Procédures devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 8 avril 2014 sous le n° 14MA01584, complétée par un mémoire enregistré le 27 septembre 2015, la SCI MIP, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Hérault.
Elle soutient que :
- le préfet ne justifie pas avoir communiqué copie de son recours contentieux ni à la commune ni au pétitionnaire ; son déféré devait être rejeté ;
- le changement de destination du local ne nécessitait pas autre chose qu'un permis de construire modificatif, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Montpellier ;
- le projet ne méconnaît pas le règlement du plan de prévention des risques d'inondation, car il répond, comme tous les commerces de cette zone de Palavas-les-Flots, à la contrainte architecturale majeure qui lui permet de bénéficier de la dérogation prévue au point n° 2 de l'article BU dudit plan, sans laquelle cette zone serait condamnée à ne plus recevoir aucun commerce ;
- en outre, le commerce consiste en de la vente à emporter ; les clients restant sur la voie publique, c'est à tort que les règles relatives aux établissements recevant du public ont été appliquées en l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
S'en remettant à ses précédentes écritures en ce qui concerne les éléments déjà soutenus, il fait valoir également que :
- un permis de construire délivré le 4 novembre 2010 avait autorisé des travaux sur une maison existante portant sur le renforcement de la structure, la surélévation de la toiture et la réalisation d'un garage en rez-de-chaussée ; la transformation de ce garage en commerce de vente à emporter change sensiblement, par sa nature, le projet initial, qui ne pouvait par suite être modifié par permis de construire modificatif ;
- il ne suffit pas de faire référence à la dérogation pour l'appliquer sans en démontrer le bien-fondé ; or le projet, qui ne respecte pas le règlement, ne fait état d'aucune contrainte majeure avérée qui permettrait le non-respect de la prescription du plan ; la circonstance que d'autres permis ont été délivrés dans la zone sur la base de cette dérogation est sans incidence sur la légalité du permis ; l'avis favorable de la commission de sécurité de l'Hérault porte sur la sécurité incendie dans les établissements recevant du public, et non sur le respect des dispositions du plan de prévention des risques.
Vu :
- la lettre du 16 juin 2015 informant les parties, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;
- l'avis d'audience du 8 janvier 2016 valant, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, clôture de l'instruction à la date de son émission ;
- les autres pièces du dossier.
II. Par une requête, enregistrée le 14 avril 2014 sous le n° 14MA01634, la commune de Palavas-les-Flots, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce même jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif de Montpellier;
2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le préfet ne justifie pas avoir notifié son recours contentieux en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, alors que le tribunal lui avait adressé une invitation à régulariser son déféré par lettre du 2 janvier 2013 ;
- le projet n'aggrave aucun risque pour la sécurité des personnes puisque, d'une part, il ne reçoit pas de clients, et d'autre part, des batardeaux, d'une hauteur de 30 cm au-dessus du niveau des plus hautes eaux, sont prévus dans l'embrasure des ouvertures ; tous les bâtiments de la zone sont à la cote de 2 mètres NGF.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2015, et complété par mémoire enregistré le 10 décembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
S'en remettant à ses précédentes écritures en ce qui concerne les éléments déjà soutenus, il fait valoir également que :
- le projet induit une augmentation du nombre, de la durée et de la fréquence des personnes présentes dans le local, accroissant ainsi la vulnérabilité des personnes ;
- la vulnérabilité des biens est également accrue compte tenu des matériels nouveaux qui y seront installés ; en outre, une activité de restauration, bar, café est également menée au vu des photos prises le 10 décembre 2012 ;
- il ne suffit pas de faire référence à la dérogation pour l'appliquer sans en démontrer le bien-fondé ; or le projet, qui ne respecte pas le règlement, ne fait état d'aucune contrainte majeure avérée qui permettrait le non-respect de la prescription du plan ; la circonstance que d'autres permis ont été délivrés dans la zone sur la base de cette dérogation est sans incidence sur la légalité du permis ; l'avis favorable de la commission de sécurité de l'Hérault porte sur la sécurité incendie dans les établissements recevant du public, et non sur le respect des dispositions du plan de prévention des risques ;
- il produit copies des notifications du recours contentieux ;
- la jurisprudence admet le permis de construire modificatif si les modifications apportées ne remettent pas en cause l'économie et la conception générale du projet initial, ce qui n'est pas le cas de l'espèce.
Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2015, présenté pour la société MIP, représentée par la société civile professionnelle d'avocats CGCB et associés, qui conclut à l'annulation du jugement, au rejet du déféré préfectoral et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le déféré du préfet était irrecevable faute pour ce dernier de justifier de l'accomplissement des formalités prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme relativement à son recours contentieux ; le jugement est donc irrégulier ;
- le projet n'était pas soumis au dépôt d'une nouvelle demande de permis, mais uniquement au dépôt d'une déclaration préalable ; la nature des travaux était marginale, elle pouvait faire l'objet d'un permis de construire modificatif ;
- l'exposition au risque est résiduelle, par suite, la contrainte architecturale s'apprécie plus largement ; en l'espèce, la prescription du plan de prévention des risques induit une hauteur sous plafond du rez-de-chaussée de l'immeuble de 1,60 mètres, ce qui rend ce niveau impropre à toute destination ; cela atteste de la contrainte architecturale majeure justifiant du bénéfice de la dérogation.
