3°) d'enjoindre au préfet du Calvados à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois en lui délivrant une autorisation de travailler le temps de l'instruction de la demande de titre de séjour dans un délai de 15 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille deux cents euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
. en ce qui concerne le refus de séjour :
- les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; les critères prévus par ces dispositions ne sont pas cumulatifs et de hiérarchie égale ; dans le cadre de l'application de ces dispositions, l'administration devait prendre en considération de façon globale et dans leur ensemble les critères prévus et non se borner à relever qu'il n'était pas dépourvu de liens familiaux au Sénégal ; en outre, les pièces produites confirment l'absence d'attaches familiales au Sénégal ; la mention " sous réserve " prévue dans les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile implique au contraire une hiérarchisation des critères à prendre en compte en vue d'une admission exceptionnelle au séjour ; seules les conditions tenant au suivi d'une formation professionnelle depuis six mois et l'âge de prise en charge par les services d'aide sociale à l'enfance sont prévues par le législateur ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour au motif que son identité ne pourrait être établie ; en application de l'article 47 du code civil, il appartient au préfet de faire les vérifications pour combattre la validité des actes d'état-civil établis par une autorité étrangère ; il produit un extrait d'acte de naissance, une carte d'identité, un passeport et un jugement supplétif légalisé par les autorités sénégalaises pour justifier son état-civil ; le préfet ne donne aucun élément permettant de contester l'authenticité de ces documents au seul motif que ses empreintes sont enregistrées sur le fichier Visabio ; le préfet n'a aucunement contesté l'authenticité des documents d'état civil qu'il a produits ; le tribunal administratif a ainsi admis qu'il justifiait de son état civil ; la décision doit être annulée pour cette seule erreur de fait ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il justifie du sérieux de ses études et d'une réelle intégration dans la société française ; il n'a plus aucune attache familiale au Sénégal puisqu'il a quitté son pays en raison de problèmes familiaux ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; il justifie d'une intégration dans la société française ; ses attaches familiales sont sur le territoire français où il entretient une relation amoureuse avec une ressortissante française ;
. en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision le prive également d'une chance sérieuse d'acquérir une qualification sanctionnée par un diplôme ; ses attaches personnelles et professionnelles sont en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2020, le préfet du Calvados conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à la minoration du montant réclamé au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Deux mémoires, présentés pour M. A... les 21 septembre 2020 et 24 septembre 2020, n'ont pas été communiqués.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né en octobre 2000, est entré en France en mars 2017 et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Le 14 février 2019, M. A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 27 août 2019, le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour de M. A..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 27 août 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui déclare être né en octobre 2000, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à compter du mois de mai 2017, soit à l'âge d'environ 16 ans et demi. Il a déposé une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en février 2019, à l'âge de 18 ans et quatre mois. A cette même date il justifiait être inscrit depuis le mois de septembre 2018 en classe de première professionnelle en vue de l'obtention du baccalauréat professionnel spécialité " gestion-administration ", formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Si le préfet intimé a soutenu que M. A... ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 313-15 du code et que la comparaison des empreintes digitales de l'intéressé avec la base de données Visabio avait révélé qu'il aurait déposé une demande de visa touristique auprès des autorités italiennes sous le nom de M. C... B... né en avril 2001, cette circonstance ne remet pas en cause le fait que l'intéressé, qui serait alors plus jeune, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre son seizième et son dix-huitième anniversaire et qu'il a déposé une demande de titre de séjour à l'approche de son dix-huitième anniversaire.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que depuis son entrée sur le territoire français, M. A... a suivi avec succès une année en seconde structurante industrielle au cours de l'année 2017-2018 avant d'être admis au cours de l'année 2018-2019 en première professionnelle spécialité gestion-administration avec des résultats honorables et d'obtenir en juin 2019 le brevet professionnel. Le caractère réel et sérieux de cette qualification suivie est également établi par sa réussite en première professionnelle, attestée par son admission en terminale professionnelle, pour l'année 2019-2020, suivant la décision contestée, admission ayant au demeurant conduit à l'obtention du baccalauréat professionnel à la session de juin 2020. Il ressort également des pièces produites et des éléments relatés dans l'arrêté contesté par le préfet du Calvados que la structure d'accueil de M. A..., France terre d'asile, a souligné, dans son rapport social du 13 février 2019, l'implication du jeune homme dans des associations et événements culturels à Caen, dans des activités professionnelles notamment en lien avec le spectacle, dans des activités sportives et dans le développement d'un réseau amical. Enfin, et alors que les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigent pas que l'intéressé soit isolé dans son pays d'origine, les rapports des éducateurs ayant accompagné M. A..., synthétisés dans l'avis de la structure d'accueil en février et et novembre 2019, attestent de la rupture des liens avec sa famille demeurée au Sénégal en raison notamment des " relations destructrices " avec son père, un de ses oncles maternels l'ayant, selon ses déclarations, aidé à quitter ce milieu familial. Il ressort également du courrier de M. A... qui accompagnait sa demande de titre de séjour et sur lequel se fonde le préfet que le seul lien entretenu par l'intéressé avec le reste de sa fratrie ne l'est qu'avec un de ses beaux-frères sur le territoire français.
6. Dans ces conditions, il résulte de tout ce qui précède que compte tenu du caractère réel et sérieux de la formation qualifiante suivie par M. A..., de la nature de ses liens avec sa famille demeurée au Sénégal et de l'avis de sa structure d'accueil sur son insertion dans la société française, il est fondé à soutenir que le préfet du Calvados a apprécié sa situation de manière manifestement erronée en refusant de lui délivrer une carte de séjour mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement contesté du tribunal administratif de Caen.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois de délivrer à M. A... une carte de séjour mention " salarié " en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement 1902393 du tribunal administratif de Caen du 13 décembre 2019 et les décisions du 27 août 2019 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire mention " salarié " en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 octobre 2020.
La rapporteure,
M. E...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00146