Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 septembre 2019, 4 novembre 2019 et 23 septembre 2020 (non communiqué), M. B... D... et Mme A... D..., devenue majeure le 13 septembre 2020, représentés par la SCP Delamarre et Jehannin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 24 juillet 2019 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de la Côte Fleurie, au besoin après avoir ordonné une expertise médicale, à leur verser la somme de 600 000 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Côte Fleurie la somme de
4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas utile d'ordonner une nouvelle expertise, dès lors que celle diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Basse-Normandie ne leur permettait pas de se prononcer sur la responsabilité du centre hospitalier de la Côte Fleurie ;
- c'est également à tort qu'ils ont jugé que la carence du centre hospitalier de la Côte Fleurie à demander la réalisation au CHU de Caen d'une scintigraphie myocardique était sans lien avec le décès de Florence D... ; cette faute est à l'origine d'une perte de chance de survie qui ne saurait être évaluée à moins de 50% ;
- il y a lieu de condamner le centre hospitalier de la Côte Fleurie à verser 400 000 euros à M. D... au titre des troubles dans ses conditions d'existence et 100 000 euros chacun au titre du préjudice moral qu'ils ont subi.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2020 le centre hospitalier de la Côte Fleurie, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Florence D..., née en 1965, qui comptait parmi ses antécédents médicaux une hypercholestérolémie non traitée, un tabagisme actif important et une cardiopathie ischémique associée à une sténose nécessitant un traitement médicamenteux, a été hospitalisée au centre hospitalier de la Côte Fleurie les 21 et 22 octobre 2013 pour une douleur thoracique d'allure angineuse. Les examens pratiqués n'ayant rien révélé d'anormal, il a été conclu à une douleur thoracique sans preuve ischémique avec un doute sur un éventuel angor spastique. Une scintigraphie myocardique et un traitement médicamenteux ont été prescrits. Le 21 novembre 2013, en raison de douleurs persistantes, Florence D... a de nouveau été admise au centre hospitalier de la Côte Fleurie. D'autres examens ont été réalisés, qui n'ont pas permis de poser un diagnostic probant. Florence D..., qui exerçait le métier de gouvernante à domicile, est décédée subitement sur son lieu de travail le 6 décembre 2013. Le 10 février 2016, M. B... D..., son époux, a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Basse-Normandie qui, après expertise, a rejeté sa demande indemnitaire par un avis du 11 janvier 2017. M. D..., en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de sa fille, Anna, a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de la Côte Fleurie à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation de leurs préjudices, après avoir ordonné une nouvelle expertise. Par un jugement du 24 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. D... et sa fille, devenue majeure, relèvent appel de ce jugement.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de la Côte Fleurie :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert mandaté par la CCI de Basse-Normandie, que Florence D... n'a pu être examinée par un médecin avant son décès, qu'aucun examen post-mortem n'a été réalisé ni aucune autopsie effectuée, et que les examens pratiqués les 21 et 22 octobre 2013 et le 21 novembre 2013, qui s'étaient tous révélés normaux, ne permettent pas de retenir avec certitude un décès en lien avec les antécédents cardiaques de la victime. L'expert a ainsi conclu que : " (...) il est impossible de pouvoir déterminer la cause certaine du décès, celui-ci étant en outre intervenu alors que la patiente était seule. ".
4. S'il résulte également de l'instruction que le centre hospitalier de la Côte Fleurie a commis une faute en omettant de prendre auprès du CHU de Caen le rendez-vous pour une scintigraphie myocardique prescrit par le médecin de Florence D... dans les suites de son hospitalisation des 21 et 22 octobre 2013, cette faute, dès lors que la cause du décès est inconnue, et compte tenu des hypothèses formulées par l'expert à partir des éléments disponibles du dossier médical de la patiente, ne peut être regardée comme étant en lien direct avec ce décès.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise qui, eu égard à l'impossibilité de déterminer les causes du décès de Florence D... présenterait un caractère frustratoire, que la responsabilité du centre hospitalier de la Côte Fleurie ne peut être engagée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de la Côte Fleurie, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à M. A... D..., au centre hospitalier de la Côte Fleurie et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2021.
Le rapporteur
E. C...Le président
I. PerrotLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03775