Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 octobre 2019 et 10 avril 2020 la commune de Pipriac, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes du 22 août 2019 ;
2°) de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 4 872 euros au titre des frais d'expertise privée et la somme de 56 677 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2019 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 11 855,10 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire ;
4°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable car il a été répondu à la demande de régularisation formulée par le greffe et elle a bien présenté à la société Enedis une demande préalable ;
- compte tenu de la nature du litige et des intérêts en jeu, c'est la cour administrative d'appel qui est compétente en dépit du fait que l'ordonnance attaquée a été prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- le sinistre est exclusivement imputable à l'ouvrage public constitué par la ligne électrique placée sous la responsabilité de la société Enedis, ainsi que cela ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif ;
- les dommages qu'elle a subis ont été évalués, contradictoirement entre les experts respectifs, à la somme totale de 55 876 euros, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 4 872 euros au titres des honoraires des experts qu'elle a missionnés ;
- elle a droit au remboursement des frais et honoraires de l'expertise judiciaire taxés à la somme de 11 855,10 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 décembre 2019 et 19 mai 2020 la société Enedis, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, au renvoi du jugement de l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes ou à ce que le montant des dommages et intérêts soit ramené à de plus justes proportions et, enfin, à ce que soit mise à la charge de la commune de Pipriac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'ordonnance en cause, prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, est une décision insusceptible d'appel en application des dispositions de l'article R. 811-1 de ce code ;
- la demande présentée par la commune de Pipriac devant le tribunal administratif de Rennes était manifestement irrecevable dès lors que le courrier du 3 janvier 2019 ne saurait constituer une demande préalable au sens des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- dans l'hypothèse où la demande de première instance serait jugée recevable, la cour ne pourrait que renvoyer le dossier à l'examen de la juridiction de première instance ;
- les moyens invoqués au fond par la commune de Pipriac ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant la commune de Pipriac, et de Me D..., représentant la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. Un incendie s'est déclaré le 16 janvier 2017 dans un bâtiment appartenant à la commune de Pipriac situé 2 place de la Libération. Estimant que l'incendie, qui a pris naissance dans la toiture du bâtiment, trouvait son origine dans un dysfonctionnement de la ligne électrique aérienne de la société Enedis qui passe le long de la façade de l'édifice, et faute d'accord amiable, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes qui a, par une ordonnance du 25 septembre 2017, désigné un expert technique en incendie et électricité, lequel a remis son rapport le 10 septembre 2018. La commune a saisi le tribunal administratif de Rennes d'un recours indemnitaire le 6 mars 2019, recours rejeté par une ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif du 22 août 2019, prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1, au motif que la demande était manifestement irrecevable, faute de régularisation par la production d'une copie de la demande préalable d'indemnisation adressée à Enedis. La commune de Pipriac relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance contestée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque (...) elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Aux termes de l'article R. 412-1 de ce code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".
5. Pour rejeter la demande indemnitaire présentée par la commune de Pipriac comme manifestement irrecevable, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de production, dans le délai imparti par la demande de régularisation adressée par le greffe du tribunal, de la décision attaquée ou de la date de dépôt de la demande préalable demeurée sans réponse.
6. Il est constant qu'en réponse à la demande de régularisation adressée par le greffe du tribunal le 2 avril 2019, la commune s'est bornée à faire un renvoi au courrier du 3 janvier 2019 qu'elle avait produit à l'appui de sa demande introductive d'instance et dont elle précisait qu'il n'avait pas reçu de réponse. Or ce courrier, alors même qu'il avait été adressé à la société Enedis par lettre recommandée avec accusé de réception, ne constituait en l'état qu'un courrier d'accompagnement succinct renvoyant, s'agissant des motifs de la réclamation préalable et des conclusions chiffrées, à un " projet " de requête annoncé en annexe mais que la commune n'a en réalité produit ni spontanément lors de l'introduction de son recours, ni en réponse à la demande de régularisation qui lui a été adressée. Par suite, c'est à bon droit que le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes, faute de pouvoir s'assurer que le contentieux avait été effectivement lié, a estimé qu'aucune demande préalable conforme aux prescriptions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'avait été présentée par la commune requérante et a rejeté pour ce motif la demande présentée par cette dernière comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
7. Par ailleurs, lorsque l'auteur d'un recours n'a pas produit en première instance la décision attaquée ou la pièce justifiant de la date de dépôt d'une réclamation, alors qu'il a été mis à même de le faire par une invitation à régulariser adressée par le tribunal administratif, il n'est pas recevable à produire ces justifications pour la première fois en appel. Par suite, la production devant la cour du courrier du 3 janvier 2019 accompagné de son annexe n'est en tout état de cause pas de nature à régulariser la demande de première instance de la commune de Pipriac.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Enedis, que la commune de Pipriac n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande au motif qu'elle était manifestement irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Enedis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Pipriac la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande présentée par la société Enedis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Pipriac est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pipriac et à la société Enedis.
Délibéré après l'audience du 18 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2021.
Le rapporteur
M. C...Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT04095