Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018 le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 30 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que, compte tenu du caractère dilatoire de la demande d'asile présentée par l'intéressé, confirmé par l'absence de poursuite des démarches liées à cette demande, il était fondé à prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
La requête n'a pas pu être communiquée à M. A..., dont l'adresse est inconnue.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 30 mai 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 7 avril 2018 obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée d'un an et ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quarante-huit heures.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. (...) / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que les services de police doivent orienter l'étranger présentant une demande d'asile devant eux vers le préfet compétent et que celui-ci, hors les cas limitativement énumérés par le code, est tenu d'enregistrer cette demande et de délivrer une attestation de demande d'asile. L'étranger dispose dans ce cas d'un droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande.
5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, le 7 avril 2018 à 13h55, avant l'édiction de l'arrêté litigieux, M. A... a indiqué qu'il craignait pour sa vie en Turquie et qu'il souhaitait demander l'asile en France ; que, par suite, M. A... doit être regardé comme ayant demandé, dès son interpellation, et avant l'édiction de la mesure d'éloignement en litige, à bénéficier de l'asile. Il est constant que le préfet du Pas-de-Calais n'a ni enregistré ni examiné cette demande. Au demeurant, le préfet ne peut utilement faire valoir que cette première demande présentait un caractère purement dilatoire dès lors que ce motif, s'il était substitué à celui retenu, priverait l'intéressé d'une garantie. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'entre pas dans le champ des 5° et 6° de l'article L. 742-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait légalement prendre à l'encontre de M. A... une décision l'obligeant à quitter le territoire français. La circonstance qu'aucune demande d'asile n'aurait par la suite été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est, à cet égard, sans incidence dès lors que, pendant son audition, l'intéressé avait déclaré expressément vouloir présenter une demande d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 7 avril 2018.
D E C I D E
Article 1er : La requête du le préfet du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019
Le rapporteur
O. Coiffet
Le président
I. Perrot
Le greffier
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT026622