Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2015, Mme C...B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 mars 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au Préfet de la Sarthe de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros en première instance et en appel sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté, en toutes ses décisions, a été signé par le secrétaire général qui disposait d'une délégation de signature générale ne lui donnant pas compétence pour signer les décisions contenues dans cet arrêté ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- dès lors qu'elle exerce une activité professionnelle en France, elle dispose d'un droit au séjour en application du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les conditions prévues par cet article ne sont pas cumulatives et le préfet n'établit pas qu'elle risquerait de devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle devait être placée dans la catégorie des ressortissants inactifs alors qu'elle justifie exercer une activité professionnelle ; la condition de ressources suffisantes ne peut donc pas lui être opposée ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle ;
- compte tenu de son insertion en France, où elle a conclu un contrat à durée indéterminée lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille, l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- l'arrêté méconnaît également pour les mêmes motifs l'article 3-1 de la Convention des droits de l'enfant compte tenu de la situation de son fils, scolarisé en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle remplit les conditions de l'article L. 121-1 pour obtenir un titre de séjour ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2015, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme C...B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et Me A...a été désigné pour la représenter par une décision du 2 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
1. Considérant que Mme B..., ressortissante néerlandaise née le 1er janvier 1986 à Bakourou (Guinée), a déclaré être entrée en France le 1er mai 2013, accompagnée de son enfant néerlandais mineur ; qu'elle a sollicité le 4 octobre 2013 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et a été mise en possession d'un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 3 janvier 2014 ; que par un arrêté du 20 octobre 2014, le préfet de la Sarthe lui a refusé le titre de séjour demandé et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quinze jours et a déterminé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée d'office ; que Mme B...relève appel du jugement du 13 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de et arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (... ) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-10 du même code : " Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 qui ont établi leur résidence habituelle en France depuis moins de cinq ans bénéficient à leur demande d'un titre de séjour portant la mention : " UE-toutes activités professionnelles ". La reconnaissance de leur droit de séjour n'est pas subordonnée à la détention de ce titre. / Ce titre est d'une durée de validité équivalente à celle du contrat de travail souscrit ou, pour les travailleurs non salariés, à la durée de l'activité professionnelle prévue. Sa durée de validité ne peut excéder cinq ans. / Sa délivrance est subordonnée à la production par le demandeur des justificatifs suivants : 1° Un titre d'identité ou un passeport en cours de validité ; 2° Une déclaration d'engagement ou d'emploi établie par l'employeur, une attestation d'emploi ou une preuve attestant d'une activité non salariée " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'à la date de l'arrêté contesté l'intéressée avait conclu un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel portant sur une quotité de travail mensuelle de 28 heures, pour une rémunération mensuelle nette d'environ 200 euros, dont le préfet ne conteste pas le caractère effectif ; que Mme B...remplit par suite la condition d'exercice d'une activité professionnelle prévue au 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, en estimant que, compte tenu du montant de ses revenus, Mme B...ne justifiait pas disposer de ressources personnelles suffisantes pour elle et son enfant pour ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale français, le préfet, qui ne conteste pas que Mme B...résidait en France depuis plus de trois mois à la date de sa demande de titre de séjour, a ajouté une condition de ressources non prévue par les dispositions du 1° de l'article L. 121-1 précitées qui sont relatives seulement à l'exercice d'une activité professionnelle ; que, par suite, Mme B...est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2014 du préfet de la Sarthe ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté litigieux, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait relatives à la situation de l'intéressée, qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à Mme B... le titre de séjour demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 mars 2015 n° 1410894 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 20 octobre 2014 du préfet de la Sarthe sont annulés.
Article 2 : Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait relatives à la situation de l'intéressée, il est enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à Mme B... le titre de séjour demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
F. SpechtLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01065