Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2017, et un mémoire, enregistré le 8 août 2018, la Société Eifficentre, représentée par la SELAS Fidal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 9 août 2016 par laquelle le président de la région Centre-Val de Loire a refusé de modifier par avenant la consommation de référence fixée à l'annexe T8 du contrat de performance énergétique conclu le 17 juillet 2010 ;
3°) d'annuler la décision du 9 août 2016 par laquelle le président de la région Centre-Val de Loire a implicitement rejeté sa demande tendant au versement d'une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis le début de l'exécution du contrat ;
4°) d' enjoindre à la région Centre-Val de Loire de prendre les mesures nécessaires pour modifier la consommation de référence prévue au contrat dans un délai de quarante cinq jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de condamner la région Centre-Val de Loire à lui payer la somme de 218 755,48 euros, augmentée des intérêts au taux EONIA en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majorés de deux cent points de base, et de la capitalisation des intérêts à compter de l'enregistrement de la requête puis à chaque échéance annuelle, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis le début de l'exécution du contrat ;
6°) d'ordonner avant dire droit, en application de l'article R. 621-1 du Code de justice administrative, qu'il soit procédé à une expertise ayant pour objet d'apprécier l'ampleur des écarts entre la consommation de référence et les données de consommation réelle et subsidiairement, de chiffrer les conséquences financières de ces écarts jusqu'à l'échéance du contrat ;
7°) de mettre à la charge de la région Centre-Val de Loire le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal ne s'est prononcé ni sur la faute commise par la région Centre-Val de Loire, caractérisée par la méconnaissance du principe de neutralisation des parts de consommation de gaz cuisine et eau chaude sanitaire, ni sur la responsabilité sans faute au titre de l'imprévision ;
- les conclusions dirigées contre la décision du 9 août 2016 par laquelle la région Centre-Val de Loire a refusé de rectifier la consommation de référence, erronée, servant au calcul de la performance énergétique et telle que fixée à l'annexe T8 du contrat de performance énergétique conclu le 17 juillet 2010, sont recevables, dès lors que cette décision ne constitue pas une simple mesure d'exécution du contrat et qu'elle remet en cause l'équilibre financier du contrat ;
- la responsabilité contractuelle de la région doit être engagée dès lors qu'elle a méconnu ses obligations contractuelles en refusant d'apporter au contrat les ajustements nécessaires à sa bonne exécution compte tenu des erreurs affectant les parts gaz cuisine et eau chaude sanitaire pour le calcul de la consommation de référence ;
- la responsabilité sans faute de la région doit également être engagée, sur le fondement de la théorie de l'imprévisibilité, compte tenu du caractère disproportionné et totalement inexpliqué des incohérences entre les données de référence et les données de consommation réelles et de l'aléa contractuel subi en conséquence par la Société Eifficentre ;
- une expertise permettrait d'apprécier l'ampleur des écarts entre la consommation de référence et les données réelles et d'en chiffrer les conséquences financières jusqu'à l'échéance du contrat.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 novembre 2017 et 7 septembre 2018, la la région Centre-Val de Loire, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Société Eifficentre une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué manquent en fait ;
- la demande de première instance de la société Eifficentre est irrecevable en raison de son caractère tardif ;
- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 août 2016 et celles à fin d'injonction sont irrecevables ;
- aucun des moyens soulevés par la société Eifficentre n'est fondé ;
- aucune faute de nature à engager sa responsabilité ne lui est imputable ;
