Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 et 23 janvier 2017 et 26 mars 2018, Mme F...B..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2016 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Blois, après avoir ordonné une nouvelle expertise, à lui verser la somme de 95 212,92 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Blois une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 13 euros au titre des dépens.
Elle soutient que :
- il ressort de l'expertise, et il n'est pas contesté par le centre hospitalier de Blois, qu'elle a été victime de trois infections nosocomiales au cours de sa prise en charge dans cet établissement ;
- ses préjudices, et notamment la souffrance morale qu'elle a endurée, n'ont pas été intégralement pris en compte par l'expert ;
- elle est recevable à détailler les conséquences de son préjudice devant le juge d'appel ;
- son état s'est aggravé depuis le 23 novembre 2016 puisqu'elle peut désormais à peine marcher, ce qui justifie qu'une nouvelle expertise avant dire droit soit ordonnée ;
- concernant les préjudices patrimoniaux, 35 euros de frais de santé sont restés à sa charge et elle a subi une perte de revenus de 177,92 euros ;
- concernant les préjudices extra patrimoniaux, elle peut prétendre à une somme de 15 000 euros au titre de la souffrance physique, une somme de 20 000 euros au titre de la souffrance morale causée par la peur de mourir, 10 000 euros au titre des séquelles dont elle reste atteinte, 30 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice sexuel, 10 000 euros parce qu'elle a été privée, du fait de son hospitalisation, de la possibilité de passer les fêtes de fin d'année en famille, et 10 000 euros du fait de la faute commise par le centre hospitalier, qui ne l'a pas correctement informée de son état et a refusé de reconnaître la réalité de son affection ainsi que sa responsabilité.
Par des mémoires enregistrés les 19 mars et 13 avril 2018, le centre hospitalier de Blois, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la requérante sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 12 687,92 euros réclamée en première instance, car aucun élément versé ne permet d'établir que son état de santé se serait aggravé ;
- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 26 mars 2018 la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher, représentée par MeA..., demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2016 et de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., né en 1962, a été admise au centre hospitalier de Blois le 18 décembre 2010 à raison d'une lombalgie invalidante sans cause identifiée. Au cours de son séjour, elle a été atteinte, en raison des puissants antalgiques qui lui avaient été administrés, d'une rétention urinaire qui a nécessité la pose d'une sonde. Après le retrait de cette sonde sont apparues une infection pulmonaire et une infection urinaire qui ont entraîné un choc septique, puis une veinite au poignet droit sur cathéter. Elle est finalement rentrée à son domicile le 20 janvier 2011. Suite à sa demande, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, qui a donné lieu à un rapport déposé le 20 juin 2013. Mme B...a adressé une réclamation préalable au centre hospitalier de Blois par courrier du 9 septembre 2014. Une proposition d'indemnisation lui a été faite par l'assureur de l'établissement, à laquelle elle n'a pas donné suite. Elle a alors demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Blois à lui verser la somme totale de 12 687,92 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des infections contractées au cours de son hospitalisation. Par un jugement du 23 novembre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'établissement mis en cause à verser à Mme B...la somme de 8 275 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher la somme de 46 355,20 euros en remboursement des débours engagés, ainsi que 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Mme B... relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Blois à lui verser une somme supplémentaire de 95 212,92 euros, assortie des intérêts au taux légal.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Blois :
2. Il résulte du rapport d'expertise, et il n'est pas contesté, que les trois infections dont a été victime Mme B...ont été contractées au cours de son séjour au centre hospitalier de Blois à partir du 18 décembre 2010, qu'elles ont un caractère nosocomial et que les préjudices en découlant doivent être réparés par l'établissement de santé dès lors que le taux de déficit fonctionnel permanent dont reste atteinte l'intéressée est inférieur au seuil de 24% déterminé par les dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.
3. Mme B...fait valoir en outre, pour la première fois en appel, que le centre hospitalier de Blois a commis une faute en refusant de reconnaître, dans un premier temps, la réalité des infections dont elle a été victime ainsi que sa responsabilité dans leur survenue. Cependant, contrairement à ce qu'elle soutient, une telle circonstance ne saurait constituer un manquement à l'obligation d'information prévue pas les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, qui porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposées au patient. En outre, l'expert a estimé qu'aucun des éléments réunis ne permettait de conclure à l'existence d'une faute médicale dans la prise en charge de Mme B.... Par suite, la demande indemnitaire présentée par l'intéressée sur le fondement de cette faute doit, en tout état de cause, être rejetée.
