Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2020 M. D..., représenté par Me Noirel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 août 2019 du préfet du Finistère ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour alors qu'il justifie résider sur le territoire français depuis plus de dix ans ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant bangladais, né le 18 juin 1975, est entré irrégulièrement en France le 15 janvier 2006 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2007, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 mars 2008. Entre 2008 et 2013, le requérant a sollicité à cinq reprises le réexamen de sa demande d'asile, demandes qui ont toutes été rejetées. M. E... a fait l'objet les 27 novembre 2008, 23 avril 2009 et 15 juillet 2011 de trois obligations de quitter le territoire français. Il a sollicité, le 18 décembre 2013, un titre de séjour pour raisons de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour puis un titre de séjour temporaire entre le 2 janvier 2014 et le 1er novembre 2017. Le 9 janvier 2018, M. D... a sollicité auprès des services de la préfecture du Finistère son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Par un arrêté du 29 août 2019, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Bangladesh. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 29 août 2019. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
3. M. D... soutient qu'il vit habituellement en France depuis son entrée sur le territoire, le 15 janvier 2006, et qu'il y séjournait depuis plus de dix ans à la date du 29 août 2019 à laquelle l'arrêté contesté a été pris. Il ressort des pièces versées au dossier, composées notamment des nombreuses procédures administratives et contentieuses qu'il a engagées depuis 2006 ou dont il a fait l'objet au cours des années 2009 à 2014 au titre du droit d'asile et de la réglementation relative au séjour et à l'éloignement des étrangers, de son séjour régulier au cours des années 2014 à 2017 en qualité d'étranger malade, des avis d'imposition produits pour chacune des années depuis 2009 et des attestations de commissions versées mensuellement par son employeur au cours des années 2015 à 2019, que M. D... doit être regardé comme apportant de façon suffisamment probante la preuve de sa résidence habituelle en France durant plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le préfet du Finistère était tenu, avant de rejeter cette demande, de soumettre le cas de M. D... à la commission du titre de séjour. En ne procédant pas à cette consultation, le préfet a entaché d'illégalité sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, qu'un titre de séjour soit délivré à M. D..., mais seulement que sa demande de titre de séjour soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Finistère d'examiner à nouveau la demande de titre de séjour présentée par M. D..., après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour sur cette demande, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement no 1904946 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 29 août 2019 du préfet du Finistère sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour présentée par M. D..., après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, rapporteur,
- M Berthon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
Le rapporteur
C BrissonLe président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT002383