- l'expertise sollicitée ne présente aucun caractère d'utilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- les observations de Me C...pour la Société Eifficentre, et de Me A...pour la région Centre-Val de Loire.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 19 décembre 2008, la Région Centre-Val de Loire a décidé de la passation d'un contrat de performance énergétique, sous forme d'un contrat de partenariat, ayant pour objet d'améliorer la performance énergétique de dix-huit lycées et de bâtiments administratifs. Le 17 juillet 2010, la région Centre-Val de Loire et la société Eifficentre, dont l'offre a été retenue, à l'issue d'une procédure de dialogue compétitif, comme étant économiquement la plus avantageuse, ont conclu un contrat pour une durée de 15 ans. Ce contrat prévoit notamment que le titulaire garantit à la région l'atteinte des performances énergétiques, et qu'en cas de dépassement ou de non-atteinte de cet engagement, le montant de la rémunération du titulaire est affecté soit d'un bonus, soit d'un malus, déterminé par comparaison des consommations réelles d'énergie annuellement constatées avec une consommation de référence. Cette consommation de référence a été contractuellement fixée à partir du niveau de consommation d'énergies nécessaires à l'ensemble des installations, à l'exclusion de la part d'énergie (gaz) nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, elle-même fixée, en l'absence de données relatives aux consommations réelles antérieures, sur la base d'une estimation annuelle théorique. Toutefois, à partir de l'année 2011, des écarts importants entre l'estimation annuelle théorique de la consommation d'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines et le niveau réel de consommation d'énergie lié à ces installations ont été constatés. En effet, cette consommation s'est révélée significativement inférieure à la consommation théorique estimée. La société Eifficentre a alors saisi la région Centre-Val de Loire, le 3 juillet 2012 d'une demande tendant à la modification, par avenant au contrat, de la consommation de référence pour tenir compte du niveau réel de consommation d'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines. Par un courrier du 28 août 2012, la région Centre-Val de Loire a rejeté cette demande. La société Eifficentre a réitéré sa demande le 21 septembre 2013. Par une décision du 27 novembre 2013, le président de la région Centre-Val de Loire a rejeté cette nouvelle demande. Par une demande préalable du 21 mars 2014, la société Eifficentre a demandé à la région de lui verser une indemnité de 176 227 euros, correspondant à la perte de rémunération qu'elle estime avoir indument subie, résultant de l'intéressement négatif (malus) qu'elle a supporté au cours des années 2011, 2012 et 2013. Au terme d'une procédure de conciliation, engagée en application du contrat, le président de la région Centre-Val de Loire, par courrier du 12 avril 2016, a rejeté cette demande préalable. Le 8 juin 2016, la société Eifficentre a une nouvelle fois sollicité une modification du contrat ainsi que son indemnisation, à hauteur de 218 755,48 euros, au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis le début de l'exécution du contrat. Par un courrier du 9 août 2016, le président de la région Centre-Val de Loire a confirmé sa décision du 12 avril 2016. La société Eifficentre relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2016 ainsi que ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. D'une part, il résulte de l'examen du jugement attaqué que, pour écarter la responsabilité pour faute de la région Centre-Val de Loire, le tribunal administratif d'Orléans, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a relevé qu'il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la région Centre-Val de Loire se serait engagée à modifier, par avenant en cours de contrat, la consommation de référence des lycées et bâtiments pour tenir compte de la différence existant entre, d'une part, l'estimation théorique de la consommation d'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, et, d'autre part, les consommations réelles constatées pour ces mêmes besoins.
4. D'autre part, pour écarter la responsabilité sans faute de la région Centre-Val de Loire les premiers juges ont relevé que les différences constatées, lors des premières années d'exploitation des installations, entre les consommations théoriques estimées et les consommations réelles d'énergie nécessaires à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, ne présentaient pas, à la date à laquelle le contrat a été signé, un caractère imprévisible, la société Eifficentre n'ignorant pas que les consommations d'énergie liées à ces équipements résultaient d'estimations théoriques et non de relevés de consommation réelle.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 août 2016 et à fin d'injonction :
6. Si une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, ce juge, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution du contrat autre qu'une résiliation, peut seulement rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité en raison du préjudice qu'elle a causé.
