Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 avril 2018 Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté de la préfète d'Eure-et-Loir ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est entaché d'un vice de procédure ;
- la préfète a commis une erreur de droit en s'estimant liée par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2018, la préfète d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthon été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante tunisienne, est entrée en France le 12 juin 2015 sous couvert d'un visa valable du 3 juin au 3 octobre 2015. Elle a demandé, le 17 décembre 2015, un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 26 octobre 2017, la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Mme B... relève appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé ". Selon l'article R. 313-22 du même code dans sa rédaction applicable : " L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. ". L'arrêté du 9 novembre 2011 visé plus haut prévoit à son article 1er que : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ", et à son article 3 que : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution ".
3. La préfète d'Eure-et-Loir a pris l'arrêté contesté après avoir sollicité à deux reprises l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. Dans son premier avis, du 2 février 2016, rendu sur la base d'un rapport médical transmis le 28 décembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que cette prise en charge était disponible en Tunisie et que les soins prodigués à Mme B... devaient être poursuivis pendant six mois. Dans son second avis, du 17 août 2016, ce même médecin a confirmé le caractère indispensable de la prise en charge médicale dont bénéficiait Mme B...et sa disponibilité en Tunisie et a estimé qu'elle pouvait voyager vers ce pays sans risque pour sa santé. Mme B...conteste la régularité de ce second avis, soutenant qu'il devait faire l'objet d'un nouveau rapport médical. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des éléments médicaux produits par MmeB..., que le médecin de l'agence régionale de santé n'aurait pas été en mesure, au vu du rapport médical qui lui avait été remis le 28 décembre 2015 et qui, en application des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 9 novembre 2011 citées plus haut, devait mentionner les perspectives d'évolution de l'état de santé de MmeB..., de rendre un avis informé et pertinent sur cette évolution et qu'il était, de ce fait, tenu de suspendre son examen et d'en informer l'autorité préfectorale. L'avis émis le 17 août 2016 doit donc être regardé comme ayant été rendu régulièrement. Par suite, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'un vice de procédure.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté Mme B...était en rémission complète de la pathologie lourde pour laquelle elle avait été soignée à partir de 2015, que son état de santé nécessitait un suivi médical régulier pour prévenir tout risque de rechute et qu'elle était soignée pour une lésion des cordes vocales provoquée accidentellement par l'un des actes de soin dont elle avait précédemment bénéficié. Si la requérante soutient que le suivi médical et les soins dont elle avait besoin n'étaient pas disponibles en Tunisie, elle n'apporte aucun élément de nature à infirmer la pertinence de l'avis en sens contraire du médecin de l'agence régionale de santé. En outre, la préfète d'Eure-et-Loir produit des éléments d'information récents qui confirment le point de vue du médecin de l'agence régionale de santé. Par conséquent, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 2.
6. Pour le surplus, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l'arrêté contesté est suffisamment motivé et qu'il n'est pas entaché d'incompétence négative.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01528