Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 novembre et 19 décembre 2018 M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 27 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 11 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ;
- le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 et les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, estimer qu'il n'avait pas vocation à s'installer durablement en France en raison de la nature des titres de séjour qui lui ont été délivrés ;
- le refus de titre de séjour contesté a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2018 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant togolais, est entré en France le 11 octobre 2011. Il a obtenu à partir de 2013 un titre de séjour en raison de son état de santé qui a été renouvelé jusqu'au 28 août 2017. Par un arrêté du 27 février 2018, le préfet du Finistère a rejeté sa dernière demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. B...soutient, pour la première fois en appel, que l'arrêté contesté a méconnu ces stipulations.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...entretient depuis 2012 une relation avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié le 11 mai 2013. S'il a divorcé le 11 août 2016, il ressort également du dossier qu'il a renoué avec son ancienne épouse une relation de couple au plus tard en décembre 2017, avant l'intervention de l'arrêté contesté, et s'est d'ailleurs remarié le 30 août 2018. M. B...produit plusieurs témoignages circonstanciés, dont ceux des enfants de sa femme, qui attestent de sa bonne insertion sociale et du rôle important et positif qu'il joue auprès de son épouse, qui souffre de handicap, et des enfants et petits-enfants de celle-ci. Il est par ailleurs constant que M. B...a exercé depuis mars 2014, pratiquement sans interruption, une activité professionnelle lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et, qu'à la date de l'arrêté contesté, il bénéficiait d'une formation professionnelle en qualité d'ouvrier agricole dans un secteur lui ouvrant de nombreuses possibilités d'embauche. Dans ces conditions, eu égard à l'intensité des liens privés et familiaux en France de l'intéressé et à son excellente insertion professionnelle et sociale, l'arrêté contesté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive. Cet arrêté a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit, pour ce motif, être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du préfet du Finistère.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet du Finistère délivre à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'adresser au préfet du Finistère une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801410 du tribunal administratif de Rennes en date du 27 juin 2018 et l'arrêté contesté du préfet du Finistère du 27 février 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M.B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à MeD..., conseil de M. B..., la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur,
E. Berthon Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04201