Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2019, le préfet d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a considéré que la décision portant refus de titre de séjour était entachée d'une erreur d'appréciation ;
- son arrêté ne méconnaît pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée le 21 janvier 2020 à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet d'Indre-et-Loire relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 2 août 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination pris à l'encontre de Mme A..., ressortissante camerounaise.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Pour annuler la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur l'erreur d'appréciation dont est entaché l'arrête contesté dès lors que le préfet d'Indre-et-Loire n'a produit aucun document plus récent que celui produit par Mme A... susceptible de démontrer que celle-ci pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi auquel il pourrait avoir effectivement accès.
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Par un avis rendu le 20 juin 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Cameroun, l'intéressée peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Si Mme A..., qui souffre de diabète insulino-dépendant, a fait valoir en première instance qu'elle ne pourra pas bénéficier du traitement médicamenteux qui lui est prescrit en France, elle n'établit pas une indisponibilité généralisée des médicaments antidiabétiques au Cameroun en se bornant à produire un rapport de l'organisation mondiale de la santé (OMS) qui fait état de carences dans les établissements de santé primaire publics, mais n'exclut en revanche pas que de tels traitements soient disponibles dans des établissements spécialisés ou relevant du secteur privé. En outre, le certificat médical produit en première instance, qui a été établi le 28 octobre 2019 par un médecin camerounais qui atteste avoir examiné Mme A..., alors qu'à cette date cette dernière résidait sur le territoire français, est dépourvu de caractère probant. De tels éléments ne suffisent pas à mettre en doute la pertinence de l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII du 20 juin 2019. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision portant refus de titre de séjour au motif que le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, par un arrêté du 13 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Indre-et-Loire a donné à Mme Agnès Rebuffel-Pinault, secrétaire générale de la préfecture d'Indre-et-Loire, délégation à l'effet de signer les arrêtés pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, délégation dont le champ était ainsi suffisamment précisé. A supposer même que l'arrêté contesté doive être regardé comme étant revêtu d'un simple paraphe, et non d'une signature, celui-ci, apposé au-dessus de l'indication du nom de son auteur, permettait ainsi de l'identifier sans difficulté. Par suite moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté comme manquant en fait.
9. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fonde et est, par suite, suffisamment motivée.
10. En troisième lieu, en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, par les dispositions de l'article L. 313-11 du même code auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que Mme A... ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au titre de son état de santé. Le préfet d'Indre-et-Loire n'était, par suite, pas tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour.
11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour sur le fondement de son état de santé, le préfet d'Indre-et-Loire se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII, qu'il n'était pas tenu de joindre à sa décision.
12. En cinquième lieu, Mme A..., qui n'établit pas avoir déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions, ni de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :
13. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire se serait cru en situation de compétence liée pour prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français après avoir refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A....
14. En deuxième lieu, la requérante ne peut, faute d'établir l'illégalité du refus de titre de séjour dont il fait l'objet, exciper de cette illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire qui lui est également faite.
15. En troisième lieu, Mme A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle serait exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Indre-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 2 août 2019, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans le délai de deux mois et, dans l'attente, de munir cette dernière d'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 décembre 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Une copie sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
M. C...
Le président,
C. Brisson
Le greffier,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT049932