Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2016, Mme A...B...épouseD..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe la Géorgie comme pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à ses problèmes de santé ;
- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle réside avec ses deux enfants mineurs sur le territoire français depuis plus de trois ans à la date de la décision contestée, elle et son époux qui l'a rejoint en février 2012 ont deux enfants qui sont scolarisés, l'ainé en 5ème et la plus jeune en grande section de maternelle ; l'ainé pratique le football et le karaté ; les parents de son époux sont décédés ; ses parents ainsi que son frère et sa soeur résident en France depuis de nombreuses années, sa soeur ayant obtenu la nationalité française ; l'ensemble de la famille B...vit en France ; ses enfants sont régulièrement pris en charge par leurs grands-parents ;
- le préfet a, pour les mêmes motifs, entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- Vu la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de MeC..., substituant MeF..., représentant Mme D....
1. Considérant que MmeD..., ressortissante géorgienne, est entrée irrégulièrement en France le 22 septembre 2011 à l'âge de 27 ans, accompagnée de enfants mineurs, nés en Géorgie en 2003 et 2010 ; qu'elle a sollicité, le 12 décembre 2011, son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; que sa demande a été rejetée par une décision du 31 octobre 2012 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 novembre 2013 ; qu'elle a, le 18 décembre 2013, demandé le réexamen de sa demande de statut de réfugié ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi dans le cadre de la procédure prioritaire, a à nouveau rejeté la demande d'asile de Mme D...par une décision du 13 février 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2014 ; que Mme D...a, le 25 mars 2015, sollicité un titre de séjour pour raisons de santé ; qu'une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée, valable du 25 mars 2015 au 24 juin 2015 ; qu'après avoir saisi le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par un arrêté du 29 juillet 2015, refusé à Mme D...la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant la Géorgie comme pays à destination duquel elle serait susceptible d'être renvoyé d'office ; que, par un jugement du 11 décembre 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes, après avoir renvoyé à une formation collégiale les conclusions de l'intéressée dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 29 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine, a rejeté les autres conclusions de sa demande ; que Mme D...relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;
3. Considérant que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur l'avis émis le 8 juin 2015 par le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque ; que si Mme D...soutient en appel que son état s'est dégradé du fait qu'outre ses problèmes d'origine asthmatique, elle a dû subir une tumorectomie le 6 octobre 2015, il est constant cependant que cette intervention, dont la gravité n'est pas établie, est postérieure à l'arrêté contesté ; qu'elle ne saurait ainsi utilement s'en prévaloir pour contester le refus de titre de séjour pour raisons de santé qui lui a été opposé ; que l'ensemble de ces éléments ayant trait à l'état de santé de Mme D...ne constitue pas davantage une " circonstance humanitaire exceptionnelle " au sens des dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, impliquant que sa situation ait due être appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; que, par ailleurs, si Mme D...fait grief au premier juge de ne pas s'être prononcé sur les conséquences qu'emporterait une interruption, même temporaire, des soins, elle ne verse aux débats aucun élément permettant de remettre en cause la teneur de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé selon lequel, si effectivement l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale sans laquelle les conséquences pourraient être graves, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il s'ensuit que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas en refusant le titre de séjour sollicité méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la requérante n'est, par suite, pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contestées dans la présente instance ;
4. Considérant, en second lieu et pour le surplus, que Mme D...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges, et tirés de ce que le préfet n'a pas, en prenant à son encontre la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il n'a pas pour les mêmes motifs entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressée et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant, enfin de ce que la décision fixant la Géorgie comme pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier juge ne s'étant pas mépris sur ce point, contrairement à ce qu'avance la requérante, sur les règles gouvernant la charge de la preuve de la réalité des risques encourus ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant la Géorgie comme pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du 29 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme D... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...épouse D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT00752