Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2017 Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 31 janvier 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le sens des conclusions du rapporteur public ne répond pas aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et méconnaît le droit à un procès équitable ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé ;
- le compte rendu d'incident est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas le nom de l'agent qui l'a établi ;
- le rapport d'enquête est irrégulier du fait de l'illisibilité de la signature de l'auteur de l'acte et du fait de l'absence d'éléments recueillis auprès des services de l'établissement ;
- la décision de poursuite est irrégulière dès lors que la signature de l'auteur de l'acte est illisible et qu'elle est insuffisamment motivée ;
- la décision de sanction, le compte rendu d'incident et le rapport d'enquête révèlent un pré-jugement qui rend illégale la décision contestée ;
- la composition de la commission de discipline était irrégulière en raison de l'absence de mention quant à la présence de deux assesseurs et de leurs compétences ;
- le principe du contradictoire a été méconnu ;
- les droits de la défense ont été méconnus au regard des dispositions de l'article
R. 57-7-16 du code de procédure pénale ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les faits reprochés ne sont pas établis ;
- la sanction méconnaît le principe d'individualisation de la peine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrot,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., alors détenue au centre pénitentiaire Sud Francilien Réau, a fait l'objet d'un compte rendu d'incident le 31 décembre 2013 indiquant qu'elle avait agressé un surveillant pénitentiaire en lui mordant le doigt. À la suite d'un rapport d'enquête rédigé le 1er janvier 2014, la commission de discipline s'est réunie le 2 janvier 2014 et a prononcé à son encontre, ce même jour, une sanction de trente jours de cellule disciplinaire dont deux en prévention. Mme C...a présenté un recours préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris qui a confirmé la sanction disciplinaire initiale le 31 janvier 2014. L'intéressée relève appel du jugement du 30 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi par elle alors qu'elle avait été transférée au centre pénitentiaire de Rennes, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 25 novembre 2016, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond ". Le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet. Par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ainsi que le droit à un procès équitable auraient été méconnus.
3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris du 31 janvier 2014 :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Mme C...se borne à reprendre devant la cour les moyens qu'elle a déjà développés en première instance, sans les assortir de précisions ou d'éléments nouveaux. Par suite, ces moyens seront écartés par les motifs qui ont été retenus par les juges de première instance, tirés de ce le compte rendu d'incident n'était pas irrégulier en la forme, de ce que le contenu du rapport d'enquête satisfaisait aux exigences des dispositions de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale, de ce que la décision d'engager une procédure disciplinaire n'avait pas à être motivée et était régulière en la forme, de ce que ni le compte-rendu d'incident, ni le rapport d'enquête, ni la décision du chef d'établissement de poursuivre la procédure disciplinaire ne comportaient de manière prématurée une décision de sanction, de ce que la commission de discipline était régulièrement composée, de ce que la procédure devant cette commission a été régulière et de ce que le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été méconnus.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : /1° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement ; ", ", aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : /7° La mise en cellule disciplinaire. ". L'article R. 57-7-47 de ce code précise que : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. / Cette durée peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l'article R. 57-7-1. ". Enfin, l'article R. 57-7-49 du code de procédure pénale prévoit : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur.(...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le 31 décembre à 15h30, à la suite du refus d'un surveillant pénitentiaire d'accéder à sa demande de convocation des autres détenues à propos de l'organisation d'un repas en salle de convivialité, Mme C...a agressé celui-ci et lui a mordu le doigt. Si l'intéressée conteste la réalité de ces faits en soutenant qu'elle a seulement fait semblant de mordre le doigt du surveillant, le rapport d'enquête fait état de la présence d'autres surveillants qui ont été témoins de l'incident. En outre, le compte-rendu d'incident professionnel en date du 31 décembre 2013 confirme les faits tels qu'ils sont décrits dans le rapport d'enquête. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a pu, sans qu'il y ait besoin de rechercher des photographies ou un certificat médical attestant de la morsure, estimer que la matérialité des faits était suffisamment établie.
7. Les faits rappelés au point 6 sont constitutifs d'une faute disciplinaire du premier degré au sens des dispositions précitées du 1° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale. En application de l'article R. 57-7-47 du même code, cette faute pouvait légalement faire l'objet d'un placement en cellule disciplinaire dont la durée pouvait atteindre trente jours de cellule disciplinaire. Eu égard à la nature de la faute commise par la requérante et à ses antécédents disciplinaires, notamment le refus d'obtempérer, les agressions verbales et physiques envers le personnel pénitentiaire, ainsi qu'il ressort du rapport d'enquête, la sanction de mise en cellule disciplinaire de trente jours prise à son encontre est proportionnée à la faute commise et adaptée à la personnalité de l'auteur.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
Le président rapporteur,
I. PerrotL'assesseur,
E. Berthon
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01629