Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2018 Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 février 2018 en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Blois à lui allouer la somme totale de 37 534,62 euros au titre de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Blois la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de l'indemniser au titre de l'assistance par une tierce personne dont elle justifie avoir besoin ; que ce préjudice doit être évalué à la somme totale de 27 739,31 euros ;
- les sommes qui lui ont été accordées en première instance, à savoir 200 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 800 euros au titre des souffrances endurées, 950 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 450 euros au titre du préjudice d'agrément et 500 euros au titre des frais de transport, soit 2 900 euros en tout et non 1 950 euros comme indiqué par erreur dans le dispositif du jugement attaqué, doivent être respectivement portées à 272,16 euros, 1 500 euros, 990 euros, 1 200 euros et 825,35 euros ;
- son préjudice moral doit être réparé en lui allouant la somme de 5 000 euros.
Une mise en demeure a été adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher le 6 mars 2019 qui n'a pas produit de mémoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2019 le centre hospitalier général de Blois, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 8 février 1945, a été prise en charge au service des urgences du centre hospitalier de Blois le 13 décembre 2013 pour une coupure par verre au poignet gauche. Le médecin urgentiste qui l'a soignée a pratiqué une suture cutanée sous anesthésie locale sans autre examen. En raison de douleurs persistantes, Mme B... a consulté un chirurgien de la main en janvier et février 2014. Le 28 mars 2014, une reprise chirurgicale a été pratiquée, qui a permis d'extraire deux fragments de verre restés dans la plaie. Mme B... a demandé au juge des référés la désignation d'un expert. Par une ordonnance du 13 octobre 2015, le président du tribunal administratif d'Orléans a désigné un chirurgien de la main, qui a déposé son rapport le 30 avril 2016. Le 29 juin 2016, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Blois à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 22 février 2018, le tribunal a condamné cet établissement de santé à verser à Mme B... la somme de 1 950 euros. Mme B..., estimant cette somme insuffisante, relève appel de ce jugement.
I. La responsabilité
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. Le tribunal administratif d'Orléans a jugé que le praticien du centre hospitalier de Blois qui a soigné Mme B... le 13 décembre 2013 avait commis une faute en ne faisant pas réaliser une radiographie de son poignet blessé, ce qui aurait permis de détecter les morceaux de verre restés dans la plaie et de l'orienter rapidement vers un service de chirurgie spécialisée. Cette faute, dont la matérialité résulte du rapport de l'expert, n'est plus contestée en appel. Elle est donc établie et engage la responsabilité du centre hospitalier de Blois.
II. Les préjudices
4. Le tribunal a jugé, s'appuyant sur les conclusions de l'expert, que la faute commise par le centre hospitalier de Blois avait fait perdre à Mme B... une chance, qu'il a fixée à 30%, d'éviter les séquelles dont elle souffre aujourd'hui, à savoir des douleurs au niveau du pouce et de l'éminence thénar limitant la force physique de sa main gauche. Ce taux est admis par les parties et peut donc être confirmé en appel.
Sur l'assistance par une tierce personne :
5. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.
6. L'expert a indiqué dans son rapport qu'en raison des douleurs à la main gauche dont elle souffre, Mme B... nécessitait de façon définitive une assistance par tierce personne non spécialisée d'une heure par jour pour certaines activités domestiques et ménagères. Cette analyse n'est pas contredite par les autres éléments de l'instruction, qui confirment la réalité des souffrances endurées par Mme B... et leur caractère invalidant. Le chirurgien orthopédique qui a examiné Mme B... au CHU de Tours le 1er septembre 2014 a par exemple relevé que " Les douleurs sont permanentes à type de décharge électrique et à l'examen il existe une allodynie incontestable... ". Dans ces conditions, et alors même que Mme B... est droitière et que l'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de seulement 3%, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a refusé d'indemniser l'intéressée au titre de ce chef de préjudice. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point et de fixer à une heure par jour le besoin de Mme B... en assistance par une tierce personne non spécialisée.
7. Sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,50 euros et d'une année de 412 jours pour prendre en compte les congés payés et les jours fériés, le préjudice s'élève, jusqu'à la date du présent arrêt, à la somme de 33 029,53 euros et l'indemnité due à Mme B... à 9 908,86 euros après application du taux de perte de chance de 30% fixé au point 4.
8. Pour l'avenir, sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 14,04 euros en 2019 et d'une année de 412 jours pour prendre en compte les congés payés et les jours fériés, Mme B... a droit à une rente annuelle de 5 784,48 euros qu'il y a lieu de capitaliser par application du coefficient issu du barème de capitalisation 2018 de la Gazette du Palais. Sur la base de ces éléments rapportés à une victime âgée de 74 ans à la date du présent arrêt le préjudice s'élève à la somme de 81 578,52 euros et l'indemnité due à la requérante après application du taux de perte de chance à 24 473,56 euros.
9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Blois doit être condamné à verser à Mme B..., au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne, la somme totale de 34 382,42 euros dont seront déduites, le cas échéant, les aides sociales ayant le même objet perçues par la victime et qui devront être justifiées.
Sur les autres préjudices :
10. S'il est constant que Mme B... a exposé des frais de déplacement en lien direct avec la faute du centre hospitalier de Blois, notamment pour se rendre aux réunions d'expertise, elle ne produit pas les justificatifs de ces dépenses. Dans ces circonstances, la somme forfaitaire de 500 euros qui lui a été accordée en première instance doit être regardée comme une juste évaluation de son préjudice et peut donc être confirmée en appel.
11. L'expert a retenu que Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100% pendant 2 jours, de 10% pendant 276 jours et de 5% pendant 149 jours. Les premiers juges ont correctement évalué le montant de ce préjudice en accordant 200 euros à la requérante.
12. L'expert a évalué les souffrances endurées par Mme B... à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges ont suffisamment indemnisé ce préjudice en lui allouant une somme de 800 euros.
13. Le déficit fonctionnel permanent dont souffre Mme B... a été évalué à 3% par l'expert. Eu égard à son âge (72 ans) à la date de la consolidation de son état de santé, ce préjudice a été correctement évalué par le tribunal administratif d'Orléans à la somme de 950 euros, qui peut donc être confirmée en appel.
14. Il résulte de l'instruction que Mme B... a subi un préjudice d'agrément puisqu'elle a dû renoncer à la pratique du cyclotourisme, activité qu'elle pratiquait régulièrement au sein d'une association. Ce préjudice a été justement évalué à la somme de 450 euros par les premiers juges.
15. Enfin Mme B... n'établit pas avoir subi un préjudice moral en lien direct et certain avec la faute du centre hospitalier de Blois. Elle n'est donc pas fondée à demander une indemnité au titre de ce chef de préjudice.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... seulement est fondée à demander la réformation du jugement attaqué dans la mesure indiquée au point 9.
III. Les frais de l'instance :
17. Il y a lieu de maintenir à la charge définitive du centre hospitalier de Blois les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros par ordonnance du 16 juin 2016 du président du tribunal administratif d'Orléans.
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Blois la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 1 950 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Blois à verser à Mme B... est portée à 37 282,42 euros.
Article 2 : Le jugement n°1602108 du tribunal administratif d'Orléans du 22 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros par ordonnance du 16 juin 2016 du président du tribunal administratif d'Orléans sont maintenus à la charge définitive du centre hospitalier de Blois.
Article 5 : Le centre hospitalier d'Orléans versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au centre hospitalier de Blois et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur
E. A...Le président
I. Perrot
Le greffier
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01450