Sur les préjudices :
4. Mme B...soutient en appel que son état s'est considérablement aggravé car elle est désormais dans la quasi impossibilité de marcher, et qu'il est nécessaire qu'une nouvelle expertise soit ordonnée pour constater l'ampleur de cette aggravation et évaluer les préjudices en découlant. Cependant, alors que l'expert, dans son rapport du 20 juin 2013, a retenu comme unique séquelle des infections un déficit fonctionnel évalué à 2% résultant d'une perte de sensibilité du pouce et de l'index provoquée par la veinite, et a clairement indiqué que l'état de la patiente n'était pas susceptible d'aggravation, la requérante ne produit aucun élément de nature à établir que son état de santé se serait dégradé après le 23 novembre 2016, date du jugement attaqué, ni que la dégradation invoquée pourrait être en lien avec les infections dont elle a été victime lors de son séjour au centre hospitalier de Blois. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, les conclusions présentées devant la cour par Mme B...au titre d'une aggravation de ses préjudices ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
5. Mme B...demande à nouveau en appel le versement d'une somme de 35 euros au titre de frais de santé restée à sa charge, alors que cette somme lui a été accordée par les premiers juges. Cette demande ne peut par suite qu'être rejetée.
6. Mme B...demande en outre une somme de 177,92 au titre de la perte de revenus qu'elle aurait subie entre le 29 décembre 2010 et le 20 février 2011, en soutenant que son salaire mensuel s'élevait à 1 103,74 euros. Il résulte cependant des bulletins de salaire versés au dossier que le salaire mensuel de l'intéressée, qui était employée comme aide à domicile à temps partiel par l'ADMR de Romorantin, était de 809,71 euros. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé, au vu des sommes perçues par la requérante pendant la période considérée de la part de son employeur et de sa caisse d'assurance maladie, que la réalité de la perte de revenus invoqués n'était pas établie. Il y a lieu dès lors, pour le même motif, de rejeter la demande présentée en appel au titre de ce poste de préjudice.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
7. Les premiers juges ont accordé à Mme B...une somme de 340 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, évalué à 100% du 27 décembre 2010 au 14 janvier 2011 et à 25% du 15 janvier au 20 février 2011, une somme de 2 200 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, évalué à 2%, une somme de 5 400 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 3,5 sur une échelle de 1 à 7, et une somme de 300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué à 1,5 sur une échelle de 1 à 7.
8. En premier lieu, la requérante demande une somme de 15 000 euros au titre de sa douleur physique et une somme de 20 000 euros au titre de la douleur morale causée par l'angoisse de mourir pendant la période où elle a été en état de choc septique. Cependant l'expert, pour fixer à 3,5 sur une échelle de 1 à 7 les souffrances qu'elle a endurées, a pris en compte les douleurs physiques, la douleur morale secondaire à l'état de choc et les séjours en réanimation ainsi que dans le service de soins continus. La requérante, qui avait au demeurant demandé la somme de 7 000 euros au titre de ce poste de préjudice en première instance, ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'évaluation de l'expert. Elle ne démontre pas davantage qu'en fixant à 5 400 euros la somme due à ce titre les premiers juges n'auraient pas fait une juste appréciation de son préjudice.
9. En deuxième lieu, la requérante demande une somme de 10 000 euros au titre de sa " diminution physique " en affirmant qu'elle ne peut plus marcher sans béquilles. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 2, elle ne démontre en aucune façon la réalité de ce préjudice et ne fait état d'aucun élément qui permettrait d'établir un lien entre cette " diminution " et les infections nosocomiales dont elle a été victime.
10. En troisième lieu, Mme B...demande une somme de 30 000 euros au titre des troubles subis dans ses conditions d'existence et de son préjudice sexuel en affirmant que son corps s'est modifié, que son humeur est affectée au point de ne pas supporter la moindre contrariété et qu'elle a dû abandonner l'exercice physique. Cependant, ses allégations sont contredites par l'expert judiciaire, qui a exclu tout préjudice esthétique permanent et noté explicitement que la patiente n'avait pas été empêchée de se livrer à des activités de loisirs ou de sport, et elles ne sont étayées par aucun élément versé au dossier.
11. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que Mme B... n'a pas pu, du fait de la période à laquelle son hospitalisation est intervenue, passer les fêtes de fin d'année en famille serait à l'origine d'un préjudice particulier justifiant le versement d'une indemnité spécifique. Par suite, la demande de la requérante tendant au versement d'une somme de 10 000 euros doit être rejetée.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées en appel, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires.
Sur les frais de l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Blois, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à Mme B...et à la CPAM de Loir-et-Cher de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B...la somme demandée par la CPAM de Loir-et-Cher au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CPAM de Loir-et-Cher au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B..., au centre hospitalier de Blois et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00249