Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 15 janvier 2015 et 23 septembre 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par la polyclinique de Keraudren.
Il soutient que :
- la décision contestée est suffisamment motivée au regard des textes applicables ; il y a lieu de tenir compte des différentes phases de la procédure de contrôle et de sanction pour apprécier le caractère suffisant de la motivation de la sanction ;
- les motifs de la modulation de la sanction prononcée en définitive ont également été exposés ;
- La polyclinique de Keraudren, qui a été destinataire du rapport de contrôle et de la lettre l'informant de la sanction envisagée, ne pouvait pas ignorer les motifs de la sanction prononcée ;
- les droits de la défense ont été respectés tout au long de la procédure.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2015, la polyclinique de Keraudren, représentée par MeB..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours tardif du ministre est irrecevable ;
- les moyens soulevés par le ministre chargé de la santé dans son recours ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 août 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2016 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que la polyclinique de Keraudren a fait l'objet, du 19 au 23 octobre 2009, dans le cadre du programme régional de contrôle mis en oeuvre par l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Bretagne, d'un contrôle relatif à l'application, au cours de l'année 2008, de la tarification à l'activité portant sur les séjours avec co-morbidités associées (CMA) et sur les séjours 0 jour ; que les personnes chargées du contrôle ont constaté des anomalies pour l'ensemble des champs contrôlés ; que, par courrier du 20 septembre 2010, le directeur de l'agence régionale de santé (ARS), qui a succédé à l'ARH de Bretagne, a informé l'établissement qu'une sanction était envisagée en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dont le montant maximal était de 517 032,50 euros ; que la polyclinique de Keraudren a présenté des observations par courrier du 21 octobre 2010 ; que la décision de sanction définitive du directeur général de l'agence lui a été notifiée le 29 décembre 2010 pour un montant de 70 034,07 euros ; que l'établissement a présenté un recours gracieux le 20 janvier 2011 qui a été rejeté par une décision du 8 février 2011 ; que le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi par la la polyclinique de Keraudren, a annulé ces deux décisions ;
Sur la recevabilité du recours :
2. Considérant, que si, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1432-2 et R. 1432-66 du code de la santé publique, le directeur général de l'agence régionale de santé exerce, au nom de l'Etat, les compétences mentionnées à l'article L. 1431-2 de ce code en matière de contrôle de l'application de la tarification à l'activité par les établissements de santé vise et d'application des sanctions dont ces établissements sont passibles le cas échéant, et s'il représente l'Etat devant le tribunal administratif dans tous les litiges relatifs aux décisions qu'il prend à ce titre, c'est au ministre chargé de la santé qu'il appartient de relever appel des jugements rendus par le tribunal administratif dans ces matières ; que, par suite, la notification de ces jugements doit être adressée à ce ministre ; qu'à défaut de notification régulière à ce ministre, le délai d'appel ne court pas ;
3. Considérant que le jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes a été notifié au directeur général de l'ARS, qui représentait l'Etat devant le tribunal, et non au ministre chargé de la santé, seul compétent pour faire appel ; qu'il s'ensuit qu'à défaut de notification régulière à ce ministre, le délai d'appel n'a pas couru à son encontre ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la La polyclinique de Keraudren ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'agence régionale de santé ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie en application du programme de contrôle régional établi par l'agence. Le directeur général de l'agence prononce la sanction après avis d'une commission de contrôle composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des organismes d'assurance maladie et du contrôle médical. La motivation de la sanction indique, si tel est le cas, les raisons pour lesquelles le directeur général n'a pas suivi l'avis de la commission de contrôle. La sanction est notifiée à l'établissement. / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement (...) " ; ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
5. Considérant que la sanction financière prononcée sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale est au nombre des décisions administratives infligeant une sanction au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle doit, par suite, être motivée ;
6. Considérant que la décision de sanction contestée, notifiée le 29 décembre 2010, comporte la mention des dispositions applicables du code de la sécurité sociale, en particulier les articles L. 162-22-6, L. 162-22-18 et R. 162-42-13 ; que le directeur de l'ARS de Bretagne y rappelle également de manière précise le contenu de son courrier du 20 septembre 2010, lequel indiquait qu'une sanction était envisagée, en précisait le montant de 517 032,50 euros et comportait en annexe une pièce expliquant le calcul de cette sanction ; qu'il y indique ensuite de manière détaillée les motifs, et notamment celui relatif à l'engagement contractuel de bonnes pratiques souscrit par la polyclinique à la suite du contrôle, qui le conduisent à minorer la sanction envisagée pour la ramener à 70 034,07 euros ; que si cette minoration représentait un abattement de la sanction initialement envisagée plus élevé que celui de 20 % qui était annoncé, cette circonstance, alors qu'un tel abattement relevait du pouvoir discrétionnaire de l'administration, ne permet pas d'estimer que la décision de sanction contestée était insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour annuler les décisions contestées, sur la circonstance qu'elles auraient été insuffisamment motivées ;
7. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la polyclinique de Keraudren devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour ;
8. Considérant, en premier lieu, que si la polyclinique de Keraudren se prévaut des principes méthodologiques énoncés par la commission de contrôle de l'ARS, consistant à ne faire porter les contrôles que sur les activités pour lesquelles des anomalies avaient précédemment été constatées et, par voie de conséquence, à ne sanctionner que les récidives, et si elle fait valoir à cet égard que certains groupes homogènes de séjour (GHS) n'ayant pas fait l'objet de contrôle antérieur, ne pouvaient pas être sanctionnés, le directeur de l'ARS, qui n'était pas tenu par cette prescription méthodologique, laquelle d'ailleurs n'avait aucune valeur impérative, conservait toute compétence pour appliquer une sanction financière à raison de toutes les anomalies relevées lors du contrôle ; qu'en outre, la polyclinique ne saurait utilement se prévaloir du guide du contrôle externe régional, lequel est dépourvu de tout caractère normatif ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que si la polyclinique se prévaut des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles le montant de la sanction est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues, la seule circonstance que les manquements constatés ont été contestés lors de la procédure administrative contradictoire ne suffit pas à établir qu'ils seraient, de même que la sanction financière en résultant, erronés ;
10. Considérant, en troisième lieu, que la polyclinique ne saurait utilement faire valoir, à l'appui de son recours dirigé contre la sanction financière, le caractère prématuré de cette sanction en ce qu'elle aurait été prononcée sans que le tribunal des affaires de sécurité sociale et le juge judiciaire aient préalablement validé les actions en répétition de l'indu engagées par les caisses sur la base des constatations de la commission de contrôle, dès lors que l'action en recouvrement des indus, qui vise la récupération du trop-perçu des seuls séjours contrôlés avec anomalie, est indépendante de la procédure visant à appliquer une sanction financière, laquelle a le caractère d'une pénalité pécuniaire infligée pour des manquements aux règles de facturation, des erreurs de codage ou l'absence de réalisation d'une prestation facturée ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision notifiée le 29 décembre 2010 du directeur général de l'agence régionale de santé de Bretagne et la décision du 8 février 2011 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la polyclinique de Keraudren demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1101335 du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la polyclinique de Keraudren devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales et de la santé, à la polyclinique de Keraudren et à la caisse primaire d'assurance maladie du finistère nord.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Bretagne.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.
Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 15NT003462
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