Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2018, l'office public de l'habitat Habitat 29, représenté par la SCP d'avocats Charrel et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2015 de l'agence de l'eau Loire-Bretagne ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'agence de l'eau Loire-Bretagne le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions contestées de l'agence de l'eau Loire-Bretagne sont insuffisamment motivées ;
- l'action 1-2 c1 relative aux études, contrôles, et réhabilitation de l'assainissement non collectif dont se prévaut l'agence de l'eau ne restreint pas l'octroi de l'aide aux diagnostics aux seuls propriétaires de leurs logements ; l'agence de l'eau a donc ajouté des conditions d'éligibilité au texte ;
- les décisions sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation de ses propres programmes et dénaturent les termes de sa demande d'aide ; l'agence de l'Eau n'a pas vérifié si les conditions nécessaires à l'octroi des aides étaient remplies ou non par Habitat 29 ; l'agence de l'Eau n'a pas apprécié la demande d'aide adressée par Habitat 29 au regard de ses ressources et de la nature et de l'objet du projet ; les deux conditions en vue de l'octroi des aides étaient nécessairement remplies ; l'agence de l'Eau ne peut affirmer qu'elle ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour octroyer les aides sollicitées ; Habitat 29 répond nécessairement aux objectifs de préservation des eaux et des milieux ;
- le droit de l'Union européenne doit être respecté en ce qu'il prévoit que les aides de l'agence de l'eau peuvent bénéficier aux entreprises ;
- le 10ème programme pluriannuel d'intervention de l'agence ne prohibe pas la possibilité d'apporter une aide aux structures portant un service d'intérêt économique général ; il n'y est pas indiqué que le cumul avec d'autres aides est interdit ; il ne ressort pas des pièces du dossier que l'office public de l'habitat Habitat 29 bénéficiait de compensations en contrepartie d'obligations de service public, contrairement à ce que mentionnent les décisions litigieuses ;
- les compensations financières que pourrait obtenir Habitat 29 ne constituent pas des aides d'Etat contraires aux règles du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; le cumul des aides à Habitat 29 est possible dès lors que le montant total des aides cumulées ne dépasse pas le montant de 500 000 euros sur trois années d'exercice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, l'agence de l'eau Loire-Bretagne, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Habitat 29 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'office public de l'habitat Habitat 29 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 7 septembre 2009 relatif aux modalités de l'exécution de la mission de contrôle des installations d'assainissement non collectif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour l'office public de l'habitat Habitat 29.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 5 juin 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de l'office public de l'habitat Habitat 29 tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2015 de l'agence de l'eau Loire-Bretagne lui refusant l'octroi d'aides financières ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux. L'office public de l'habitat Habitat 29 relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans chaque bassin ou groupement de bassins visé à l'article L. 212-1, une agence de l'eau, établissement public de l'Etat à caractère administratif, met en oeuvre les schémas visés aux articles L. 212-1 et L. 212-3, en favorisant une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques ". Aux termes de l'article L. 213-9-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'exercice des missions définies à l'article L. 213-8-1, le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. Le Parlement définit les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau et fixe le plafond global de leurs dépenses sur la période considérée ainsi que celui des contributions des agences à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (...) ". Aux termes de l'article L. 213-9-2 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Dans le cadre de son programme pluriannuel d'intervention, l'agence de l'eau apporte directement ou indirectement des concours financiers sous forme de subventions, de primes de résultat ou d'avances remboursables aux personnes publiques ou privées pour la réalisation d'actions ou de travaux d'intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins qui contribuent à la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques.(...) ". Aux termes de l'article R. 213-32 de ce code : " I.- Pour l'exercice de ses missions définies aux articles L. 213-8-1 et L. 213-9-2 : /1° L'agence peut attribuer des subventions, des primes de résultat et consentir des avances remboursables aux personnes publiques ou privées, dans la mesure où les études, recherches, travaux ou ouvrages exécutés par ces personnes et leur exploitation entrent dans le cadre de ses attributions. (...) ". Aux termes de l'article R. 213-39 de ce code : " Le conseil d'administration règle, par ses délibérations, les affaires de l'établissement. Il délibère notamment sur : (...) 2° Les programmes généraux d'activité, et notamment les programmes pluriannuels d'intervention prévus à l'article L. 213-9-1 ; (...) 7° Les conditions générales d'attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées ".
