Par un jugement n° 1301371 du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a condamné la communauté urbaine Le Mans Métropole à verser à M. B...la somme de 4 921,28 euros en réparation de ses préjudices et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Sarthe la somme de 11 025,93 euros au titre de ses débours ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité de frais de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2017 la communauté urbaine Le Mans Métropole, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Nantes des 1er décembre 2015 et 13 décembre 2016 ;
2°) de rejeter les prétentions indemnitaires de M. B...ou, à tout le moins, de les réduire à de plus justes proportions ;
2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage ne peut être retenue ; la passerelle n'est pas dangereuse en elle-même ; elle a été réalisée en 2007 avec un matériau normalisé résistant aux intempéries et les lames de bois sont rainurées afin de prévenir tout phénomène de glissance ; son aspect propre et l'absence d'autres accidents démontrent son entretien normal ;
- le caractère glissant de la passerelle ne résulte que de la présence de givre, qui ne peut être assimilée à un danger excédant ceux contre lesquels il appartient aux usagers de se prémunir en faisant preuve de vigilance ;
- l'accident est entièrement imputable au manque de vigilance de la victime qui connaissait les lieux et qui aurait dû faire preuve de prudence compte tenu des conditions météorologiques ; cette faute est de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité ;
- les prétentions indemnitaires de la victime ne sont pas justifiées et les sommes accordées par le tribunal administratif de Nantes sont excessives.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2017 M.B..., représenté par MeG..., conclut :
1°) au rejet de la requête de la communauté urbaine Le Mans Métropole ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation des deux jugements attaqués en tant que le premier a retenu une faute de la victime et le second n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires ;
3°) de condamner la communauté urbaine Le Mans Métropole à lui verser la somme totale de 49 020,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 février 2013 et de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Le Mans Métropole la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais d'expertise.
Il soutient que :
- les premiers juges ont, à juste titre, estimé que le défaut d'entretien normal et le lien de causalité avec l'ouvrage public n'étaient pas contestables ;
- le revêtement du passage en bois était particulièrement glissant, le matériau utilisé n'étant pas antidérapant, et représentait ainsi un risque excédant ceux auxquels doivent s'attendre les usagers ; la communauté urbaine Le Mans Métropole n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la passerelle est construite dans un matériau choisi pour sa résistance aux intempéries et qu'elle est bien entretenue ; l'absence de mousses ou de moisissures sur l'ouvrage n'exclut pas qu'il puisse être glissant ; l'installation de bandes rugueuses suite à l'accident démontre que la passerelle pouvait être glissante ;
- sa chute a pour origine exclusive le caractère particulièrement glissant du revêtement de sol de l'ouvrage public et non la présence de givre sur celui-ci ; il n'a commis aucune faute et n'a pas été négligent ;
- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, les dépenses de santé restées à sa charge s'élèvent à 48,20 euros pour les dépenses relatives au plâtre et à l'attelle et à 200 euros pour les participations forfaitaires et franchises ; les frais d'assistance par une tierce personne s'élèvent à 1 495 euros ; il a subi des pertes de primes d'intéressement et d'abondement au titre des années 2010, 2011 et 2012 qui s'élèvent à 2 567 euros ;
- au titre des préjudices patrimoniaux permanents, il a subi une minoration du montant de sa pension de retraite lors de son départ à la retraite en raison des arrêts de travail consécutifs à son accident et sollicite le versement de la somme de 27 308,51 euros à ce titre ;
- au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, il a subi un déficit fonctionnel temporaire qui s'élève à 2 802 euros ; il a enduré des souffrances physiques et morales évaluées à 2,5 sur 7 par l'expert et sollicite à ce titre une indemnisation à hauteur de 4 000 euros ; il a subi un préjudice esthétique du fait du port de son plâtre qui a été estimé à 1 sur 7 par l'expert et demande le versement de la somme de 1 000 euros à ce titre ;
- au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents, il subit un déficit fonctionnel permanent que l'expert évalue à 8% et sollicite à ce titre le versement de la somme de 9 600 euros.
