Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 21 juillet 2020 et 3 janvier 2021 M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 9 mars 2020 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- en l'absence de refus de titre de séjour concomitant, le préfet ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne tient pas compte de sa volonté de solliciter la régularisation de sa situation, est entachée d'un détournement de procédure et dépourvue de base légale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en visant et en se fondant sur les dispositions du 2° et du b) et d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet a commis des erreurs de droit ;
- en se fondant sur une absence de garanties de représentation, alors qu'il justifie d'un passeport, de ressources suffisantes et d'une volonté d'intégration, le préfet a commis une erreur de fait.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2020, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas fondé et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tchadien né en 1984, est entré en France le 20 octobre 2016 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour. L'intéressé a présenté le 7 juin 2017 une demande de titre de séjour, que le préfet du Loiret a rejeté par décision du 19 juin 2017, assortie d'une mesure d'éloignement. Par un nouvel arrêté du 2 mars 2020, le préfet du Loiret l'a notamment obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit. M. D... relève appel du jugement du 9 mars 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination.
2. Contrairement à ce que soutient M. D..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret, qui a fait état des principaux éléments de la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressé, n'aurait pas procédé, préalablement à l'édiction de cette décision, à un examen particulier de sa situation, alors même que cette décision ne comporte pas de mention du PACS conclu récemment par le requérant, de la présence de sa mère sur le territoire français ou de son implication auprès de la communauté d'Emmaüs. La mention selon laquelle il n'aurait pas justifié, lors de son interpellation, de la possession d'un document d'identité et de ressources suffisantes, dont M. D... conteste la réalité, ne révèle pas davantage un défaut d'examen de sa situation au regard des informations portées à la connaissance du préfet.
3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3°Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".
4. Il est constant que M. D... a fait l'objet, par un arrêté du 19 juin 2017 du préfet du Loiret, d'un refus de délivrance de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. Dès lors, pour prendre la décision contestée du 2 mars 2020 obligeant de nouveau l'intéressé à quitter le territoire français, le préfet pouvait légalement se fonder, eu égard notamment au maintien de l'intéressé sur le territoire depuis ce refus de titre de séjour, sur les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette décision a été prise postérieurement au refus de titre de séjour. Si M. D... se prévaut de démarches entreprises en février 2020 en vue de solliciter la régularisation de sa situation administrative, lesquelles auraient été retardées par les difficultés d'obtenir un rendez-vous en préfecture, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait effectivement présenté une demande de titre de séjour. En outre, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français a été prise à la suite de l'interpellation du requérant et de son audition libre effectuée dans le cadre d'une vérification de la régularité de son séjour en France. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision serait, pour les motifs invoqués, entachée de détournement de procédure et dépourvue de base légale ne peuvent qu'être écartés.
6. M. D..., qui est entré en France le 20 octobre 2016, fait valoir qu'il y a précédemment résidé pendant une partie de sa minorité, entre 1999 et 2002, qu'il vit auprès de sa mère, qui a obtenu la nationalité française et à laquelle il vient en aide, ainsi que de sa compagne, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 7 décembre 2019, qu'il justifie de son intégration notamment par sa maîtrise de la langue française, les liens qu'il a tissés et son investissement auprès des compagnons d'Emmaüs, d'une compagnie de théâtre et d'un club sportif. Toutefois, l'intéressé séjourne irrégulièrement en France depuis l'expiration de son visa et en dépit de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet en 2017. M. D..., qui a déclaré lors de son audition du 2 mars 2020, résider à la fois chez sa mère et sa compagne, ne justifie ni d'une relation stable et ancienne avec cette dernière ni du caractère indispensable de sa présence aux côtés de sa mère, dont il a par ailleurs vécu séparé de longues années. En outre, le requérant n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, qu'il a quitté à l'âge de trente-deux ans et où résident notamment sa fille mineure, la mère de cette dernière, ainsi que sept de ses frères et soeurs. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. D..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
8. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Loiret a fait obligation à M. D... de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait faire application des dispositions du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il lui avait accordé un délai de départ volontaire de trente jours manque en fait.
9. En deuxième lieu, pour refuser d'assortir la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire, le préfet du Loiret s'est notamment fondé sur le b) et le d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en effet des pièces du dossier que le requérant, qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour à l'expiration de son visa le 2 décembre 2016, et qu'il n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont il fait l'objet le 19 juin 2017. Si l'intéressé se prévaut de la possession d'un passeport, du PACS qu'il a conclu avec sa compagne, d'un domicile connu de l'administration et d'une volonté d'insertion, ces circonstances ne permettent pas de regarder M. D..., qui a au demeurant déclaré lors de son audition devant les services de police le 2 mars 2020, ne pas accepter de retourner au Tchad, comme justifiant de circonstances particulières telles qu'elles feraient obstacle à ce que le préfet lui refuse l'octroi d'un délai de départ volontaire en application des dispositions précitées.
10. En troisième lieu, M. D... soutient, d'une part, qu'en lui opposant en outre l'absence de possession d'un passeport et de ressources suffisantes et, par suite, une absence de garanties de représentation suffisantes au sens du f) du 3° du II de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Loiret s'est fondé sur des faits matériellement inexacts et, d'autre part, qu'il n'entrait pas dans le champ d'application du 2°du même article. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls motifs évoqués au point 9. Dès lors les moyens tirés de que la décision portant refus de délai de départ volontaires serait, pour ces motifs, entachées d'erreur de droit et d'erreur de fait doivent être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2020 du préfet du Loiret en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme B..., président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.
Le rapporteur
C. B...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT021962