Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2020 M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 avril 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire du 20 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de
100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que Mme D... possède la nationalité italienne et a effectué des missions d'intérim en mai et en août 2019 ;
- il a également méconnu les dispositions des articles L. 313-4-1 et L. 121-3 du même code sur le fondement desquels M. D..., dès lors qu'il dispose d'une carte de résident longue durée UE délivrée par l'Italie, est en droit de séjourner en France pendant plus de trois mois ;
- leurs enfants disposent également d'un droit autonome au séjour dégagé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- depuis janvier 2020, M. D... exerce une activité professionnelle à temps plein ;
- l'obligation de quitter le territoire français a méconnu les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui est titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes, et Mme D..., qui possède la nationalité italienne, déclarent être entrés en France le 1er janvier 2018. Le 9 avril 2019, ils ont demandé un titre de séjour. Par deux arrêtés du 20 mai 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté leur demande, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés d'office. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 6 avril 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les recours qu'ils ont formés contre cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ". Selon l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. ". Ces dispositions s'étendent à toute personne qui exerce une activité professionnelle réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.
3. A la date de l'arrêté contesté, Mme D... ne justifiait que de quelques missions d'intérim effectuées depuis le 5 mai 2019, pour une durée totale de travail de moins de quinze jours, qui ne sauraient être regardées comme une activité professionnelle au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les revenus du couple, même en y incluant des mandats reçus d'Italie en 2018 et en 2019, s'élevaient à quelques dizaines d'euros par mois, soit un montant très inférieur à ce qui peut être regardé comme suffisant pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. En outre, Mme D... ne bénéficiait pas d'une assurance maladie. Dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas, en prenant les arrêtés contestés, méconnu les dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci ". L'article 21 de ce traité dispose que : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ".
5. Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ". L'article 8 du même texte dispose que : " (...) 4. Les États membres ne peuvent pas fixer le montant des ressources qu'ils considèrent comme suffisantes, mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée. Dans tous les cas, ce montant n'est pas supérieur au niveau en-dessous duquel les ressortissants de l'État d'accueil peuvent bénéficier d'une assistance sociale ni, lorsque ce critère ne peut s'appliquer, supérieur à la pension minimale de sécurité sociale versée par l'État membre d'accueil ".
6. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie.
7. M. et Mme D... sont les parents de trois enfants mineurs qui possèdent la nationalité italienne. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, à la date de l'arrêté contesté ils ne justifiaient pas que leurs enfants étaient couverts par une assurance maladie et ne disposaient pas des ressources suffisantes leur permettant de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques. Le préfet d'Indre-et-Loire n'a donc pas méconnu les dispositions rappelées au point 4.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. et Mme D... résidaient en France avec leurs enfants mineurs depuis moins de deux ans à la date des arrêtés contestés, ils ne justifiaient pas d'une insertion particulière dans la société française et n'étaient pas empêchés de reformer leur cellule familiale hors de France, par exemple en Italie, où ils avaient résidé plusieurs années avant de s'installer en France. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations rappelées au point précédent.
10. Enfin, pour le surplus, M. et Mme D... se bornent à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens et les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance, tirés de ce que le préfet d'Indre-et-Loire aurait méconnu les dispositions des articles L. 313-1-1 et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
Le rapporteur
E. B...Le président
I. PerrotLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01473