3. Le conseil d'administration de l'agence de l'eau Loire-Bretagne a défini, par délibération approuvée le 29 octobre 2015, dans le cadre de son 10ème programme pluriannuel, les règles générales d'attribution des aides de l'agence. Cette délibération précise, dans son article 1er, que ces aides " n'ont pas un caractère systématique " et que " Leur attribution, voire la modulation de leur niveau, est fonction des possibilités financières de l'agence et de l'efficience attendue des projets concernés vis-à-vis de l'état des eaux et des milieux ". Le conseil d'administration a, par la même délibération, approuvé la " fiche action " 1-2c1 " études, contrôles et réhabilitation de l'assainissement non collectif " qui énumère les opérations aidées, à savoir " les diagnostics de l'existant et les états des lieux, le contrôle des installations neuves ou réhabilitées, l'animation préalable par le SPANC [service public d'assainissement non collectif ] aux travaux de réhabilitation, les travaux de réhabilitation de certains dispositifs existants ". Cette fiche précise également que les bénéficiaires de ces aides sont " les collectivités locales ou leurs groupements ou leurs établissements publics ayant créé le SPANC " (service public d'assainissement non collectif) ou bien les " usagers ayant passé une convention de mandat avec la collectivité compétente, y compris les établissements pratiquant une activité économique concurrentielle (restaurants, artisans...) pour leurs seuls effluents domestiques. ". Enfin, cette fiche-action rappelle que l'aide pour les établissements pratiquant une activité économique est accordée dans le cadre du règlement n°1407/2013 de la Commission européenne du 18 décembre 2013 pour la période 2014-2020.
4. Aux termes de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales : " I. - Les communes sont compétentes en matière d'assainissement des eaux usées. (...) III. - Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif (...) ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". En égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose l'agence de l'eau en la matière, les décisions de refus de subvention ne sont pas au nombre de celles qui, au sens des dispositions précitées, refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 18 décembre 2015 ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, il résulte de règles d'attribution approuvées par l'agence de l'eau et mentionnées au point 3 que les bénéficiaires des aides liées à la fiche action " études, contrôles et réhabilitation de l'assainissement non collectif " sont, d'une part, les communes ou leurs groupements disposant, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, de la compétence pour le contrôle des installations d'assainissement non collectif et qui exercent cette compétence grâce à la mise en place de services publics d'assainissement non collectif (SPANC), d'autre part, pour leurs seuls effluents domestiques, les usagers, notamment les propriétaires ayant passé une convention de mandat avec la collectivité compétente. Il n'est pas contesté que l'office public d'habitat Habitat 29, qui est un établissement public industriel et commercial chargé de la gestion d'un service d'intérêt économique général, bénéficiant à ce titre d'exonérations fiscales et d'aides spécifiques de l'Etat, n'entre dans aucune de ces catégories de bénéficiaires. S'il soutient que le droit de l'Union européenne doit être respecté en ce qu'il prévoit que les aides de l'agence de l'eau peuvent bénéficier aux entreprises, que les compensations financières qu'il pourrait obtenir ne constituent pas des aides d'Etat contraires aux règles du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et que " l'agence de l'Eau ne peut affirmer qu'elle ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour octroyer les aides sollicitées ", ces moyens ne peuvent qu'être écartés dès lors que l'office ne remplissait pas les conditions d'octroi de l'aide sollicitée. Par suite, en refusant, par la décision du 18 décembre 2015 à l'office public d'habitat Habitat 29, cette aide financière, l'agence de l'eau n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation. Les conclusions dirigées contre la décision du 21 avril 2016 de l'agence de l'eau, prise sur recours gracieux, qui se borne à confirmer celle du 18 décembre 2015 et n'a pas eu à se prononcer au vu de circonstances de fait ou de droit nouvelles, doivent être également rejetées, sans qu'il puisse utilement se prévaloir des vices propres dont cette seconde décision serait entachée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'office public d'habitat Habitat 29 n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'agence de l'eau Loire Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'office public d'habitat Habitat 29 de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'office public d'habitat Habitat 29 le versement à l'agence de l'eau Loire-Bretagne d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'office public d'habitat Habitat 29 est rejetée.
Article 2 : L'office public d'habitat Habitat 29 versera à l'agence de l'eau Loire- Bretagne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public d'habitat Habitat 29 et à l'agence de l'eau Loire-Bretagne.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme A..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03192