Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 octobre 2019 en tant qu'il porte sur son transfert aux autorités allemandes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 de la préfète d'Ille-et-Vilaine décidant son transfert aux autorités allemandes ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de trois suivant le jugement à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son éloignement en Afghanistan en conséquence de son transfert en Allemagne est de nature à établir une violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; c'est au préfet de démontrer qu'il ne risque pas un tel renvoi par les autorités allemandes ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne eu égard à son éloignement prévisible par les autorités allemandes vers l'Afghanistan.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut à titre principal au non-lieu à statuer et subsidiairement au rejet de la requête.
Elle soutient qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette requête alors que l'arrêté a été exécuté et subsidiairement que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique : le rapport de M. A... et les observations de Me B..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C..., ressortissant afghan né le 5 mai 1997, serait entré irrégulièrement en France le 6 août 2019, et a demandé le 20 août 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que ses empreintes avaient été relevées par les autorités allemandes et qu'il avait, préalablement à sa demande d'asile en France, sollicité l'asile auprès de celles-ci, la préfète d'Ille-et-Vilaine a sollicité sur le fondement de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 les autorités de cet État. Elles ont fait connaître leur accord le 2 octobre 2019, sur le même fondement. À la suite de cet accord, la préfète d'Ille-et-Vilaine a, par un arrêté du 9 octobre 2019, décidé de transférer M. C... aux autorités allemandes à fin de traitement de sa demande d'asile, l'intéressé étant, par une décision du même jour, assigné à résidence dans l'attente de ce transfert. Par un jugement du 17 octobre 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions. M. C... relève appel de ce jugement uniquement en ce qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision de transfert.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine :
2. L'arrêté portant transfert de M. C... ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants".
4. Pour soutenir que l'arrêté contesté méconnait les dispositions citées au point précédent M. C... affirme que, en cas de renvoi en Allemagne, il sera nécessairement éloigné à destination de l'Afghanistan où son intégrité physique est menacée. Toutefois, d'une part, il n'établit pas ni même n'allègue que les autorités allemandes auraient décidé de le renvoyer en Afghanistan. D'autre part, ces mêmes autorités ont accepté son transfert sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, c'est-à-dire au motif que sa demande d'asile est en cours d'examen dans ce pays. Enfin l'Allemagne, membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, c'est à bon droit et sans se méprendre sur la charge de la preuve, que le premier juge a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des articles cités au point précédent.
5. En second lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
6. M. C... se prévaut à nouveau de la probabilité qu'il soit renvoyé en Afghanistan du fait de son transfert en Allemagne. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète d'Ille-et-Vilaine aurait entaché sa décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2019 décidant son transfert en Allemagne. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00875