Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 septembre 2014 et 9 janvier 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juillet 2014 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'Earl les Roseaux devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- en vertu de l'article D. 615-69 du code rural et de la pêche maritime, pris pour l'application du règlement (CE) n° 1120/2009 du 29 octobre 2009, le montant de référence de la Scea les Roseaux ne pouvait être attribué à l'Earl les Roseaux dès lors que le changement de statut juridique de l'exploitation a correspondu à une augmentation de plus de 5% de la surface agricole utile entre le 15 mai 2008 et le 15 mai 2009 ;
- seule une demande de DPU issus de la réserve nationale aurait pu être prise en compte au profit de l'Earl requérante ;
- les dispositions du décret du 16 décembre 2010 relatif à certains régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune, publié au Journal officiel de la République française du 18 décembre 2010, pouvaient être opposées à l'Earl Les Roseaux dès lors que ce texte n'a pas modifié le seuil de 5 % alors applicable en vertu de l'article 1er du décret n° 2007-1705 du 3 décembre 2007 portant application du règlement (CE) n° 1782/2003 ;
- en déposant, le 14 mai 2010, sa demande de prise en compte d'un changement de statut ou de dénomination juridique d'une exploitation intervenu entre le 1er janvier 2005 et le 15 mai 2010, l'Earl les Roseaux a fait le choix de recourir à un régime d'aides et a ainsi accepté les conditions préalables liées à l'octroi de ces aides et, en particulier, de ne pas augmenter ni diminuer la superficie de son exploitation de plus de 5 %.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2015, l'Earl les Roseaux conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens développés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est fondé.
Par ordonnance du 17 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 ;
- le règlement (CE) n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009 portant modalités d'application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2010-1586 du 16 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Tertrais, avocat de l'Earl Les Roseaux.
1. Considérant que la Scea Les Roseaux a changé de statut le 1er mars 2009 pour constituer l'Earl Les Roseaux ; que, par un courrier du 31 mars 2010, le préfet de la Vendée a communiqué à l'ancienne Scea Les Roseaux les montants des références initiales issues des régimes d'aides découplées au titre de la réforme de la PAC 2010 auxquelles elle pouvait prétendre ; que l'Earl Les Roseaux, afin d'obtenir le transfert des droits à paiement unique (DPU) dits " normaux " et des DPU issus des aides directes nouvellement découplées au titre de la réforme de la politique agricole commune (PAC) 2010 provenant de la Scea les Roseaux, a déposé le 17 mai 2010, auprès des services du préfet de la Vendée, un formulaire de demande de prise en compte d'un changement de statut ou de dénomination juridique intervenu entre le 1er janvier 2005 et le 15 mai 2010 ; que, toutefois, elle s'est vue notifier par la direction départementale des territoires et de la mer de la Vendée, le 30 décembre 2010, un portefeuille final de DPU ne comportant aucun transfert de DPU issus des aides directes nouvellement découplées ; qu'elle a contesté auprès du ministre chargé de l'agriculture, le 24 février 2011, la non attribution d'un montant de 21 530,10 euros correspondant à ces références initiales ayant fait l'objet d'un découplage en 2010, et qu'une décision implicite de rejet de ce recours est née du silence gardé par le ministre ; que l'Earl Les Roseaux a saisi le tribunal administratif de Nantes de conclusions tendant à l'annulation de ces deux décisions ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel du jugement du 18 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de l'Earl Les Roseaux, a annulé ces deux décisions et enjoint au préfet de la Vendée de statuer à nouveau sur la demande de DPU de l'Earl Les Roseaux ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 33 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 : " Droits au paiement - 1. Peuvent bénéficier de l'aide au titre du régime de paiement unique les agriculteurs qui : a) détiennent des droits au paiement attribués conformément au règlement (CE) n° 1782/2003 ; b) reçoivent des droits au paiement en application du présent règlement : i) par transfert... " ; qu'aux termes de l'article 43 du même règlement : " Transfert de droits au paiement (...) 2. Les droits au paiement, avec ou sans terres, peuvent être transférés par vente ou toute autre cession définitive. (...) ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009 portant modalités d'application du régime de paiement unique : " Changement de statut juridique ou de dénomination. En cas de changement de statut ou de dénomination juridique, l'agriculteur a accès au régime de paiement unique dans les mêmes conditions que l'agriculteur qui gérait initialement l'exploitation, dans la limite des droits au paiement détenus par l'exploitation d'origine, ou, en cas d'octroi des droits au paiement ou d'une augmentation de leur valeur, dans les limites applicables pour l'attribution des droits à l'exploitation d'origine. Dans le cas où une personne morale changerait de statut juridique ou une personne physique deviendrait une personne morale ou inversement, l'agriculteur assumant la gestion de la nouvelle exploitation doit être l'agriculteur qui exerçait le contrôle de l'exploitation d'origine en matière de gestion, de bénéfices et de risques financiers. " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article D. 615-69 du code rural et de la pêche maritime alors applicable, relevant de la sous-section 3 : Prélèvements appliqués sur les transferts définitifs de droits à paiement unique de la section 5 relative au régime de paiement unique : " (...) IV.- Aucun prélèvement n'est effectué sur les droits à paiement unique transférés à l'occasion d'un changement de dénomination ou de statut juridique de l'exploitation si, à l'issue de cette opération, les deux conditions cumulatives suivantes sont réunies : 1° Au moins l'une des personnes qui assurait les fonctions de chef d'exploitation, d'associé, d'associé gérant ou d'associé exploitant au sein de l'exploitation avant le changement continue d'assurer l'une ou l'autre de ces fonctions par la suite ; 2° L'augmentation ou la diminution de la surface agricole utile de l'exploitation entre le 15 mai précédant le changement et le 15 mai suivant n'excède pas 5 %. " ; que ces dispositions, prises pour l'application des règlements n°73/2009 et n° 1120/2009, n'ont pas d'autre objet que d'autoriser au profit de l'Etat un prélèvement, dans une proportion déterminée, sur la valeur des droits à paiement unique attribués dans le cadre des aides directes nouvellement découplées au titre de la réforme de la PAC 2010, lorsque ces droits font l'objet d'un transfert ; qu'elle ne sauraient avoir pour effet de priver une exploitation ayant changé de statut juridique de l'intégralité de ses références initiales au seul motif que ce changement se serait traduit par une variation de sa surface agricole excédant 5 % ;
4. Considérant que si, à l'occasion de son changement de statut et d'associés, la surface agricole de la Scea Les Roseaux devenue l'Earl les Roseaux est passée de 290,05 hectares à 306,86 hectares, soit une augmentation de surface de 5,48 % supérieure au seuil de 5 % fixé par les dispositions précitées de l'article D. 615-69 du code rural et de la pêche maritime, le préfet de la Vendée puis le ministre chargé de l'agriculture n'ont pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur ce dépassement de seuil pour prélever l'intégralité des DPU correspondant aux aides nouvellement découplées qui avaient été notifiées le 31 mars 2010 à la Scea Les Roseaux ; qu'ainsi tant la décision du 30 décembre 2010 que la décision implicite née du silence gardée sur le recours formé le 24 février 2011 par l'Earl Les Roseaux étaient dépourvues de fondement légal ; qu'elles ne pouvaient qu'être annulées ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les deux décisions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Earl Les Roseaux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejetée.
Article 2 : Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt versera à l'Earl Les Roseaux une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, et à l'Earl Les roseaux.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
F. Lemoine
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02457