Par un jugement n° 1504357, 1609048 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, donné acte du désistement des conclusions de M. F... à fin d'indemnisation des préjudices liés à l'illégalité de l'article 27 de l'arrêté du 15 mars 2011 et de l'article 28 de l'arrêté du 5 juillet 2011 réglementant la profession d'artisan-taxi dans la commune de Nantes et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 septembre 2017 et 22 mars 2019 M. F..., représenté par Me C... H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de condamner solidairement la commune de Nantes et la communauté d'agglomération Nantes Métropole à lui verser la somme de 13 522,26 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes et de Nantes Métropole la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le rapporteur public a modifié le sens de ses conclusions au cours de l'audience sans en informer les parties ;
- il est également irrégulier car la seconde requête devait être considérée comme un mémoire complémentaire et, par suite, être rayée du registre du greffe du tribunal administratif de Nantes ;
- les premiers juges n'ont pas relevé d'office que les conclusions indemnitaires de M. F... étaient mal dirigées et n'ont pas mis en cause la communauté d'agglomération Nantes Métropole ;
- l'illégalité de la décision de sanction du 26 février 2014 est constitutive d'une faute ; les faits reprochés ne sont pas établis ; l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège la liberté d'expression et un refus de prise en charge d'un client peut être fondé sur un motif légitime ; l'administration a procédé à une substitution de motifs illégale ; enfin la sanction de 45 jours de suspension d'activité était disproportionnée ;
- les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont également été méconnus ;
- il existe un lien de causalité entre l'illégalité de l'arrêté du 26 février 2014, annulé pour violation du principe d'impartialité, et le préjudice qu'il estime avoir subi ;
- il a subi un préjudice total de 13 522,26 euros qui comprend un préjudice moral, un préjudice financier direct, des frais d'avocat et des frais bancaires.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2019, la commune de Nantes et la communauté d'agglomération Nantes Métropole, représentées par Me A..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de M. F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la demande enregistrée sous le n° 1504357 devant le tribunal administratif est irrecevable dès lors que le montant de l'indemnisation demandée par M. F... est nettement supérieur au chiffrage initial ;
- les autres moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.
La commune de Nantes et Nantes métropole ont produit le 24 avril 2019 un nouveau mémoire, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me B... H..., substituant Me C... H..., avocat de M. F... et de Me D..., substituant Me A..., avocat de la commune de Nantes.
M. F... a produit le 7 octobre 2019 une note en délibéré qui n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 février 2014, le maire de la commune de Nantes a prononcé une sanction de retrait de quarante-cinq jours de l'autorisation de stationnement détenue par M. F..., artisan-taxi. Celui-ci a contesté la légalité de cet arrêté devant le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 5 février 2015, en a prononcé l'annulation. Par un courrier du 9 février 2015, M. F... a ensuite demandé à la commune de Nantes la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 février 2014. Sa demande ayant été rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Nantes de conclusions tendant, notamment, à la condamnation de la commune de Nantes à lui verser la somme de 13 522,26 euros en réparation des préjudices résultant selon lui de l'illégalité de l'arrêté du 26 février 2014. Le 28 octobre 2016, M. F... a saisi cette même juridiction d'une seconde demande ayant le même objet. Par un jugement du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces deux demandes. M. F... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. ". Le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions en application de ces dispositions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.
3. Il résulte de l'instruction que les parties ont été informées, avant l'audience devant le tribunal administratif de Nantes, de ce que le rapporteur public entendait conclure au rejet au fond de la demande n° 1609048 tendant à condamner la commune de Nantes à verser à M. F... la somme de 13 522,26 euros au titre des préjudices qu'il estimait avoir subis. Si l'intéressé soutient que, lors de l'audience, le rapporteur public a conclu au rejet pour irrecevabilité de cette demande, contrairement à ce qu'il avait annoncé aux parties et sans les avoir mises à même de connaître ce changement de position, il ne ressort toutefois d'aucun élément du dossier que l'avocat qui le représentait devant le tribunal administratif aurait signalé ce fait dans ses observations orales à l'audience ou dans une note en délibéré. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aucune disposition du code de justice administrative ne faisait obligation au tribunal administratif, sous peine d'irrégularité, de radier la demande enregistrée le 28 octobre 2016 sous le n° 1609048 et de l'enregistrer sous forme d'un mémoire complémentaire dans l'instance n° 1504357 dès lors, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes du document litigieux que celui-ci était qualifié de " mémoire introductif d'instance " et, d'autre part, qu'il n'est pas soutenu ni même allégué qu'il n'aurait pas été répondu, par l'effet notamment de la jonction prononcée dans le jugement attaqué, à l'ensemble des conclusions présentées par M. F.... Par suite, Le moyen tiré de cette deuxième irrégularité doit être écarté.
5. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les conclusions indemnitaires présentées par M. F... auraient dû en l'espèce être dirigées contre Nantes Métropole et non contre la commune de Nantes. Par suite, et en tout état de cause, il ne peut être reproché au tribunal administratif de Nantes de n'avoir pas relevé d'office le moyen tiré de ce que les demandes auraient été mal dirigées.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.
7. M. F... soutient que la décision du 26 février 2014 était entachée non seulement du vice de légalité externe retenu par le tribunal administratif de Nantes pour en prononcer l'annulation, mais également d'une illégalité interne constitutive d'une faute de la commune lui ouvrant droit à réparation.
8. En premier lieu, si le requérant conteste la matérialité des faits qui lui ont été reprochés, il ressort toutefois du compte-rendu de l'entretien qui s'est déroulé le 23 septembre 2013 ainsi que d'un courrier adressé par l'intéressé lui-même aux services de la commune de Nantes le 14 janvier 2014 que l'intéressé reconnaît les faits d'insultes envers un élu. Si M. F... estime par ailleurs que les dispositions de l'articles L. 122-1 du code de la consommation l'autorisaient à refuser de prendre en charge une cliente qui l'aurait insulté, il ne verse aux débats aucun élément susceptible d'établir la réalité du motif légitime qu'il entend ainsi invoquer, alors que la cliente concernée a fait des déclarations contraires et que sa propre présentation des faits a varié au fil du temps. Enfin, si M. F... soutient que le principe de la liberté d'expression protégé par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'autorisait à tenir des propos relevant de l'insulte, aucun texte ni aucune disposition ne permet, contrairement à ce qu'il affirme, de justifier un comportement outrancier et injurieux envers un élu.
9. En second lieu, aucun des éléments du dossier ne permet d'établir la réalité d'une substitution illégale de motif à laquelle l'administration aurait procédé. L'intéressé n'apporte par ailleurs, à l'appui des moyens tirés de la violation des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucune précision permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, eu égard aux faits reprochés à M. F..., à savoir des injures proférées envers un élu local et un refus injustifié de prendre en charge une cliente, la sanction de 45 jours de suspension de l'autorisation de stationner est proportionnée aux fautes commises.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que la décision du 26 février 2014 n'est entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation. Ainsi la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de sa durée, dans le cadre d'une procédure régulière. Dès lors, la seule illégalité dont M. F... puisse se prévaloir réside dans le vice de procédure qui a fondé l'annulation de cette décision par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2015 et qui n'est pas de nature à engendrer pour M. F... un préjudice ouvrant droit à indemnisation.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. F... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. F... le versement à la commune de Nantes et à Nantes Métropole de la somme globale de 800 euros à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... versera à la commune de Nantes et à Nantes Métropole la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à la commune de Nantes et à et Nantes Métropole.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme I..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 octobre 2019
Le rapporteur
M. I...Le président
I PerrotLe greffier
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT027512
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