Par des mémoires enregistrés les 19 décembre 2017 et 8 mars 2018 la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, agissant par délégation pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, représentée par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête de la communauté urbaine Le Mans Métropole ;
2°) à ce que la somme que la communauté urbaine Le Mans Métropole doit être, dans l'hypothèse où la cour retiendrait sa responsabilité totale, condamnée à lui verser soit portée à 15 292,45 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2014 ;
3°) à ce que la somme de 1 047 euros que la communauté urbaine Le Mans Métropole a été condamnée à lui verser au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion soit portée à 1 066 euros ;
4°) à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine Le Mans Métropole la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre le dommage subi par M. B...et l'ouvrage public constitué par la passerelle est établi ;
- la passerelle présentait un caractère anormalement glissant le jour de l'accident ; aucune signalisation attirant l'attention sur ce danger n'était apposée ; ce n'est qu'à la suite de l'accident que des bandes rugueuses ont été installées ; d'autres usagers sont tombés dans les mêmes circonstances ; ce défaut d'aménagement a contribué à créer pour les usagers une situation d'anormalité excédant les risques ordinaires que comporte la fréquentation de l'espace urbain ;
- elle s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'existence d'une faute de la victime de nature à exonérer la communauté urbaine de sa responsabilité ;
- les débours définitifs actualisés le 8 novembre 2017 s'élèvent à 15 292,45 euros ;
- elle a droit au versement de la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de sécurité sociale ;
- l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrot,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 novembre 2010, alors qu'il empruntait le passage en bois situé à proximité de la place de l'Eglise à Sargé-lès-Le Mans (Sarthe), M. B... a été victime d'une chute. Imputant son accident à une faute de la collectivité publique, il a saisi le tribunal administratif de Nantes le 18 février 2013 en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
2. Par un jugement du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a déclaré la communauté urbaine Le Mans Métropole, compétente en matière de création, d'aménagement et d'entretien de la voirie pour les communes qu'elle regroupe, responsable à hauteur de 40% des dommages subis par M.B..., et a ordonné avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer l'étendue de ses préjudices. Par un jugement du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a condamné la communauté urbaine Le Mans Métropole à verser à M. B... la somme de 4 921,28 euros et à la CPAM de la Sarthe la somme de 11 025,93 euros en remboursement des prestations sociales versées à son assuré ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. La communauté urbaine Le Mans Métropole relève appel de ces deux jugements. Par la voie de l'appel incident, M. B...demande l'indemnisation de son entier préjudice. La CPAM de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 047 euros versée au titre de ses frais de gestion soit portée à 1 066 euros.
Sur la responsabilité de la communauté urbaine Le Mans Métropole :
3. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, l'usager de cet ouvrage doit démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de son dommage, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure.
4. M.B..., qui avait la qualité d'usager de l'ouvrage public constitué par le passage en bois situé sur la voirie publique à proximité de la place de l'Eglise à Sargé-lès-Le Mans, a soutenu que sa chute avait pour origine le caractère anormalement glissant du revêtement de cet ouvrage. Il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des déclarations d'un témoin direct, que c'est en raison du givre qui la recouvrait que la passerelle en litige était glissante le jour de l'accident. Il résulte également des stipulations du cahier des clauses techniques particulières produit en appel par le maître d'ouvrage et relatif au marché de travaux publics passé pour la réalisation de l'ouvrage que les lames de bois de type " Ipé " rainurées constituant cet ouvrage sont conçues et normalisées pour ne pas présenter un caractère anormalement glissant par temps humide ou froid. Il ressort par ailleurs des photographies et des attestations produites par la communauté urbaine Le Mans Métropole que l'ouvrage ne présentait ni défectuosité ni vétusté ni mousses et qu'aucun autre accident n'y a été signalé depuis son installation dix ans plus tôt. Dans ces circonstances, et alors que la présence de givre constituait, le jour de l'accident, un risque qui n'excédait pas ceux contre lesquels les usagers de la voie publique sont tenus de se prémunir, la communauté urbaine Le Mans Métropole doit en l'espèce être regardée comme apportant la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par les deux jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a retenu la responsabilité de la communauté urbaine Le Mans Métropole et l'a condamnée à indemniser M. B...et la CPAM de la Sarthe. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident présentées par M. B...et par la CPAM de la Sarthe ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive de M. B... les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 539,40 euros.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...et de la CPAM de la Sarthe la somme que demande la communauté urbaine Le Mans Métropole au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que soit mise à la charge de cette collectivité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent M. B...et la CPAM de la Sarthe au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1301371 du 1er décembre 2015 et du 13 décembre 2016 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : La demande et les conclusions présentées par M. B...et par la CPAM de la Sarthe devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées par eux devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 539,40 euros sont mis à la charge de M.B....
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine Le Mans Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique et à la communauté urbaine Le Mans Métropole.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.
Le président rapporteur
I. Perrot
Le président assesseur
O. Coiffet
Le greffier
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00517