Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 août et 18 décembre 2019 Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 juin 2019, au besoin après avoir ordonné une nouvelle expertise ;
2°) d'enjoindre au directeur du CHU de Brest de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 14 septembre 2015 au 13 novembre 2016 dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Brest les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, dès lors notamment que le lien de causalité entre ses arrêt de travail du 14 septembre 2015 au
13 novembre 2016 et l'accident de service dont elle a été victime le 11 juillet 2014 doit être direct mais non nécessairement exclusif.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2019 le CHU de Brest, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant le CHU de Brest.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., agent des services hospitaliers, a été employée par le CHU de Brest à partir de 2002. Le 11 juillet 2014, un patient auquel elle prodiguait des soins l'a blessée en lui serrant très fortement le poignet droit. Elle a dû cesser le travail. Un syndrome du canal carpien et une entorse grave du poignet ont été diagnostiqués. L'événement du 11 juillet 2014 a été reconnu comme un accident de service par le CHU de Brest. Les soins et les arrêts de travail en résultant jusqu'au 13 septembre 2015 ont donc fait l'objet d'une prise en charge intégrale par cet établissement de santé par des décisions successives des 18 novembre 2014, 15 avril 2015 et
23 septembre 2015. Toutefois, par une décision du 19 octobre 2016, le directeur du CHU de Brest a estimé que les soins et les arrêts de travail postérieurs au 13 septembre 2015 n'étaient pas en lien direct avec l'accident de service du 11 juillet 2014. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, qui a été rejetée par un jugement du 20 juin 2019. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme D... au motif que : " Suite à la mesure d'instruction ordonnée par le tribunal tendant à la production par les parties du rapport d'expertise médicale réalisé par le docteur Roblin, le CHRU de Brest a produit ce document. Toutefois, Mme D... n'a pas, avant la clôture de l'instruction, donné suite à la demande de levée du secret médical qui lui a été adressée par le greffe. Ce faisant, elle n'a pas mis le tribunal en mesure d'apprécier le bien-fondé de sa requête, qui ne peut qu'être rejetée.". Cette motivation, qui permet de comprendre le raisonnement des premiers juges ayant abouti au rejet du recours dont ils étaient saisis, est suffisante. Le jugement attaqué n'est donc pas irrégulier.
Sur le bien-fondé du motif de rejet retenu par le jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a adressé le 18 mai 2019 au tribunal administratif de Rennes le rapport d'expertise du Dr Roblin, comme cela lui avait été demandé par mesure d'instruction le 26 février 2019. Par cette transmission, la requérante doit être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement levé le secret médical dont était revêtu ce document. Par suite, et alors même qu'elle n'a pas explicitement répondu à la demande formelle de levée de ce secret qui lui avait été faite par le tribunal et qu'elle n'a produit le rapport d'expertise que postérieurement à la clôture de l'instruction, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande au seul motif qu'elle n'avait pas autorisé la levée du secret médical.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la légalité de la décision contestée :
5. Aux termes du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".
6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
7. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que, se fondant sur des expertises médicales des 15 novembre 2014, 11 avril 2015 et 17 juin 2015, le directeur du CHU de Brest a, dans un premier temps, accepté de reconnaître l'imputabilité de la pathologie de Mme D... à l'accident de service du 11 juillet 2014, il résulte du rapport d'expertise du Dr Roblin établi le 1er février 2016 qu'une simple pression du poignet, même forte, ne peut expliquer le syndrome du canal carpien et l'entorse grave dont la requérante a souffert, cette pathologie trouvant plutôt son origine dans la chute de ski dont elle avait été victime à la fin de l'année 2013 et à la suite de laquelle elle a bénéficié d'un arrêt de travail du 25 mars au 30 avril 2014 pour une entorse grave du poignet droit. Dans ces conditions, et sans qu'il soit utile d'ordonner une expertise médicale, la décision contestée du 19 octobre 2016 par laquelle le directeur du CHU de Brest a refusé de poursuivre la prise en charge des soins et des arrêts de travail de Mme D... au-delà du
13 septembre 2015 n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
8. En second lieu, si le directeur du CHU de Brest s'est fondé sur des avis du 2 juin et du 13 octobre 2016 de la commission départementale de réforme, maladroitement rédigés, mentionnant l'absence de lien " unique " entre la pathologie de Mme D... et l'événement du 11 juillet 2014, cette circonstance, dès lors qu'aucun lien direct entre ces deux éléments n'est avéré, n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision contestée.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CHU de Brest, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de
Mme D... une somme à verser au CHU de Brest au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Brest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au CHU de Brest.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
Le rapporteur
E. B...Le président
C. BrissonLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03360