7. Il résulte de l'instruction que la décision du 9 août 2016 par laquelle le président de la région Centre-Val de Loire a confirmé son refus de procéder à la modification, par avenant au contrat conclu avec la société Eifficentre, de la consommation de référence servant de base à l'appréciation de l'atteinte des objectifs annuels de performances énergétiques assignés au titulaire du contrat, n'a eu ni pour objet ni pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre la région et la société Eifficentre. Cette décision constitue ainsi, compte tenu de son objet et de sa portée, une simple mesure d'exécution du contrat en cause. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de cette décision sont irrecevables et doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées par la société Eifficentre tendant à ce qu'il soit enjoint à la région Centre-Val de Loire, sous astreinte, de prendre les mesures nécessaires pour procéder à la modification par avenant de la consommation de référence prévue au contrat.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la région pour manquement aux obligations contractuelles et méconnaissance du principe de loyauté contractuelle :
8. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du paragraphe 2.2.2 de l'annexe T9b du contrat, que l'engagement global de performance énergétique auquel a souscrit la société Eifficentre porte sur l'ensemble des énergies nécessaires aux installations concernées, à l'exclusion toutefois de l'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines. Or, d'une part, la société Eifficentre, tout comme les autres candidats, a été informée dès la phase de dialogue compétitif de l'impossibilité pour la région de disposer de données relatives à la consommation réelle d'énergie liée à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, et de ce que la consommation de référence, constituant l'objectif minimal de performance énergétique à atteindre, serait contractuellement déterminée après déduction de la part d'énergie (gaz) nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, elle-même fixée sur la base d'une estimation annuelle théorique. Chacun des candidats a ainsi été invité à réaliser un audit énergétique détaillé afin de pouvoir élaborer son offre, et la société Eifficentre a, à cette fin, missionné un bureau d'étude. D'autre part, ainsi qu'elle l'admet elle-même, la société requérante a accepté, dans le cadre du dialogue compétitif, les valeurs théoriques de consommation d'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, déterminées sur la base d'une estimation dont elle n'a pas contesté les modalités, qui ont été déduites de la consommation totale d'énergie pour fixer la consommation de référence " gaz chauffage " prévue au contrat. Enfin, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune stipulation du contrat ne prévoit la modification ou la correction, par avenant, de la consommation de référence pour tenir compte de la différence susceptible d'être constatée entre d'une part, l'estimation théorique de la consommation d'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines et, d'autre part, les consommations réelles relevées à ce titre.
10. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant la modification du contrat sollicitée par la société Eifficentre, qui n'est pas prévue au contrat, la région Centre-Val de Loire, qui a mis en oeuvre les stipulations du contrat, n'a ni manqué à ses obligations contractuelles ni méconnu le principe de loyauté des relations contractuelles, alors d'ailleurs que le risque contractuel résultant du caractère théorique de la consommation d'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines a été pris de manière symétrique et identique par les deux parties au contrat.
Sur la responsabilité sans faute en vertu de la théorie de l'imprévision :
11. Ainsi qu'il a été dit au point 10, il résulte du paragraphe 2.2.2 de l'annexe T9b du contrat que l'engagement global de performance énergétique auquel a souscrit la société Eifficentre porte sur l'ensemble des énergies nécessaires aux installations concernées, à l'exclusion de l'énergie nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines. A cet égard, la société Eifficentre a été informée dès la phase de dialogue compétitif de ce que la consommation de référence, constituant l'objectif minimal de performance énergétique à atteindre, serait contractuellement déterminée après déduction de la part d'énergie (gaz) nécessaire à la production d'eau chaude sanitaire et aux cuisines, elle-même fixée sur la base d'une estimation annuelle théorique. Elle avait en outre connaissance, à la date de signature du contrat, des valeurs théoriques de consommation d'énergie nécessaire à ces équipements, qu'elle a acceptées. Dans ces conditions, les écarts constatés lors des premières années d'exploitation des installations entre les consommations théoriques estimées et les consommations réelles d'énergie liée à la production d'eau chaude et aux cuisines, ne sauraient être regardés comme présentant, à la date de signature du contrat, un caractère imprévisible, et, par suite, ouvrir droit à indemnité.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance, ni d'ordonner une expertise qui ne revêtirait pas, au cas d'espèce, de caractère utile, que la société Eifficentre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Centre-Val de Loire, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Eifficentre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eifficentre, sur le fondement de ces mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à la région Centre-Val de Loire.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Eifficentre est rejetée.
Article 2 : La société Eifficentre versera à la région Centre-Val de Loire la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eifficentre et à la région Centre-Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
Le rapporteur,
P. BesseLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la région Centre-Val de Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02503