Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 février 2020 et 13 novembre 2020, Mme B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 octobre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 700 euros à verser à leur conseil.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 25 juin 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2020
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- les observations de Me A..., substituant Me E..., représentant Mme B....
Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 20 novembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane, relève appel du jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2019 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
3. Mme B... soutient que le centre de ses intérêts se trouve en France, où elle déclare résider depuis janvier 2014 avec ses deux enfants scolarisés, nés en 2011 et 2014. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée ne justifie pas d'une particulière intégration, notamment professionnelle, et ne dispose pas d'un logement autonome. En outre, la requérante, célibataire, ne justifie d'aucune attache personnelle et familiale en France et n'est pas dépourvue de tels liens dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère et plusieurs membres de sa fratrie et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de Mme B..., la décision contestée portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
4. En deuxième lieu, si Mme B... invoque les risques d'excision auxquels serait exposée sa fille au Nigéria de la part de la famille paternelle de l'enfant, d'ethnie bini, l'intéressée n'établit pas, alors que la demande d'asile présentée pour sa fille a été rejetée par une décision 10 mars 2016 du directeur du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 17 février 2017 de la Cour nationale du droit d'asile, se trouver, le cas échéant, dans l'impossibilité de s'opposer à ce que sa fille subisse cette pratique. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. En troisième lieu, eu égard aux motifs sur lesquels l'arrêté préfectoral contesté du
22 janvier 2019 a été pris, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présente un caractère inopérant.
6. Enfin, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen de situation et de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 dont la décision portant refus de titre de séjour serait entachée par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner la demande de titre de séjour sur un fondement autre que celui présenté par l'intéressée, n'a pas méconnu les dispositions précitées. En tout état de cause il appartient à la requérante, si elle s'y croit fondée, de saisir le préfet d'une demande de titre sur un nouveau fondement tel que celui de l'article L 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Compte tenu de ce qui précède, Mme B... n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Eu égard à ce qui a été dit plus haut, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. La décision portant obligation de quitter le territoire français ne désignant pas, par elle-même, le pays de renvoi, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. De même, comme il a été mentionné au point 3, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
14. Mme B... soutient qu'un retour au Nigéria l'exposerait à un risque de représailles de la part du réseau de prostitution qui l'a exploitée entre 2009 et 2012. Toutefois, alors que sa demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par une décision du 10 mars 2016 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 17 février 2017 de la Cour nationale du droit d'asile, puis par une nouvelle décision du
17 août 2018 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'intéressée n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément précis et circonstancié permettant d'établir l'existence d'un risque grave, personnel et actuel en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante, n'invoque aucun élément personnalisé et probant de nature à étayer le risque que sa fille soit victime d'une excision au Nigéria. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Enfin, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de situation dont la décision fixant le pays de renvoi serait entachée par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 où siégeaient :
- Mme A..., président,
- Mme C..., président-assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe de la cour le 18 décembre 2020.
Le rapporteur
C. C...
Le président
I. A...
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT004582