Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2014, le Gaec des Trois Forêts, représenté par Me Vielpeau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 avril 2014 ;
2°) d'annuler les décision et arrêté mentionnés ci-dessus ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la sanction litigieuse à 304,90 euros par hectare de terres exploitées irrégulièrement et, le cas échéant, de réduire cette sanction de manière significative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait fonder la sanction pécuniaire contestée sur la décision du 12 juin 2012 portant à son encontre refus d'autorisation d'exploiter les terres en litige, laquelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet le candidat concurrent n'était pas prioritaire et la propriétaire des terres refuse de lui donner ses terres à bail ;
- cette sanction, qui présente un caractère excessif, est elle-même entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la situation humaine et financière dans laquelle il se trouve.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du 4 octobre 2012 sont irrecevables dans la mesure où la décision de la commission des recours de la région Basse-Normandie s'est substituée à la décision préfectorale ;
- le Gaec ne peut exciper de l'illégalité de l'arrêté du 12 juin 2012 dès lors que la décision contestée n'est pas prise en application de cet arrêté, qui de surcroît est devenu définitif ;
- les moyens soulevés par le Gaec des Trois Forêts ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me Vielpeau, avocat du Gaec des Trois Forêts.
Une note en délibéré présentée par le Gaec des Trois Forêts a été enregistrée le 4 février 2016.
1. Considérant que, par une décision du 12 juin 2012, le préfet de l'Orne a refusé d'accorder au Gaec des Trois Forêts l'autorisation qu'il sollicitait en vue d'exploiter la parcelle cadastrée BW n° 229 d'une superficie de 8 hectares 89 ares et 23 centiares située sur le territoire de la commune de Domfront et appartenant à Mme C... ; que cette dernière, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, a refusé, pour des raisons personnelles et familiales, de donner cette parcelle à bail à M. A..., qui avait quant à lui obtenu l'autorisation préfectorale requise ; qu'en dépit du refus qui lui avait été ainsi opposé le 12 juin 2012, le Gaec des Trois Forêts a cultivé la parcelle litigieuse ; que le préfet de l'Orne a adressé le 18 juillet 2012 au Gaec une mise en demeure de cesser l'exploitation irrégulière de ces terres puis, par un arrêté du 4 octobre 2012, a prononcé à l'encontre du Gaec des Trois Forêts une sanction de 914,70 euros par hectare de terres exploité irrégulièrement, représentant un montant total de 8 131,68 euros ; que la commission régionale des recours du contrôle des structures agricoles de Basse-Normandie, saisie par le Gaec, a, le 10 avril 2013, confirmé la sanction pécuniaire prononcée par le préfet ; que le Gaec des Trois Forêts a sollicité l'annulation de ces deux décisions devant le tribunal administratif de Caen qui, par un jugement du 17 avril 2014, a rejeté sa demande ; que le Gaec des Trois Forêts relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 4 octobre 2012 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-8 du code rural et de la pêche maritime : " La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / Les recours devant cette commission sont suspensifs. Leur instruction est contradictoire. / La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction. Dans les deux premiers cas, la pénalité devient recouvrable dès notification de sa décision. / La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. " ; qu'en vertu de ces dispositions la décision du 10 avril 2013 de la commission régionale des recours de Basse-Normandie, qui a été saisie par le Gaec des Trois Forêts dans le cadre d'un recours préalable obligatoire, s'est substituée à l'arrêté préfectoral du 4 octobre 2012 ; que, par suite, ainsi que le soutient le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, les conclusions du Gaec dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Orne du 4 octobre 2012 sont, comme elles l'étaient en première instance, irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur la légalité de la décision du 10 avril 2013 de la commission régionale des recours de contrôle des structures agricoles de Basse-Normandie :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. / La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. / Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée. / Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire. / Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après, le cas échéant, application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6. / Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause. " ;
4. Considérant que si le Gaec des Trois Forêts a présenté le 7 août 2012 un recours gracieux dirigé contre l'arrêté du préfet de l'Orne du 12 juin 2012 portant refus d'autorisation d'exploiter les terres litigieuses, lequel comportait la mention des voies et délais de recours, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt soutient sans être contredit que le Gaec n'a pas contesté la décision du 25 septembre 2012 par laquelle le préfet de l'Orne a rejeté ce recours ; que, dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que l'arrêté du 12 juin 2012 du préfet de l'Orne est devenu définitif et que, par suite, le Gaec des Trois Forêts ne peut, en tout état de cause, pas exciper de l'illégalité de cet arrêté dans le cadre de la présente instance ;
5. Considérant qu'il est constant que le Gaec des Trois Forêts a poursuivi l'exploitation de la parcelle litigieuse en dépit des refus qui lui ont été opposés par le préfet de l'Orne les 11 avril 2008, 27 juillet 2009 et 12 juin 2012 et des mises en demeure qui lui ont été adressées par cette même autorité les 2 décembre 2010 et 18 juillet 2012 ; qu'une première sanction pécuniaire a été prononcée le 2 février 2011 par le préfet de l'Orne à l'encontre du Gaec sur la base de 304,90 euros par hectare irrégulièrement exploité, et que cette sanction a été en ce qui concerne son montant par hectare confirmée par la commission régionale des recours de Basse-Normandie le 22 décembre 2011 ; que la sanction en litige dans la présente instance, confirmée le 10 avril 2013 par la commission régionale des recours de Basse-Normandie, concerne la même parcelle dont est propriétaire Mme C... ; que si le Gaec fait valoir que cette dernière ne souhaite pas donner ces terres à bail à un autre exploitant, que la parcelle en cause resterait en friche s'il ne l'exploitait pas, qu'il paye régulièrement son loyer en vertu d'un bail rural, qu'il acquitte ses cotisations sociales à la mutualité sociale agricole et enfin que sa situation financière est déficitaire et que ses associés sont très affectés par la situation, ces éléments ne sont pas, eu égard au caractère répété et délibéré des manquements constatés, de nature à établir le caractère disproportionné de la sanction pécuniaire contestée ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Gaec des Trois Forêts n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au Gaec des Trois Forêts de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du Gaec des Trois Forêts est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Gaec des Trois Forêts et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
V. GélardLe président,
I. Perrot
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°14NT01592