagne, il a renouvelé sa demande auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine ; que, par un arrêté du 6 juin 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français, fixant Haïti comme pays de renvoi, et obligation de se présenter une fois par semaine aux services de la gendarmerie de Bruz ; que, par un second arrêté pris par la même autorité le 5 septembre 2016, M. B...a fait l'objet d'une assignation à résidence pour une durée de 45 jours avec obligation de se présenter trois fois par semaine aux services de la gendarmerie de Bruz ; que M. B...a contesté devant le tribunal administratif de Rennes la légalité de ces deux arrêtés ; que, par un jugement du 12 septembre 2016, le juge délégué de cette juridiction, après avoir renvoyé à une formation collégiale les conclusions de l'intéressé dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour, a rejeté a ses autres demandes ; que M. B... demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin de sursis :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. " ;
3. Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;
4. Considérant que, pour refuser le titre de séjour sollicité par M.B..., le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur l'avis rendu par le médecin de l'ARS de Bretagne le 18 février 2016, qui indique " que la pathologie dont souffre l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et que l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine " ;
5. Considérant que M. B...souffre d'une maladie génétique grave, la drépanocytose, dont les manifestations fréquentes se traduisent par des douleurs particulièrement aigües chez le patient adulte imposant son hospitalisation ; que selon le guide établi par la haute autorité de santé, " cette maladie se manifeste par l'apparition soudaine de douleurs articulaires ou osseuses très intenses dépassant les capacités d'endurance des patients et les possibilités disponibles en ville " ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'intéressé est sujet plusieurs fois par an à des crises aigues nécessitant son hospitalisation en urgence et un traitement adapté ; qu'il ressort également d'un article publié le 19 juin 2015 qu'à cette date les autorités haïtiennes n'avaient pris aucune mesure pour la prise en charge de cette maladie, encore largement méconnue en Haïti ; que l'ambassade de France en Haïti a elle-même indiqué que " l'offre de soins médicaux est faible à Port-au-Prince et quasi inexistante dans le reste du pays. La médecine d'urgence y est particulièrement déficiente. L'accès aux soins est d'autant plus compliqué que l'état des routes et du trafic rendent difficile tout déplacement " ; que l'ensemble de ces éléments est de nature à remettre sérieusement en cause l'appréciation portée par le préfet d'Ille-et-Vilaine sur la base de l'avis rendu le 18 février 2016 par le médecin de l'ARS de Bretagne ; qu'il s'ensuit que l'exécution du jugement attaqué risquerait d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour l'état de santé du requérant et que les moyens dirigés contre la décision d'éloignement tirés d'une part, par voie d'exception, de la méconnaissance par la décision portant refus de titre de séjour des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de la méconnaissance pour le même motif des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, l'annulation des décisions contestées ;
6. Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du 12 septembre 2016 du tribunal administratif de Rennes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que les conclusions à fin d'injonction présentées, sur le fondement des dispositions de l'article L.911-1 du code de justice administrative, à l'appui d'une demande tendant au sursis à exécution d'un jugement ne sont, dès lors que l'octroi du sursis n'a qu'une portée provisoire et ne saurait préjuger de la solution apportée au litige par le juge du fond, pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...de la somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué par la cour sur la requête au fond présentée par M. B... sous le n°16NT03234, il sera sursis à l'exécution du jugement n° 1603970 du 12 septembre 2016 du magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B...la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. Coiffet, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 décembre 2016
Le rapporteur,
O.CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03238