Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 novembre 2018, 23 novembre 2018 et 29 janvier 2019 Mme D..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ou une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente dans la mesure où il n'est justifié ni d'une délégation de signature ni d'une absence ou d'un empêchement du délégant ;
- cet arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- elle remplit les conditions pour se voir délivrer la carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français qu'elle a sollicitée auprès du préfet sans que celui-ci réponde à sa demande ;
- en s'estimant lié par l'avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- compte tenu de l'impossibilité d'accéder au Liban à une prise en charge appropriée à son état de santé, la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante libanaise, relève appel du jugement du 31 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 28 février 2018 du préfet du Loiret refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Par un arrêté du 12 février 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 13 février 2018, le préfet du Loiret a donné délégation à Mme Nathalie Hazoumé-Costenoble, secrétaire général par intérim de la préfecture, pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté contesté doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " . Pour bénéficier d'une carte de résident en qualité d'ascendant à charge, le demandeur doit non seulement produire un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mais également démontrer être effectivement à la charge de ses descendants ainsi que l'antériorité de cette dépendance. Si Mme D... est hébergée chez sa fille de nationalité française et produit des attestations manuscrites établies par ses enfants postérieurement à son entrée en France et indiquant qu'elle est prise en charge financièrement par sa fille de nationalité française qui l'héberge, ces affirmations ne sont étayées d'aucun élément probant et ne sont pas de nature à justifier de ce que l'intéressée était effectivement à la charge de sa fille avant son entrée sur le territoire français, le 26 novembre 2016, sous couvert d'un visa portant la mention " ascendant non à charge ". En outre, l'intéressée ne conteste pas être entrée en France sans être en possession d'un visa de long séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 21 décembre 2017, dont le préfet s'est approprié les termes, le collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle pouvait voyager sans risque. L'intéressée soutient qu'elle souffre de diabète, de cholestérol, de problèmes cardiaques, d'épilepsie, d'hypertensions et de problèmes de vue. Toutefois, les documents médicaux qu'elle produit, relatifs aux examens et aux traitements qu'elle suit ne comportent aucune indication relative à une indisponibilité d'un traitement approprié au Liban. En se bornant par ailleurs à se prévaloir d'articles de presse comprenant des considérations d'ordre général sur les systèmes libanais de retraites et de santé, Mme D... ne justifie pas d'une inaccessibilité à titre personnel aux soins que nécessite son état de santé, alors que le préfet produit au demeurant un courriel de l'autorité consulaire française à Beyrouth indiquant que l'intéressée et son époux avaient justifié disposer de ressources propres à l'appui de leurs demandes de visas et fourni des justificatifs bancaires en ce sens. Enfin, la requérante n'établit pas que la nécessité dont elle se prévaut d'être accompagnée par une tierce personne ne pourrait être assurée dans son pays d'origine où elle a résidé avec son époux la majeure partie de sa vie et où réside notamment l'un de ses fils. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Loiret a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
6. Mme D... soutient qu'elle dispose d'attaches familiales en France où réside la famille de sa fille de nationalité française, qui la prend en charge, que son beau-frère, ancien combattant, a servi les intérêts de la France, et invoque son état de santé. Toutefois, l'intéressée, dont l'époux a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement, n'est pas dépourvue de toute attache familiale au Liban, qu'elle a quitté en 2016 à l'âge de soixante-quatorze ans et où réside notamment la famille de l'un de ses quatre enfants. Par ailleurs et ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme D... n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'une prise en charge appropriée à son état de santé. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressée, la décision contestée portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, la décision par laquelle le préfet du Loiret a obligé Mme D... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, en prenant cette même décision, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Pour le surplus, Mme D... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation, de ce que le préfet du Loiret n'a pas omis de se prononcer sur sa demande de titre de séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français et de ce qu'il ne s'est pas estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., née E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mars 2019
Le rapporteur,
O. Coiffet Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT040162