Vu :
- les mémoires enregistrés les 25 novembre et 16 décembre 2015, présentés pour la commune de Palavas-les-Flots par Me A..., non communiqués en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;
- l'ordonnance du 1er décembre 2015 fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction au 16 décembre 2015 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant la commune de Palavas-les-Flots.
1. Considérant que, par jugement rendu le 13 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé, sur déféré du préfet de l'Hérault, l'arrêté du 29 juin 2012 du maire de Palavas-les-Flots portant délivrance à la société civile immobilière (SCI) MIP d'un permis de construire modificatif portant changement de destination d'un garage en commerce de ventes de glaces à emporter sur la parcelle cadastrée section BH n° 181 ; que, par les requêtes susvisées, la SCI MIP d'une part, la commune de Palavas-les-Flots d'autre part, relèvent appel de ce jugement ;
Sur la jonction des requêtes :
2. Considérant que les requêtes susvisées de la SCI MIP et de la commune de Palavas-les-Flots tendent toutes deux à l'annulation du même jugement et au rejet du même déféré préfectoral ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Sur les conclusions en annulation :
3. Considérant que, pour annuler le permis de construire délivré le 29 juin 2012, les premiers juges ont retenu un seul moyen présenté par le préfet, tiré de la méconnaissance des dispositions du plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de la commune de Palavas-les-Flots qui admettent, en zone " BU " dans laquelle est situé le terrain d'assiette, " les créations de logements, d'activités ou de surface habitable, sous réserve que la surface des planchers soit calée au minimum à la cote de PHE + 30 cm.// Exceptionnellement, en cas de contrainte architecturale majeure, cette disposition pourra être levée pour les créations d'activités si des dispositifs permettant de diminuer la vulnérabilité du bâti et des personnes sont mis en place (refuge à l'étage, batardeaux...) " ;
4. Considérant que si les requérantes ne contestent pas que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le plancher du projet se situe à une cote très inférieure à celle de 2,30 mètres NGF qu'exigent les dispositions précitées, elles font valoir que l'autorisation en litige entre dans le cadre de la dérogation qu'elles prévoient pour les créations d'activités ;
5. Considérant, d'une part, que, comme il a été dit plus haut, le permis de construire en litige vise à permettre la création d'une activité commerciale de vente de glaces à emporter ; qu'alors que seul le personnel du commerce a vocation à se trouver au long de la journée dans le local abritant une telle activité, le projet prévoit la pose de batardeaux amovibles de 30 cm dans l'embrasure des ouvertures, diminuant la vulnérabilité du bâti et des personnes selon les dispositions précitées ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, sauf à détruire l'ensemble des niveaux de la construction existante, le respect des dispositions générales précitées du plan de prévention des risques ne permettrait pas la destination commerciale envisagée, dès lors que la hauteur sous plafond du rez-de-chaussée, surélevé à la hauteur exigée, serait limitée à 1,60 mètres ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies qui y sont versées, que les commerces avoisinants le projet en litige se situent tous au niveau du trottoir et des voies piétonnes de ce secteur au coeur de la station balnéaire ; que la contrainte liée à une redéfinition complète de la construction et le souci de préserver une harmonie des commerces sur rue dans ce secteur doivent être regardés comme constituant " une contrainte architecturale majeure " au sens des dispositions précitées du plan de prévention des risques ; qu'ainsi, le projet en litige entre dans le cadre de la dérogation prévue par les dispositions précitées du plan de prévention ; que les requérantes sont donc fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu leur méconnaissance pour annuler le permis de construire en litige ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par le préfet ;
8. Considérant que le préfet soutient que le projet litigieux ne pouvait faire l'objet d'un simple permis de construire modificatif mais que les modifications apportées au permis initial nécessitaient la délivrance d'un nouveau permis de construire ; que, toutefois, une telle circonstance, à la supposer avérée, a seulement pour conséquence que la légalité de ce nouveau permis de construire devrait être appréciée en elle-même ; qu'en l'espèce, le préfet n'invoquant la méconnaissance d'aucune disposition législative ou règlementaire autre que celle étudiée et rejetée aux points précédents, le moyen ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni la recevabilité du déféré, que les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 juin 2012 par lequel le maire de Palavas-les-Flots a délivré à la SCI MIP un permis de construire modificatif ; que, dès lors, elles sont fondées à demander tant l'annulation de ce jugement que le rejet du déféré présenté par le préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société MIP au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement rendu le 13 février 2014 par le tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Le déféré présenté par le préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier est rejeté.
Article 3 : L'Etat (ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité) versera à la société MIP la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI MIP, la commune de Palavas-les-Flots et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2016.
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N° 14MA01584, 14MA01634